Dix ans jour pour jour après catastrophe aérienne de Phuket qui a fait 90 morts, la justice française relance ses investigations sur un accident aérien où neuf Français avaient péri en Thaïlande.
Coïncidence troublante, il y a dix jours, le 6 septembre dernier 12 compagnies aériennes enregistrées en Thaïlande ont suspendu leurs vols internationaux pour non respect des normes de sécurité dans l’attente d’une nouvelle inspection de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Parmi elle trois transporteurs nationaux à faible coût tels que Thai VietJet Air et Siam Air Transport et Orient Thai Airlines, la compagnie aérienne qui est à l’origine de la catastrophe aérienne de Phuket en 2007.
La compagnie responsable de l’accident de Phuket en 2007
En septembre 2007, après le crash d’un avion de la compagnie « One Two Go » (une filiale de Orient Thai, disparue depuis) le logbook du pilote indonésien Arief Mulyadi agé de 56 ans, montrait qu’il avait accumulé bien plus que la limite de 110 heures de vols sur le mois le maximum autorisé par le règlement en Thaïlande.
Plusieurs sources indiquent aussi que le pilote n’avait pas renouvelé dans les délais son test d’aptitude sur les MD80 (l’appareil impliqué dans le crash de Phuket), ou que ce test avait été falsifié.
Selon les informations du Parisien, un mandat d’arrêt international a été lancé, cet été, à l’encontre d’Udom Tantiprasongchai, ancien PDG des compagnies aériennes thaïlandaises One-Two-Go et de sa maison mère, Orient Thai Airlines, dans le cadre de l’enquête ouverte par la France pour homicides et blessures involontaires.
Une procédure exceptionnelle pour un président de compagnie aérienne, qui intervient après dix ans d’enquête au cours desquelles la coopération entre les deux pays a été défaillante.
En 2015, la compagnie thaïlandaise low-cost Orient Thai a pourtant déjà été sanctionnée une première fois pour manquement aux règles de sécurité par les autorités de l’aviation chinoise.
En mai 2015, un premier examen pratiqué par l’Administration de l’aviation civile de Chine a découvert que les documents de vol et de maintenance de plusieurs appareils de cette compagnie aérienne étaient incomplets ou hors délai.
Certains des avions sont âgés de plus de 14 ans, alors que leur entretien n’a pas pu être réalisé dans les délais obligatoires. Le nombre de personnel qualifié est également insuffisant.
Un « blanc » de 15 secondes
Ensuite la date du crash, le 16 septembre, tombe au milieu du Ramadan : le pilote musulman Arief Mulyadi devait-il être autorisé à voler dans de mauvaises conditions météo alors qu’il avait jeûné toute la journée ?
Le pilote Arief Mulyadi, 57 ans, totalisait 16 752 heures de vol, dont 4 330 sur ce type d’appareil. Il n’avait pas mangé parce qu’il faisait le ramadan, et il volait au-dessus des seuils maximum d’heures1. Il n’avait pas eu le moindre repos depuis 10 jours, et avait près de 70 heures de temps de vol sur ces dix derniers jours.
Autre pièce au dossier, le témoignage d’un ancien pilote de la compagnie recueilli par la justice française :
«Lorsque je suis arrivé avec X au briefing, j’ai été étonné de constater qu’une enveloppe d’argent de 150 dollars nous attendait pour chacun. On m’a expliqué que c’était pour accepter de dépasser les heures limites de vol. C’était normal d’accepter, c’était une politique chez Orient Thai.»
D’autre part la piste de l’aéroport international de Phuket n’était pas aux normes de l’OACI, qui exigent que les côtés de la piste doivent disposer d’une zone de dégagement de 150 m minimum de chaque côté, ce qui n’était pas le cas.
Le MD82 s’étant encastré dans le talus surplombant la piste ce qui n’a pas permis d’utiliser les issues de secours de l’avant de l’appareil.
Ceci alors que l’analyse des derniers enregistrements du cockpit démontre que le pilote a eu un “blanc” de 15 secondes juste avant l’atterrissage manqué, quand le co-pilote lui a redonné les commandes pendant la phase critique d’approche de l’aéroport.
Arief Mulyadi avait aussi de sérieux problèmes de santé : un ancien employé de One Two Go témoigne qu’il avait échoué à son dernier examen médical, en raison de problèmes de somnolence dans l’après-midi.
D’après les enregistrements de la boîte noire, le copilote Montri n’avait pas les compétences nécessaires pour gérer l’atterrissage dans des conditions météo défavorables. Montri a annoncé son intention d’interrompre l’atterrissage à la tour de contrôle, mais n’a pas réussi à configurer correctement l’avion pour un go-around.
Soudain, l’avion n’avait plus de poussée et n’était plus manœuvrable. Montri a paniqué et tenté de renoncer au contrôle de l’avion en donnant les commandes au pilote Arief ( “Vous avez le contrôle»), qui n’a pas répondu.
Pendant 15 des 19 dernières secondes de vol – une éternité dans l’aviation – personne ne se trouvait aux commandes de l’avion. Quatre secondes seulement avant l’impact, quelqu’un (on ne sait pas qui) a remis les gaz à fond, mais il était déjà trop tard.
Une flotte aérienne vétuste
On se pose aussi des questions sur le parcours de l’appareil lui même, pas vraiment flambant neuf qui venait de fêter ses 24 ans de service : un MD 82 livré en 1983 à la TWA, puis revendu à American Airlines en 2001 pour finir en leasing chez One Two Go à partir de 2007 par l’intermédiaire de Grandmax Group.
Les modèles de la série MD-80 ont été mis au point par Douglas Aircraft, à la fin Années 1970 et 1980. Après la dernière sortie de la chaîne d’assemblage en 1999, l’avionneur a arrêté la production et a été ultérieurement fusionné avec Boeing. La plupart des compagnies aériennes ont commencé à retirer les appareils de la série MD-80 de leur flotte.