Le parc national de Khao Sok, situé dans le sud de la Thaïlande dans la province de Surat Thani, abrite l’une des plus anciennes forêts vierges au monde, ainsi qu’un lac artificiel entouré de falaises karstiques.

Créé en 1980 le parc de Khao Sok, fut le 22eme parc national de Thaïlande, inauguré 26 ans après le premier parc national du pays (à Chiang Mai). Il se situe dans le sud de la Thaïlande, dans la province de Surat Thani.

Sa superficie est de 739 km² et se compose d’une massive forêt tropicale indigene, de plusieurs cascades, des grottes aux jolies concrétions, de nombreux points d’eau, de majestueuses falaises de calcaire et d’un lac artificiel.

Une histoire mouvementée

Selon Sunee Srisuwan, propriétaire de l’un des premiers hôtels de la ville, la forêt de Khao Sok est plus ancienne encore que la forêt Amazonienne. Dans cette zone le climat a été très peu modifié au cours du temps dans la mesure ou la Thaïlande a gardé une position équatoriale similaire au cours des 160 derniers millions d’années. C’est pourquoi elle n’a ni souffert des périodes glaciaires, ni des fortes sécheresses que d’autres régions du monde ont endurées. Khao Sok et sa forêt recevait toujours suffisamment de précipitations pour faire vivre la faune et la flore interne.

Déforestation et guerilla communiste

Plus récemment, la Thaïlande fut touchée par un déboisement de masse, l’exploitation forestière allait être à son apogée mais Khao Sok en fut protégé par une succession de coïncidences, que Maew, guide dans la forêt, raconte volontiers le sourire aux lèvres, liant ces coups du sort au divin.

Elle expliqua comment la forêt fut protégée grâce à des étudiants communistes. En effet, un groupe d’étudiants thaïlandais devenus insurgés communistes échappe au gouvernement en installant un fief à Khao Sok. Ils firent de ce lieu leur bastion car c’était le territoire idéal pour se cacher et mener une guérilla.

C’est en essayant de se protéger de l’armée thaïlandaise en la gardant à distance, qu’ils ont par la même occasion tenu à l’écart les bûcherons, les mineurs et les chasseurs. Les étudiants quittèrent leur fief en 1982 et le parc national avait déjà été officiellement établi, ce qui permet aujourd’hui de garantir la protection du lieu contre toute dégradation ou exploitation, par le pouvoir des lois nationales thaïlandaises.

Voilà l’un des hasards qui permit la survie de cette zone, une occupation de 7 ans sans laquelle la forêt aurait probablement disparu, évoluant dans une direction plus négative, celle de la déforestation comme dans la plupart des autres régions sauvages du pays. 

b47ee214 khao sok history - thailande-fr
Des étudiants thaïlandais à Khao Sok dans les années 1980, image khaosoklake.com 

Une survie qui ne va pas de soi

En 2022, le parc fête son 42eme anniversaire, et voilà 42 ans qu’il se perfectionne et tente de faire face aux menaces qui peuvent s’avérer un problème important pour la pérennité de l’écosystème de la forêt. La plupart de ces menaces peuvent être contrôlées puisqu’elles sont causées par les êtres humains.

Le parc national présente sur son site les principales menaces auxquelles Khao Sok doit faire face : 

En premier lieu, on retrouve l’exploitation forestière illégale. Bien qu’elle ait été interdite en 1989, cette mesure n’a cependant pas suffi pour arrêter la perte des forêts. Les abattages illégaux en Thaïlande restent un problème. Le pays perd en moyenne 5 000 km² de zones forestières par an. Entre 1961 et 1998 les surfaces boisées ont diminué de moitié passant de 53% à 26% du territoire thaïlandais.

déforestation
Illustration: Philippe Rekacewicz, UNEP/GRID-Arenda. https://www.thailande-fr.com/societe/environnement/18118-deforestation-illegale-un-terrain-de-foot-toutes-les-deux-secondes

La seconde menace est la plantation. Dans la mesure où les plantations peuvent souvent être comptabilisées dans la définition du couvert forestier, il peut être difficile d’établir l’ampleur réelle de la perte d’habitat naturel dans de telles zones.

Vient ensuite, le braconnage, il se révèle être un important problème pour lequel les autorités n’ont pas encore agi de façon sévère. John Goodrich de l’ONG Panthera, pense pouvoir affirmer que la Thaïlande abrite aujourd’hui 200 tigres, ce chiffre s’élevait à 2000 en 2007. Le braconnage est la source de ce problème, et ce dernier ne se dissipe pas car les sanctions à leur égard restent trop peu dissuasives. Les autorités refusent de mettre les trafiquants de tigres en prison, c’est une simple amende qui leur est imposée ne dépassant pas les 40 000 bahts (1100 euros), mais généralement, les condamnations sont des amendes de 2 000 bahts seulement, soit environ 50 euros.

