La Thaïlande doit aujourd’hui faire face à des choix cruciaux concernant son développement. Ces décisions feront la Thaïlande de demain et ne sont donc pas à prendre à la légère.
Ainsi l’ancien premier ministre Anand Panyarachun a suggéré 4 pistes essentielles selon lui, susceptibles de guider la Thaïlande dans son développement économique, politique et social.
Assurer un développement économique durable et généralisé
L’ancien premier ministre pense que dans le passé, trop d’efforts ont été faits pour le développement économique pur, tout en mettant de côté la qualité de ce développement et la répartition des retombées.
Anand Panyarachun a également rappelé que certaines mesures, notamment des réductions de taxes sur certains achats, étaient mises en place uniquement pour gagner le soutien du peuple, sans se soucier des retombées négatives qu’elles engendraient.
En Thaïlande, le plan d’achat de première voiture et le système de subvention au riz sont tous deux des exemples de mesures de relance à court terme mises en place par le gouvernement pour obtenir un soutien populaire rapide, sans tenir compte de leurs répercussions économiques négatives.
Le développement économique durable doit se concentrer sur le renforcement des fondements de l’économie.
Cela implique accroître la compétitivité, en améliorant l’efficacité du secteur public, promouvoir la réforme des entreprises d’État, développer une main-d’œuvre qualifiée et flexible, et s’orienter vers la mise à niveau de l’éducation et de la recherche.
A. Panyarachun a expliqué que pour renforcer les bases de l’économie il fallait mettre en place des réformes, et notamment une meilleure éducation, plus de flexibilité du travail et une qualité de main d’œuvre améliorée.
Mais le point le plus important soulevé par l’ancien premier ministre concerne les inégalités. Il faudrait ainsi gommer les inégalités économiques dans le but de renforcer la cohésion sociale et de pouvoir continuer le développement économique en toute légitimité.
Dans le passé, nous nous sommes trop concentrés sur le taux de croissance économique, mais nous avons négligé la qualité de cette croissance et la répartition équitable des revenus et des opportunités.
Selon lui la plupart des problèmes passés du pays sont à mettre au compte des inégalités. En effet, de nombreuses études ont mis en lien les disparités économiques dans une population donnée et un développement économique lent.
Les inégalités au sein de la population, en plus de conduire à un ralentissement de l’économie, produisent également des bouleversements politiques, et parfois des violences, rappelant que l’histoire de la Thaïlande est marquée par des événements de ce genre.
Promouvoir une société ouverte et inclusive
Dans son deuxième axe, Anand Panyarachun a rappelé l’importance d’établir des libertés et droits supplémentaires pour tous les citoyens, expliquant qu’avoir des droits, ce n’est pas seulement pouvoir voter.
Citant l’Américain James Bovard,
« La démocratie doit aller plus loin que le vote de deux loups et une brebis pour savoir ce qu’ils vont manger au dîner »
A. Panyarachun a émis le souhait que chaque groupe ethnique, religieux, chaque région ou maillon de la société devait pouvoir participer collectivement à la construction du pays et que les demandes de chacun devaient être entendues, et surtout respectées.
L’ancien premier ministre a également rappelé que la présence de médias impartiaux et objectifs rapportant les faits sous différentes perspectives était cruciale, permettant aux citoyens d’être informés et de pouvoir se faire leur propre opinion.
Alors que la Thaïlande va vivre des élections d’ici peu (en septembre 2016), A. Panyarachun espère que les vainqueurs de ce vote représenteraient la population Thaïe dans son intégralité, créant un consensus dans la société.
Le respect de la loi
Pour Anand Panyarachun, tous les individus, organismes publics ou privés et même le gouvernement devraient être soumis à la loi ainsi qu’à des principes moraux forts, rappelant qu’une loi faible est le terreau de la corruption.
En 2015 la Thaïlande était 56ème sur 102 pays en termes d’application de la loi, et surtout le 11ème pays sur 15 en ASEAN, témoignage d’une loi peu suivie.
Selon Anand Panyarachun, un système judiciaire se doit d’être neutre, juste, indépendant avec une parfaite transparence. L’Etat ne doit pas essayer de contourner la loi, et les opposants ne doivent pas voir leurs droits disparaître.
En effet, quand l’ordre est imposé de manière partiale, au lieu d’apparaître naturellement en accord avec les normes sociétales, la démocratie ne peut pas fonctionner correctement.
Il en va de même lorsque les politiciens, les fonctionnaires, le secteur public, la justice ou qui que ce soit abuse de ses pouvoirs pour servir ses propres intérêts.
Se disant désolé de lire des histoires de disparité judiciaires entre riches et moins riches chaque jour, Anand Panyarachun a expliqué qu’une justice neutre faisait partie des fondements d’une société juste.
Un pouvoir judiciaire indépendant et neutre est fondamental pour la primauté du droit. Si les juges utilisent une loi pour les puissants et une autre pour le reste de la population, l’ensemble du système politique et judiciaire est compromis.
La gouvernance grâce à l’autorité de la loi, la responsabilité publique et la transparence : la base d’un gouvernement responsable
Le dernier point du discours de Anand Panyarachun s’est concentré sur « le rééquilibrage de la balance du pouvoir entre l’Etat et la population ».
Cet équilibrage passe selon lui par la décentralisation du pouvoir. Il pense que certains pouvoir devraient se trouver entre les mains du peuple lui-même, au sein d’institutions locales par exemple, permettant la participation active de citoyens dans le processus démocratique et politique. Une décentralisation de certaines décisions permettrait aussi à des régions de se concentrer sur des problèmes qui lui sont propres.
Ainsi en apportant directement des informations politiques à la population et en l’intégrant dans les décisions à prendre et à la vie politique locale, la démocratie n’en serait que plus éclairée.
Mais Anand Panyarachun pense qu’il faut aller plus loin et réformer le système éducatif thaïlandais, permettant aux futurs citoyens d’avoir un esprit critique dans le but de changer positivement la société.
Il pense que le développement de la créativité et de l’adaptabilité des enfants est bien plus important que les apprentissages par cœur ou les connaissances pures. Un système éducatif qui pénalise les erreurs et qui formate les réponses est un système qui détruit la créativité et sa capacité à émettre ses propres jugements.
En encourageant les raisonnements argumentés plutôt que l’apprentissage de vérités générales les élèves seraient plus à même de construire leur propre opinion politique.
Aujourd’hui selon l’ancien premier ministre, seule une réforme de l’Etat et de la constitution pourrait permettre à l’économie Thaïlandaise d’être compétitive, tout en évitant les disparités sociales et politiques.
Mais cette réforme globale serait inutile sans l’adhésion totale de la population aux principes fondamentaux d’une démocratie plus ouverte et d’une nouvelles constitution.
Comme Mahatma Gandhi l’a observé, «L’esprit de la démocratie ne peut être imposée de l’extérieur. Il doit venir de l’intérieur « .
En fin de discours, Anand Panyarachun a rappelé qu’au-delà de la mise en œuvre des réformes, il fallait avant tout changer les modes de pensée et les mentalités. Permettant une diversité de points de vue et de valeurs, cela conduirait à un changement sociétal concret.