Si il fallait encore une preuve que l’armée est loin d’avoir renoncé à jouer un rôle déterminant en Thaïlande, la récente nomination du général Prayuth Chan-Ocha, en est sans doute une.

Promotion bien méritée pour « services rendus », ou simple renvoi d’ascenseur ? Toujours est-il que  c’est bien le général Prayuth qui a dirigé les opérations pour dégager le centre ville de Bangkok le 19 mai, et mettre fin à l’occupation des « Chemises rouges ». Selon plusieurs sources dont le Bangkok Post et le Nation, il avait déjà fait pression pour des mesures plus strictes contre les chemises rouges depuis le début des manifestations.  De plus, il n’a jamais caché ses opinions pro-royalistes et anti Thaksin. Son supérieur, le général Anupong Paochinda, avait suscité pas mal d’interrogations pendant le conflit avec l’UDD, apparaissant comme en faveur d’une approche plus prudente, voire attentiste.

Paradoxalement c’est en ne faisant rien que le général Anupong avait réussi à marquer les points décisifs qui ont jalonné son ascension. Son inaction délibérée pendant la crise provoquée par la PAD et l’occupation des aéroports de Bangkok avait permis de rétablir la vie politique thaïlandaise avec Abhisit à la tête d’un gouvernement dirigé par le Parti démocrate.

General Prayuth Chan Ocha
La promotion de Prayuth, consolide le pouvoir des officiers pro royalistes et anti Thaksin.

Au cours de la longue confrontation entre le PAD et le gouvernement Samak puis Somchai, le général Anupong avait maintes fois insisté sur le fait que les militaires doivent rester “indépendants” et être “du côté du peuple”, ce qui signifie essentiellement un refus d’agir en tant que bras armé du gouvernement. Mais avec l’arrivée des manifestations de l’UDD cet attentisme s’est retourné contre lui.

Une récompense pour avoir mis fin aux manifestations de l’UDD ?

La promotion de Prayuth, avec la nomination d’un proche au poste de chef de la police nationale consolide le pouvoir des officiers pro royalistes et anti Thaksin. Pendant les deux mois de troubles, 91 personnes ont été tuées, dont 11 soldats, et environ 2.000 ont été blessés.

À l’âge de 56 ans, Prayuth pourrait demeurer chef de l’armée encore quatre ans avant de prendre sa retraite à 60 ans.  Comme la plupart des généraux promus récemment, il est un vétéran de l’unité de la Garde de la Reine, comme le nouveau chef de la Police royale thaïlandaise, le général Wichean Potephosree. C’est aussi cette unité qui avait enregistré les plus lourdes pertes lors de la première confrontation avec les Chemises Rouges pour le reprise de l’avenue Rajdamoen. Les militaires avaient alors été surpris par l’armement des chemises rouges, et la présence de snipers dissimulés dans la foules des manifestants. Le général Prayuth avait lui même fait part de son exaspération après ces événements selon un blog de the Nation

Pendant la longue confrontation entre les manifestants de l'UDD et les forces de l'ordre, le général Prayuth avait fait le choix d'une plus grande fermeté envers les "Chemises rouges"

Bien que l’état d’urgence a été levé dans la plupart des régions du pays, de nombreux rassemblements politiques ont été interdits, et l’armée a fermé des stations de radio communautaire, et censuré des milliers de sites Internet pro « rouges ». Plusieurs dirigeants de l’UDD ont été arrêtés, et l’état d’urgence est toujours en vigueur à Bangkok.

Les élections locales à Bangkok se sont déroulée en douceur, mais il continue d’y avoir des  attaques sporadiques à la grenade dans la capitale. Ces attaques ne sont pas revendiquées, mais les Chemises rouges sont en général considérées comme étant les commanditaires probables.

Le retour en force de l’armée thailandaise

Lors de sa promotion, Prayuth n’a guère contribué à apaiser les inquiétudes des groupes de défense des droits de l’homme sur le rôle croissant de l’armée.

Tant que la situation politique demeure critique, les forces armées doivent prendre les devants pour assurer la sécurité et l’ordre, et ce pour une plus longue période.

a déclaré Prayuth selon le Bangkok Post.

La promotion largement attendue de Prayuth a été officiellement approuvé par le Roi Bhumibol Adulyadej, dans le cadre d’un remaniement annuel qui a vu quelques 550 officiers militaires promus ou mutés.  Une des raisons du rejet par les « Chemises rouges » de l’offre d’Abhisit de tenir des élections anticipées en échange de la fin de leur protestation, est que la date proposée  en  novembre se situait après le remaniement militaire de cette semaine.  Les Chemises rouges voulaient prendre le pouvoir avant pour empêcher la promotion de Prayuth, et installer à sa place un général plus proche de Thaksin.

Prayuth prendra ses fonctions le 1er octobre et cette date marquera le départ à la retraite du général Anupong, le dernier membre actif du Conseil pour la sécurité nationale, un groupe de généraux qui avaient organisé le coup d’État du 19 septembre 2006, qui a renversé le Premier ministre élu Thaksin Shinawatra.

La police a été largement considérée comme favorable à M. Thaksin et aux Chemises rouges pendant les manifestations et certaines factions de l’armée sont également considérées comme toujours fidèles à M. Thaksin. Certains analystes considèrent que la nomination de Prayuth, dont les préférences politiques sont assez tranchées, risque d’exacerber les divisions au sein de l’armée.

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