Un tigre dans la jungle

Dans la jungle, il se passe mille et une histoire, mais celle que j’ai préférée entendre fut celle de Khai, ce guide que tout le monde surnomme l’homme aux cheveux longs, dont le caractère extraverti se mariait parfaitement avec son style vestimentaire unique. Guide depuis 28 ans dans la forêt tropicale, il décida de me raconter la journée dont les souvenirs éveillaient en lui le goût relevé de l’aventure brusque, curieuse et imprévisible. 

« C’était la première fois que je voyais un tigre » me révéla-t-il. 

« C’était il y a huit ans, nous partions camper dans la forêt avec deux femmes de Slovaquie. Le matin, vers dix heures trente, je me rendais à un endroit bien précis dans la forêt duquel on peut parfois observer des singes. Les slovaques voulaient voir des gibbons, des singes très populaires de la région, ils communiquent en effectuant un chant dont eux seuls ont le secret. C’est très impressionnant. Après nous être écartés d’une quarantaine de mètres du chemin principal, nous avons pu observer ces animaux au chant mystérieux ». 

 Il ajouta qu’ils se sentirent extrêmement chanceux de voir ce type de singe, en grande quantité et émettre ce son particulier de façon harmonieuse, pour eux, la journée était déjà exceptionnelle. 

« C’est à ce même instant, dans cet élan de joie générale, que nous vîmes un tigre, probablement l’animal le plus majestueux, certainement le plus impressionnant de la forêt » dit-il d’un ton sérieux mais émerveillé. 

Il n’en avait jamais vu un sauvage, en liberté. Il continua: 

« Il était à une quarantaine de mètres de nous, près d’un point d’eau, il était calme mais nos cœurs battaient la chamade ». 

Après quelques instants, ils se sont éloignés doucement afin de rejoindre à nouveau le chemin principal. 

« Nous n’avons rien dit sur le moment car nous étions pétrifiés de peur et plus qu’impressionnés, nous en avons cependant parlé par la suite durant un long temps, réalisant la chance inouïe que nous avions eu de voir un animal d’une telle rareté.  La nuit venue lorsque nous sommes retournés dans le campement dans la forêt, nous ne pouvions penser à autre chose. Je me repassais la matinée en boucle dans ma tête, je ne pouvais penser à autre chose qu’au tigre et à la possibilité bien que très fine, qu’il y en ait un près de nos tentes. Le lendemain nous étions encore sous le choc ». 

Enfin, c’est le tourisme non réglementé qui reste une menace pour le parc national.

Les visiteurs restent les bienvenus dans le parc et sont même essentiels à sa survie puisqu’ils représentent sa principale source de redevances. 

Il y a un code de conduite à adopter dans le parc qui relève du bon sens : respectez la nature, ne jetez aucun déchet au sol, n’essayez pas d’attraper les animaux de la forêt, ne coupez pas le bois de la forêt etc. 

Afin d’éduquer les visiteurs et la population locale sur le meilleur comportement à adopter pour préserver ces espaces naturels, le parc national a engagé des gardes forestiers et des rangers « hautement formés et spécialisés ». Ils ont connaissance, comprennent et enseignent l’impact que nos gestes auront sur l’écosystème, la faune et la flore de la forêt.

Une faune et une flore très diversifiée

La Faune de Khao Sok est extrêmement diversifiée, en effet le parc abrite :

  • 311 espèces d’oiseaux
  • 48 espèces de mammifères
  • 30 espèces de chauves-souris
  • D’innombrables insectes et reptiles
  • Environ 200 éléphants sauvages 
  • Tigres en voie de disparition

En plus d’une vaste forêt tropicale naturelle, le parc comprend un lac somptueux. 

Inauguré en 1987, le lac de Cheow Larn est un lac artificiel conçu avec la construction d’un barrage (le barrage de Rajjaprabha, qui signifie « lumière du royaume »). Il a été construit à l’initiative de l’Autorité de production d’électricité de Thaïlande (EGAT) qui souhaitait réaliser le défi de créer de l’énergie hydroélectrique pour la région. Cette initiative est perçue comme un défi car elle est réalisée à une époque où ce type d’énergie n’était pas aussi courant qu’il l’est aujourd’hui.

Le lac a une superficie de 165 km 2. Il est à lui seul un spectacle à couper le souffle. En effet, c’est une centaine de pitons rocheux, de karsts calcaires qui surgissent de l’eau couleur émeraude, vestiges de ce qui était autrefois des sommets montagneux.

Afin de créer ce lac immense plusieurs villages furent évacués et reposent aujourd’hui dans les profondeurs de ce plan d’eau douce. Quant à la faune, des efforts furent effectués pour évacuer un maximum d’animaux de la forêt mais les victimes restent plus nombreuses que les sauvetages. C’est pourquoi ce lac a été considéré comme un événement dévastateur pour une partie de la faune de Khao Sok.

Un exemple de tourisme durable ou d’écotourisme ? 

