Une belle mère récalcitrante, des examens à passer, une petite amie qui vous a quitté, des problèmes d’argent ou encore une récolte de riz qui s’annonce incertaine: il y a sûrement une amulette qui convient à votre situation
La Thaïlande est le pays des amulettes. Accrochées au rétroviseur dans les taxis, dans les maisons ou portées en bracelet ou collier par les habitants du Royaume, on en trouve partout.
Chaque Thaï en posséderait, d’une seule à plusieurs dizaines.
Tradition séculaire, une amulette peut servir à se protéger des mauvaises choses de la vie, provoquer la chance, être invulnérable aux coups, augmenter sa force physique, ou bien encore attirer les personnes du sexe opposé…
Si la croyance est là, on comprend pourquoi tant de personnes cherchent à en posséder.
Une amulette représente le plus souvent Bouddha, un moine célèbre ou une divinité Hindoue. Elle peut être faite en terre cuite, en pierre, en métal et contenir des pierres précieuses ou des reliques de grands maîtres.
Certains tatouages exécutés par des moines peuvent aussi faire office de protections, tout comme certaines cornes animales issues des croyances animistes.
Le pouvoir d’une amulette dépend essentiellement de la bénédiction d’un maître et de son pouvoir spirituel. Plus le moine est connu, plus l’amulette aura de chance de posséder un pouvoir spirituel significatif.
N’ignorant rien des principes de l’offre et de la demande, les plus grands maîtres limitent très sérieusement le nombre d’amulettes qu’ils vont bénir. Ainsi, les protections les plus précieuses seront très rares, donc chères.
Un marché de 40 milliards de bahts
La plupart des Thaïs souhaitant posséder une ou plusieurs amulettes, il est facile d’en imaginer le nombre considérables en circulation dans un pays de 65 millions d’habitants.
La collection, l’échange et la vente d’amulettes en Thaïlande génère par la même un marché qui brassent des milliards de bahts.
Une étude du Kasikorn Research Center en 2008 estime que le marché des amulettes représente 40 milliards de bahts par an.
Il existe deux moyens pour acquérir une amulette : l’acheter directement auprès d’un temple bouddhiste ou auprès d’un des nombreux marchands d’amulettes. Ces derniers peuvent aujourd’hui aussi se trouver dans les derniers centres commerciaux à la mode.
Pour véritablement sentir l’atmosphère des tractations ancestrales, mieux vaut alors se rendre dans le plus fameux marché traditionnel d’amulettes de Bangkok qui se trouve à deux pas du célèbre Wat Phra Kaew.
Pour être précis, derrière et sur le côté nord du temple royal Wat Mahathat. Celui-ci abrite d’ailleurs la plus ancienne université du pays pour les moines, ceci expliquant la présence du marché dans ses abords.
Bien que ceinturé entre des attractions touristiques majeures de la capitale, les promeneurs étrangers s’y font rares. Les collectionneurs et les moines bouddhistes sont les principaux à arpenter la rue Maha Rat et ses trok, sorte de mini-soi abondamment engorgés d’échoppes surchargées.
Les spécialistes de la question amulette se reconnaissent par la manière dont ils détaillent du regard les médaillons qu’ils scrutent, cherchant le moindre défaut qui pourrait faire baisser le prix ou rendre caduque la force spirituelle de l’objet, les plus aguerris utilisant d’ailleurs une petite loupe pour examiner tous les recoins.
La qualité et le prix va du tout au tout en matière d’amulettes et un novice aurait du mal à s’y reconnaître et savoir distinguer l’amulette de valeur de la simple contrefaçon produite industriellement.
Les boutiques qui affichent clairement les prix ne sont pas forcément les plus recommandables dans la mesure où la négociation sera limitée, tout en sachant que lorsque les prix sont visibles, il s’agit le plus souvent d’amulettes bas de gamme destinées aux touristes.
Sur ce marché, les premiers prix vont de 10 à quelques centaines de bahts mais peuvent monter bien plus haut pour certaines.
Un pouvoir lié à la signature
En effet, a l’instar de la mode, ce qui fait principalement le prix d’une amulette est sa signature, c’est-à-dire la reconnaissance du moine qui l’aura béni et mis en circulation, les plus recherchés pouvant ainsi atteindre quelques millions de bahts…
A ce niveau là, les amulettes les plus précieuses se déroberont à votre regard, et il sera difficile de les approcher si vous ne maîtrisez pas la langue et sans un minimum d’expériences dans le domaine.
Pour ne pas que l’achat d’une belle amulette de valeur se transforme en miroir aux alouettes, mieux vaut alors prendre quelques précautions, à commencer par avoir quelques connaissances préalables de la religion bouddhiste en Thaïlande et des principales figures intellectuelles et spirituelles de celles-ci, sans oublier le type de protection recherché à travers l’achat d’une amulette.
Dans un souci de transparence, mieux vaut choisir un commerçant membre d’une association qui fournit un certificat d’authenticité et une garantie de remboursement.
Les vendeurs enregistrés doivent délivrer un certificat pour chaque amulette vendue qui permet à l’acheteur de la revendre au commerçant mais avec un rabais de 20%.
Engranger de l’expérience, comparer sans cesse les prix, s’informer sur des forums spécialisés, dans l’un des nombreux magazines consacrés au sujet, et s’entourer de quelqu’un qui connaisse le marché sont quelques sécurités supplémentaires pour se protéger soi-même de l’arnaque.
De nombreuses voix dans le clergé bouddhiste critiquent d’ailleurs périodiquement cette mercantilisation de leur religion.
Loin de l’aspect spirituel, les plus pragmatiques trouvent un autre type de protection dans l’achat d’une amulette : la sécurité de l’investissement. En effet, l’amulette est une valeur refuge typiquement locale, plus rentable et sécurisé qu’un placement bancaire, qui ne subit pas le cours de l’inflation et des troubles politiques, tout en étant soumise à aucunes taxes, autant dire que le marché aux amulettes thaïlandais a de l’avenir.