La Thaïlande un pays dangereux où des gangs enlèvent des touristes pour les envoyer dans des centres de travail forcé pour y exploiter des arnaques en ligne ?
Cela semble un peu invraisemblable pour ceux qui connaissent le pays… Mais à cause des rumeurs qui prolifèrent en ce moment sur les réseaux sociaux et de « No more bets » (Rien ne va plus), un film d’action qui a conquis une large audience en Chine, l’image du royaume parmi de nombreux Chinois est maintenant celle d’un pays dangereux.
Bien qu’il ne soit sorti qu’en août dernier, No More Bets est devenu le troisième film le plus populaire en Chine cette année, récoltant 3,8 milliards de yuans (480 millions d’euros) et alimentant à profusion les discussions en ligne sur les dangers potentiels d’un voyage en Thaïlande.
Dans No More Bets, qui prétend être basé sur des « événements réels », un programmeur informatique se retrouve prisonnier d’un gang d’escrocs ultraviolents quelque part en en Asie du Sud-Est, et après avoir été victime d’un enlèvement dans un pays fictif mais qui ressemble beaucoup à la Thaïlande.
Certaines scènes du film, comme la torture avec une matraque électrique d’un des prisonniers séquestrés et chargé de développer des arnaques en ligne, sont d’ailleurs directement inspirées de faits réels et de clips ayant abondamment circulés sur internet.
La Thaïlande, qui dépend énormément du tourisme, en particulier de ceux en provenance de Chine accueillait plus de 10 millions de visiteurs chinois chaque année avant la pandémie de Covid-19. Des chiffres que Bangkok tente désespérément de retrouver en ce moment, notamment en supprimant les frais de visa pour les touristes chinois à partir du 26 septembre pour 5 mois.
Cependant les rumeurs virales sur les médias sociaux affirmant que des touristes pourraient être enlevés et envoyés au Myanmar ou au Cambodge pour être enfermés dans des complexes d’escroquerie en ligne, risquent de refroidir bon nombre de voyageurs.
Une enquête récente sur Weibo a montré que 48 000 des 54 000 personnes interrogées évitaient de se rendre au Myanmar pour des raisons de sécurité. Une autre enquête a révélé que les répondants ne voulaient plus voyager en Asie du Sud-Est, et plus de 85% ont cité des problèmes de sécurité comme la principale raison pour laquelle ils ne voulaient pas voyager selon le quotidien thaïlandais Krungthep Thuragit.
Des rumeurs persistantes…
De nombreux reportages ont documenté les trafics humains de milliers de Chinois attirés dans des centres en Asie du Sud-Est, principalement au Myanmar et au Cambodge, pour y monter des escroqueries en ligne.
Mais la plupart des personnes impliquées ont été piégées avec de fausses offres de travail – pas enlevées en pleine rue pendant leurs vacances – et jusqu’à présent, aucun complexe d’escroquerie de ce type, et surtout de cette ampleur, n’a été trouvé en Thaïlande.
Cependant la semaine dernière le Bureau thaïlandais d’enquête sur la cybercriminalité (CCIB) a arrêté sept ressortissants chinois impliqués dans des fraudes cryptographiques et le blanchiment d’argent.
Les suspects ont utilisé de faux profils de médias sociaux pour inciter les victimes à investir dans une entreprise frauduleuse de cryptographie, causant des pertes de plus de 10 milliards de bahts dans le monde, dont plus de 600 millions rien qu’en Thaïlande. La police a mené des descentes à plusieurs endroits à Bangkok et a saisi de l’argent, des propriétés de luxe, des voitures et de faux passeports.
Les escrocs passent des semaines ou des mois à établir une relation de confiance avec leurs victimes sur les réseaux sociaux, avant de les encourager à investir dans le trading de crypto-monnaie. L’escroc dirige alors la victime vers une fausse plateforme de trading où ils simulent des transactions et convainquent la victime d’investir de plus en plus d’argent.
Un schéma désormais bien rodé et qui ne concerne pas seulement les Chinois, mais tous les pays de l’Asie du Sud-Est.
…inspirées de faits réels
Selon un rapport récent du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), publié lee 29 août, au moins 120 000 personnes au Myanmar et environ 100 000 au Cambodge ont été forcées de travailler par des gangs gérants des centres d’appels frauduleux.
D’autres pays d’Asie du Sud-Est, dont le Laos, les Philippines et la Thaïlande, sont devenus des voies de transit pour des dizaines de milliers de victimes de la traite des êtres humains.
Ahmad* vivait relativement bien en Indonésie. Diplômé de l’université et parlant couramment l’anglais, il avait un emploi bien rémunéré dans le domaine de l’informatique.
Cependant, il n’a pu ignorer la perspective d’un avenir meilleur à l’étranger. « Par l’intermédiaire d’un ami en Thaïlande, j’ai reçu une offre d’emploi dans le domaine du marketing en ligne », raconte Ahmad. « Le salaire proposé était élevé, j’ai donc décidé de saisir l’occasion. »
Après avoir quitté l’Indonésie pour la Malaisie et traversé la frontière thaïlandaise par voie terrestre, Ahmed s’est retrouvé à Bangkok. Ne connaissant pas bien le pays, il se demandait dans quelle ville il va travailler.
Ahmad a été conduit dans le nord de la Thaïlande et, après un voyage de plusieurs heures, il s’est retrouvé entouré d’hommes armés près d’une rivière. Il s’est rendu compte que la situation était en train de s’assombrir.
« J’étais tellement effrayé et déboussolé », se souvient-il. « Après avoir traversé la rivière, j’ai vu le drapeau d’un autre pays, qui n’était certainement pas le drapeau thaïlandais. J’ai compris qu’on m’avait emmené au Myanmar ».
Bien que la Thaïlande soit depuis toujours un pays de destination, d’origine et de transit pour la traite dans la région, on constate une augmentation du nombre de personnes victimes de traite à travers ce pays et dans les pays voisins, contraintes de travailler dans le cadre d’opérations frauduleuses de ce type.
Traite des êtres humains en Thaïlande: ils racontent leur calvaire » thailande-fr