Après les attentats de la semaine dernière qui ont tué 130 personnes à Paris, Gilles Garachon, l’ambassadeur de France en Thaïlande, a donné une longue interview exclusive à Suthichai Yoon, du comité de rédaction du quotidien The Nation.
Voici quelques extraits choisis :
Le Président [François] Hollande a déclaré la guerre à l’ISIS [État islamique]. Qu’est-ce que la «guerre» signifie? Ou bien est-ce l’ISIS qui a d’abord déclaré la guerre à la France?
Le fait est qu’ils [ISIS] nous ont attaqué il y a longtemps. Ainsi, la guerre dure depuis un certain temps maintenant. La guerre est commencée et elle n’est pas terminée. Je pense que cela pourrait prendre beaucoup de temps.
« C’est une guerre de la civilisation contre le terrorisme. »
C’est une guerre de la civilisation contre le terrorisme. Ce n’est pas du tout une guerre contre l’islam. Nous respectons toutes les religions et nous avons le plus profond respect pour les musulmans.
Mais les gens que nous combattons sont des terroristes qui utilisent l’Islam pour leurs propres intérêts. Nous devons agir avec la plus grande fermeté contre ces terroristes, mais nous voulons également dire que les Français et le reste du monde ne sont pas en guerre contre l’islam.
Donc, vous ne pensez pas qu’il s’agit d’un conflit religieux?
Non nous ne le pensons pas. Les terroristes utilisent la religion pour soutenir leur idéologie. Mais en fait, il ne s’agit pas de religion : c’est un mensonge.
La vérité est que ces gens veulent l’emporter par la terreur et la peur, et ils veulent imposer leur point de vue, et leur point de vue n’est pas l’islam. Leur point de vue est juste de s’imposer par la force, et c’est ce que nous devons combattre. Parce que, si ils l’emportent, ce sera la fin de la civilisation que nous aimons.
…/…
Pensez-vous que cet attentat est lié à celui de Charlie Hebdo?
Oui, je pense que l’idéologie [derrière les deux attentats] est exactement la même. En attaquant Charlie Hebdo, c’était une façon de montrer que la liberté de parole et la liberté de la presse est inacceptable pour eux.
Parce que pour nous, ces gens qui ont été tués étaient des symboles de cette liberté. Ils étaient, en fait, des journalistes des années 1960 – la génération du flower power. Voilà pourquoi ils ont choisi de frapper ces gens.
Et maintenant, ils veulent frapper les jeunes profitant de la vie juste pour la même raison, parce qu’ils veulent créer la haine entre les communautés non musulmanes et les musulmans. Ils veulent nous diviser.
Voilà pourquoi nous avons pas d’autre option que de nous battre. Bien sûr, nous préférons négocier et essayer de trouver un compromis quand il est possible. Mais avec ce genre de personnes, il est tout simplement impossible, car ils ne parlent pas du tout.
…/…
Certaines personnes disent que la France est particulièrement vulnérable en raison de son histoire, car vous avez accepté un grand nombre de personnes originaires d’anciennes colonies, et c’est pourquoi un grand nombre de communautés de France et de jeunes de ces pays ne peuvent pas s’adapter à la façon de vivre en France. Voilà pourquoi ils se révoltent et deviennent extrémistes. Est-ce une analyse acceptable?
Oui c’est en partie vrai. La vérité est que nous avons toujours été une société mixte et c’est une fierté pour nous, parce que tous ces gens viennent de différents horizons et origines pour devenir Français. C’est comme les États-Unis.
Et c’est vraiment une fierté pour nous parce que nous avons réussi à faire de ces gens, pendant de nombreux siècles, des Français. Et je suis sûr que nous avons le droit de faire de même avec les musulmans. Mais nous ne pouvons pas éviter qu’une petite minorité, n’acceptent pas les valeurs de notre société.
Je pense que c’est le cas dans tous les pays dans le monde qui ont une société ethnique mélangée. Donc, dans ce sens, nous sommes tous dans le même bateau et nous sommes tous vulnérables.
La seule réponse est de rester fidèle à nos valeurs et être unis. Je suis très ému, et mes collègues français ici ont été aussi émus par la réaction de la population thaïlandaise. A tous les niveaux de la société, nous avons eu beaucoup de soutiens amicaux, et nous sommes très reconnaissants.
Extraits traduits de l’interview de M.Gilles Garachon au journal « The Nation »