Parmi les victimes collatérales du marasme touristique en Thaïlande, figurent incontestablement les légendaires, et pas toujours accortes, chauffeurs de taxis de Bangkok.
La flotte bigarrée de la capitale a perdu pas mal de sa splendeur, et des ses couleurs, avec les ravages du coronavirus qui ont décimé les rangs d’une armada jadis forte de près de 100 000 timoniers à l’époque pré Covid.
Les Toyota roses bonbon ou bleues des mers du sud ont quasiment disparu des artères de la capitale.
Et pour cause: elles portent les couleurs des sociétés de location qui facturent aux chauffeurs locataires des tarifs notoirement incompatibles avec la disette covidique qui a décimé une profession pourtant au cœur de l’industrie touristique.
Ne subsistent que les artisans propriétaires (reconnaissables à leur robe bicolore mariant le jaune et le vert de rigueur) qui affrontent le gros temps avec résignation, tout en peaufinant des aménagements intérieurs parfois accessoirisés en dépit du bon sens.
Zéro touriste, compteur et moral à zéro
Mais aujourd’hui le chauffeur de taxi bangkokien n’a plus le moral: alors que d’ordinaire l’énoncé de mon adresse était accueilli par un « kapom » guilleret, c’est plus souvent un simple hochement de tête, voire un silence sépulcral qui domine.
Même le trajet en provenance de l’aéroport, d’habitude consacré à une conversation existentialiste de très haut niveau (marié? avec une thaïe? des enfants ? depuis combien de temps en Thaïlande, Zidane etc…) n’a pas résisté à la sinistrose ambiante.
Mon dernier voiturage suvarnabhumien s’est déroulé dans un silence lugubre, et plus inquiétant encore dans le strict respect des limitations de vitesse et des distances de sécurité.
Une attitude qui en temps normal est un symptôme précurseur inquiétant pour un chauffeur de taxi bangkokien, proche du coma ou d’un pronostic vital engagé.
« mai mee lukka »
Le précédent avait été plus loquace mais seulement pour articuler une litanie de doléances commencée par un « mai mee lukka » plaintif (il n’ y a pas de clients)… « mai mee ngen loei » (il n’y plus d’argent) accompagné d’un diagnostic sans appel « aujourd’hui je n’ai pris en charge que deux clients: même pas 300 bahts, alors qu’avant le Covid je gagnais 2000 ou 3000 bahts par jour ».
Pour un peu on oublierait presque les menus inconvénients qui accompagnaient la précédente saison – comme les taximètres à la santé fragile et immanquablement grippé quand le temps tourne soudain à l’orage – lorsque Suvarnabhumi déchargeait sa palanquée de 100 000 touristes par jour avec la régularité d’un métronome.
Il paraît loin le temp béni du taximan qui accueillait avec sourire et déférence de rigueur le voyageur décalé, et encore habillé des effluves du parfum de sa bétaillère volante émiratie, en lui offrant sa première extase « d’authenticité » au spectacle d’une amulette, ou deux, pendues à un rétroviseur.
2 comments
Si ts les taxis malhonnêtes ont disparus = + aucun inconvénient
Le train rapide leur a aussi porté un coup
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