L’année 2024 a marqué un tournant historique dans la chute de la démographie en Thaïlande avec moins de 500 000 naissances, seuil jamais franchi depuis 1949. La population a diminué de 100 000 personnes pour atteindre 65,95 millions de résidents.
Il s’agit de la quatrième année consécutive où les naissances sont moins nombreuses que les décès ; en 2024, le pays enregistre près de 572 000 décès contre 462 000 naissances.
Aujourd’hui en Thaïlande, le Département de l’Administration Provinciale comptabilise 65,951 millions de résidents, parmi lesquels 64,953 millions ont la nationalité thaïlandaise et près d’un million sont non nationaux.
La population thaïlandaise est aujourd’hui en nette baisse, ce qui a poussé le gouvernement à mettre en place des initiatives telles que la campagne « Having Children for the Nation » dans un effort visant à relancer la natalité. Sans succès pour l’instant, le pays se retrouve face à une potentielle crise démographique. L’ancien ministre de la Santé Cholnan Srikaew a déclaré en 2024 que le taux de natalité avait atteint un niveau critique.
La Thaïlande : Un cas isolé en Asie du Sud-Est ?
La Thaïlande, nation d’Asie du Sud-Est, connaît la baisse de natalité la plus rapide de la région, un phénomène généralement observé dans les pays développés à hauts revenus.
Le taux de fécondité de la Thaïlande est en forte baisse. Selon les données disponibles, en 2024, le taux de fécondité est tombé à 1,0 enfant par femme, ce qui est très en dessous du seuil de renouvellement de la population de 2,1. Cette tendance s’est poursuivie depuis plusieurs années, avec des taux de fécondité qui ont diminué de manière significative. Par exemple, en 2023, l’indice synthétique de fécondité (ISF) du pays était encore de 1,51, un niveau déjà considéré comme très bas.
Le taux de fécondité de la Thaïlande est devenu particulièrement bas ; à 1,0, il rejoint celui du Japon – qui a également une population fortement déclinante – et place le pays parmi les nations les moins fertiles du monde avec Singapour et la Corée du Sud.
Pourquoi cette chute de la natalité ?
De nombreux facteurs sont à l’origine de cette chute ; Sasiwimon Warunsiri Paweenawat, professeure associée d’économie à l’université Thammasat de Bangkok, évoque notamment l’amélioration des conditions de santé et la promotion des moyens de contraception. Le gouvernement thaïlandais a aussi mis en place des politiques visant à réduire le nombre de naissances depuis les années 70.
L’éducation, le coût de la vie qui augmente et les congés maternité sont aussi des éléments qui expliquent la chute du taux de natalité. Les femmes enceintes n’ont le droit qu’à 98 jours de congé maternité, soit 14 semaines, une durée parmi les plus courtes d’Asie du Sud-Est. La Convention sur la protection de la maternité de l’Organisation Internationale du Travail recommande 18 semaines de congés.
Contrairement aux générations précédentes, les futurs parents d’aujourd’hui tendent à privilégier leur carrière et leur épanouissement personnel. Sasiwimon Warunsiri Paweenawat souligne que plus le niveau d’éducation des femmes est élevé, moins elles sont susceptibles de devenir mères.
Les prévisions d’une baisse continue
Les experts estiment que la population thaïlandaise pourrait être divisée par deux durant les six prochaines décennies. Kue Wongbunsin, spécialiste de la démographie, parle d’un passage de 66 millions de résidents en 2024 à 33 millions en 2083. La population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) passera de 44 millions aujourd’hui à seulement 14 millions.
Quels effets à plus long terme ?
Cette baisse du taux de fécondité a plusieurs conséquences. D’abord, la population de la Thaïlande est en train de vieillir rapidement. En 2021, la Thaïlande a dépassé le seuil des 20% de personnes de plus de 60 ans, soit environ 14 millions de personnes sur une population totale de 69 millions d’habitants. Les Nations Unies prévoient une accélération de ce phénomène démographique, avec près de 38% de la population âgée de plus de 60 ans en 2031.
La diminution continue de la population en âge de travailler pourrait avoir des conséquences graves. Le gouvernement risque de rencontrer des difficultés croissantes pour collecter les impôts nécessaires pour financer les dépenses de santé liées au vieillissement de la population qui augmenteront de manière significative. La baisse de la natalité actuelle pourrait donc plonger le pays dans une situation économique et sociale délicate si aucune mesure n’est prise.
Vers une résolution de la crise ?
Une étude récente conduite auprès de plus de 1 000 Thaïs âgés de 28 ans et plus montre que 71% d’entre eux voient la chute du taux de natalité comme une crise nationale, mais seulement 35,8% d’entre eux prévoient d’avoir des enfants. 30% se disent prêts avec le soutien nécessaire. Le Dr Chalermpol Chamchan, directeur de l’Institut pour la Population et la Recherche Sociale de l’Université Mahidol, souligne la nécessité pour l’État de mettre en œuvre des politiques ciblées afin de persuader les indécis.
Jongjit Rittirong, professeure au même institut, indique que la relance de la natalité est un travail de longue haleine qui nécessite la mise en place de politiques spécifiques. Dans les pays développés, il a été nécessaire de faire évoluer le système de protection sociale.
Selon Rittirong, il faut donc améliorer les conditions de vie des jeunes parents et de leurs enfants ; cela peut passer par le développement de la garde d’enfants, l’extension des congés parentaux, l’aménagement du temps de travail, l’école abordable et de qualité, des logements et des assurances médicales abordables.
Le gouvernement thaïlandais a pris conscience de l’urgence et a inscrit la relance de la natalité parmi ses priorités nationales. Les experts s’en félicitent, car pour éviter une crise majeure, il est impératif d’agir dès maintenant.