La réponse est oui. D’après la définition qu’en donne l’OMT, l’écotourisme s’entend des formes de tourisme ayant les caractéristiques suivantes :

  1. Toutes les formes de tourisme axées sur la nature et dans lesquelles la principale motivation du touriste est d’observer la nature.
  2. Il comporte une part d’éducation et d’interprétation.
  3. Les prestataires de services partenaires dans les destinations sont le plus souvent de petites entreprises locales.
  4. Il s’accompagne de retombées négatives limitées sur l’environnement naturel et socioculturel.
  5. Il favorise la protection des zones naturelles utilisées comme attractions écotouristiques

Répondant à tous ces critères, Khao Sok et son parc national représentent une forme d’écotourisme.

Avec environ 150 parcs nationaux en Thaïlande, le pays tente de mettre l’accent sur un tourisme plus durable. 

L’évolution du parc 

Un guide forestier /nommé Khai/, travaillant à Khao Sok depuis trente ans nous narrait l’évolution nette qu’il a remarquée entre ses débuts dans la forêt tropicale et aujourd’hui. Il observait donc un changement notable au niveau du tourisme mais également du village de Khao Sok lui-même. Ce fut intéressant de comprendre que l’endroit où je faisais l’interview n’existait pas il y a trente ans, ni route, ni électricité, c’est en effet la naissance de ce tourisme vert, à l’initiative de quelques locaux, qu’un petit village se forma, puis des restaurants, des hôtels pour accueillir les visiteurs, des routes et non plus des chemins de terre etc. 

Selon lui, la multiplication de touristes dans cette zone avait du bon et du mauvais. En effet, le parc national ne pourrait prendre soin et protéger l’entièreté de la  forêt sans les touristes et l’argent qu’ils fournissent afin d’entrer dans le parc. Cependant cela peut représenter une évolution négative selon Khai car la prolifération des touristes aurait engendré un mouvement centripète d’une partie des animaux de la forêt qui s’éloigneraient des sentiers utilisés par les touristes. 

Que faire à Khao Sok? 

En m’y rendant, j’avais conscience que l’attraction phare était la randonnée dans le parc, cependant je ne savais pas si je pouvais pénétrer le parc seule ou si un guide spécialisé devait obligatoirement m’accompagner. Je me suis rendue compte pendant mon séjour que d’autres personnes demandaient les services d’un guide imaginant qu’ils ne pouvaient s’aventurer seuls dans la forêt. En réalité, libre à vous de choisir d’être seul ou accompagné d’un guide.

L’entrée dans le parc national est de 300 bahts par personne et vous saurez apprécier seul l’observation de la faune et de la flore environnante. Si vous le souhaitez, vous pouvez trouver des guides à l’entrée du parc sinon demandez les services d’un guide local dans le petit village en face de l’entrée du parc. Ils seront en capacité de vous expliquer tout ce que vous voyez, entendez et sentez pendant la randonnée. 

De nombreuses autres activités figurent dans le parc, en plus d’un trekking dans la jungle, vous pouvez observer les cascades et vous y baigner, visiter des grottes pittoresques, passer la nuit dans un bungalow flottant ou encore faire du canoë sur le lac Cheow Larn en observant les gigantesques pitons rocheux qui jaillissent de l’eau calme. 

Sur place, vous serez en mesure de trouver des agences touristiques qui proposent d’effectuer la majorité de ces activités, condensés dans un parcours d’une journée. Les prix ne varient pas vraiment selon les agences et s’élèvent à 1500 bahts par personne soit 40 euros.

Sources

Thai National Parks: Khao Sok : https://www.thainationalparks.com/khao-sok-national-park

Khao Sok National Park Thailand:

Thailande-fr : https://www.thailande-fr.com/societe/environnement/18118-deforestation-illegale-un-terrain-de-foot-toutes-les-deux-secondes

Thailande-fr : https://www.thailande-fr.com/societe/environnement/17305-deforestation-corruption-inondation-le-mal-thailandais

UNWTO, Thailand data https://www.unwto.org/fr/sustainable-development/ecotourism-and-protected-areas#:~:text=D’apr%C3%A8s%20la%20d%C3%A9finition%20qu,tourisme%20ayant%20les%20caract%C3%A9ristiques%20suivantes%20%3A&text=en%20faisant%20davantage%20prendre%20conscience,le%20capital%20naturel%20et%20culturel.

Le Monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/18/pour-2022-l-annee-du-tigre-la-thailande-compte-ses-grands-felins_6109869_3210.html

Geo Thailande : https://www.geo.fr/environnement/thailande-le-nombre-de-tigres-remonte-tres-lentement-mais-le-felin-reste-menace-201411

You May Also Like

En Thaïlande, les travailleuses du sexe militent pour la légalisation de leur profession

En Thaïlande, les défenseurs des droits des travailleuses du sexe intensifient leurs efforts pour la décriminalisation du travail du sexe et la protection des droits des travailleuses.