Quelque soit l’issue du conflit qui oppose l’opposition et le gouvernement thaïlandais en ce moment dans les rues de Bangkok, le Nouvel an Thaï (Songkran) qui doit débuter aujourd’hui, ne laissera pas le même souvenir que les autres années. Le royaume s’est réveillé en état de choc dimanche matin avec à la une de tous les quotidiens des photos de guerre civile dans les rues de la capitale.
Samedi soir vers 11 heures, le Premier ministre est apparu à la télévision l’air grave et très tendu pour adresser ses condoléances aux familles des victimes décédées dans la soirée, lorsque les forces de l’ordre ont chargé plusieurs regroupement des « chemises rouges ».
Abhisit Vejjajiva a annoncé qu’il y aura une commission indépendante sur les décès survenus au cours de la répression contre les chemises rouges. S’exprimant à la télévision, il a dit que les morts ont été causées apparemment par des grenades M79, qui ont également été utilisées dans plusieurs cas de sabotage.
Il annoncé une suspension des opérations de police, et déclaré que les deux parties s’étaient mises d’accord pour qu’il n’y ait plus de victimes. Le nombre de morts pourrait dépasser la vingtaine, soit le bilan le plus lourd depuis les émeutes de 1992.
Les fêtes du nouvel an thaï auront du mal a faire passer les 21 morts recensés dans les rue de Bangkok après les affrontements de samedi soirLe nombre élevé des victimes montre que l’armée a perdu le contrôle de la situation, et fragilise donc le gouvernement d’Abhisit. Plusieurs membres de la coalition au Parlement ont déjà pris position pour réduire le délai prévu de 9 mois pour les prochaines élections.
Les généraux qui sont en charge de la situation à Bangkok savent bien que leur marge de manœuvre est limitée : la troupe est en partie constituée de recrues en provenance des régions du Nord, majoritairement favorables à Thaksin, ceux que l’on surnomme » les pastèques » (vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur).
Une autre option existe cependant pour sortir de la crise, mais elle implique la justice. La Cour suprême doit se prononcer le 20 avril sur l’interdiction du Parti Démocrate, qui est accusé d’avoir reçu plus de 7 millions de dollars d’un groupe industriel, alors que la loi fixe la limite à 220.000 dollars. Pour l’instant, une décision défavorable des juges de la Cour suprême semble peu probable, car les juges sont généralement enclins à se prononcer en faveur des milieux proche des élites de Bangkok. En septembre 2008 ils avaient destitué le Premier ministre Samak Sundaravej accusé d’avoir perçu 500 dollars pour animer des émissions culinaires à la télévision.
Lors d’une audience ouverte au public, la Cour constitutionnelle avait annoncé que les neuf juges étaient tombés d’accord sur le fait que M. Samak avait violé l’article 182 de la Constitution qui interdit au Premier ministre ou à tout membre du gouvernement de toucher une rémunération d’une société privée. M. Samak fut alors le premier Premier ministre dont le pouvoir avait été révoqué par une décision de justice dans l’histoire de la Thaïlande.
En décembre 2008 la justice avait également obtenu la démission du gouvernement de Somchai Wongsawat, en prononçant la dissolution de son parti, le PPP pour fraude électorale, ouvrant la voie à un règlement pacifique de la crise, et à l’évacuation des aéroports de Bangkok.
Cette mesure est rendue possible en vertu de la nouvelle Constitution adoptée en août 2007 par les militaires putschistes pour remplacer celle de 1997. Cette constitution comporte un article très controversé selon lequel l’ensemble d’un parti peut être dissous, si un seul de ses responsables est reconnu coupable de fraude électorale.
Olivier Languepin