L’affaire remonte certes à l’époque du gouvernement Thaksin, aujourd’hui considéré comme un hors la loi en Thailande, mais elle est tout de même très embarrassante pour le royaume, accusé d’avoir hébergé clandestinement une prison secrète de la CIA, où des prisonniers auraient vraisemblablement été torturés.
Même si les gouvernements successifs de Bangkok l’ont toujours démenti, la Thaïlande a très probablement hébergé des prisons secrètes de la CIA, où des terroristes présumés en provenance des pays tiers ont été détenus, et apparemment torturés. Ces graves accusations, toujours fermement niées par les fonctionnaires thaïlandais, ont été révélées pour la première fois dans un article du Washington Post dès 2006, et plus tard confirmées par des responsables américains, lors de la controverse qui a éclaté sur l’usage de la torture sur des personnes soupçonnées de terrorisme.
Aujourd’hui, un pas supplémentaire a été franchi : ce ne sont plus des journalistes mais la justice américaine qui affirme l’existence de ces prisons. Les preuves seraient contenues dans des documents remis récemment à un tribunal de New York, selon lesquels des suspects d’Al-Qaida étaient passés par une prison située en Thaïlande. Les procureurs ont également révélé que les enregistrements de séances de torture contenus sur 92 cassettes vidéo, réalisés et entreposés en Thaïlande, avaient été détruits à la demande de la CIA. Le général Anupong, actuel plus haut gradé de l’armée thaïlandaise, s’est déclaré « Sur à un million de pour cent, qu’une telle chose n’a jamais existé en Thailande ».
Les liens historiques sont anciens entre la première puissance mondiale, et son principal allié dans la région du Sud Est asiatique. La Thaïlande est devenue un allié officiel des États-Unis avec la signature de l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954 dont le siège se trouvait a Bangkok. L’organisation était alors un des instruments de la politique américaine contre l’expansion du communisme en Asie du Sud suite à la guerre d’Indochine. Par la suite, la Thaïlande passera un accord secret avec les États-Unis en 1961, enverra des troupes au Vietnam et au Laos et autorisera les États-Unis à installer des bases aériennes dans l’est du pays (dont la principale est celle d’Udon Thani), d’où décolleront les bombardiers B-52 qui bombarderont le Nord Vietnam.
Il y a quelques années, la presse thaïlandaise avait pensé avoir localisé la prison clandestine de la CIA , justement sur la base aérienne d’Udon Thani, dans le nord-est du pays. L’armée avait alors ouverte cette base à la presse pour prouver qu’elle n’avait rien à cacher. Mais ensuite les journalistes ont révélé que le gouvernement thaïlandais a en effet loué aux États-Unis un immense terrain situé dans cette région, surveillé en permanence et sous haute sécurité. L’objectif public de cette location était l’installation d’une station de la radio américaine VOA (Voice of America). Mais la taille démesurée du terrain et le système de sécurité inhabituel pour une simple station de radio, avait attiré l’attention de la presse.
Il se trouve aussi qu’ Udon Thani a été la principale base de la CIA pendant la guerre du Vietnam, et l’aéroport d’où partaient les bombardiers clandestins à destination du Laos. Ces vols ultra secrets étaient organisés directement par la CIA, qui employaient des pilotes en civils et des avions banalisés qui ne devaient pas faire apparaitre l’engagement des États-Unis. Par conséquent les liens entre les services secrets thaïlandais et la CIA ne datent pas d’hier, et n’ont jamais vraiment cessé.