Avec le nouvel accident qui a endeuillé Samui la semaine dernière, les questions sur la sécurité aérienne en Thaïlande ne manquent pas de resurgir. Une fois de plus, ce sont les conditions météo qui semblent être la cause principale de l’atterrissage raté de l’ATR 72 en provenance de Krabi. Mais peut-on vraiment se satisfaire une fois de plus de cette explication ?
L’explication du mauvais temps avait également servi lors du crash de Phuket en septembre 2007 qui avait fait 89 victimes sur les 123 passagers et membres d’équipages. On attend toujours d’ailleurs le rapport officiel des autorités thaïlandaises sur les conditions exactes de l’accident. En attendant il faut se contenter des déclarations du directeur de la DCA (Department of Civil Aviation, l’administration qui délivre les autorisations de vols en Thailande) : la catastrophe de Phuket est due principalement à une erreur de pilotage et à des conditions météo exécrables.
De fait on peut se demander comment à peine un an et demi après le crash de Phuket, One Two Go a pu recupérer sa licence opérationnelle, après avoir été interdite de vol en raison de nombreuses irrégularités. L’enquête officielle de la DCA est toujours en cours, mais des fuites ont déjà alimenté la rumeur : le logbook du pilote indonésien Arief Mulyadi agé de 56 ans, montre qu’il avait accumulé bien plus que la limite de 110 heures de vols sur le mois le maximum autorisé par le règlement en Thailande. Plusieurs sources indiquent aussi que le pilote n’avait pas renouvelé dans les délais son test d’aptitude sur les MD80 (l’appareil impliqué dans le crash de Phuket), ou que ce test avait été falsifié.
Le témoignage d’un ancien pilote de Orient Thai (la maison mère de One Two Go) vient confirmer ces soupçons
« La pratique du dépassement du quota d’heures par le pilotes (110 par mois) était encouragée par la direction et faisait même l’objet d’un bonus de 150 dollars, toujours payé en liquide ».
Ensuite la date du crash, le 16 septembre, tombe au milieu du Ramadan : un pilote musulman doit-il être autorisé à voler dans de mauvaises conditions alors qu’il jeune toute la journée ? Ceci alors que l’analyse des derniers enregistrements du cockpit démontre que le pilote a eu un « blanc » de 30 secondes juste avant l’atterrissage manqué, quand le co-pilote lui a redonné les commandes pendant la phase critique d’approche de l’aéroport.
Des questions subsistent aussi sur le mode de gestion des compagnies low cost dont font partie Bangkok Airways et surtout One Two Go. Le succès des compagnies à bas coût repose sur des recettes simples : des campagnes de promotion très agressives, réservation uniquement sur Internet, des flottes qui volent longtemps (12 heures par jour en moyenne), donc davantage de rotations, des services et des frais a minima, un marketing et des aéroports secondaires ou des aérogares low cost avec des installations basiques.
Les compagnies low cost utilisent aussi en général un nombre limité de type d’appareil, ce qui permet de réduite les coûts de maintenance, et ne vendent que des billets « point to point » (pas de correspondance, même pour les bagages). Plusieurs compagnies thaïlandaises utilisent ainsi encore l’ancien aéroport de Bangkok (Don Muang), dont la taxe d’atterrissage est moins élevée que celle du nouvel aéroport.
La question de la sécurité aérienne en Thaïlande avait déjà été sérieusement évoquée en 2005, lorsque la compagnie à bas prix Phuket Air avait été confrontée à toute une série de problèmes, à la suite desquels elle avait été interdite dans toute l’Europe. De graves défaillances mécaniques avaient été détectées sur ses avions. En 2008 c’est la compagnie Siem Reap Airways opérant au Cambodge, et filiale de la compagnie thaïlandaise Bangkok Airways qui a fait son entrée sur la liste noire de l’Union européenne.
Selon Bruxelles, Siem Reap Airways, ne respecte ni la réglementation fixée par l’aviation civile cambodgienne, ni les normes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI).
Qu’en est-il du contrôle de la DCA sur ces compagnies ?
En 2005, un article du Bangkok Post attribuait les problèmes de Phuket Air et d’autres compagnies, à une application laxiste de la règlementation par le ministère des Transports et la Direction de l’aviation civile. Selon cette enquête, environ 60 % du travail des inspections annuelles des avions est fondé sur des documents envoyés par les compagnies, et non sur une vérification directe des appareils, expliquait le quotidien.
En outre, lisait-on dans ce même article, il est arrivé que des politiques demandent aux autorités chargées de la règlementation de montrer une certaine souplesse quant aux règlements sur les inspections. Une manière diplomatique d’évoquer les problèmes de corruption.
Au début des années 2000, la politique d’ouverture du ciel a autorisé la création d’un grand nombre de compagnies à bas coût en Thaïlande. Aujourd’hui des questions se posent : le jeu d’hommes politiques influents et des règles laxistes ont-ils conduit à un (trop) faible contrôle de l’aviation civile sur les nouveaux opérateurs ?
Olivier Languepin
Sur le crash de Phuket voir le site très bien documenté (en anglais) http://www.investigateudom.com/
4 comments
Classer Bangkok Airways dans la categorie low cost me semble faire preuve d’un manque de recherche, surtout en regard de la definition donnee.
Bangkok airways est pour la cinquieme annee consecutive classee meilleure compagnie aerienne regionale. Ses tarifs sont plus eleves que les autres compagnies Thaies, Thai airways incluse.
Déjà éviter de prendre a tout prix ces cercueil volants comme le MD80 et ses dérivés. Mac donnel Douglas a plus a faire avec l’armée et se fout éperdument de ses avions de ligne. Même le DC-10 est a eviter. De même les best sellers genre Boieng 737 et dérivés car en une année on arrive rien qu’avec ces deux modèles d’avions a un nombre de victimes proche du vol AF447…
Au bout du compte quelle compagnie prendre pour les vols internes ????
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