La nouvelle condamnation de l’opposante birmane Aung San Suu Kyi a déclenché un tollé au sein de la communauté internationale, et l’Union européenne a été la première à réagir avec l’annonce de nouvelles sanctions contre la junte au pouvoir en Birmanie.
Sur le principe ces sanctions sont justifiées, et sont un rappel à l’ordre nécessaire pour la junte birmane. Mais sont-elles vraiment efficaces et de nature à déranger les têtes galonnées qui ont jeté en prison Aung San Suu Kyi ? On peut sérieusement se poser la question.
« L’UE répondra par de nouvelles mesures ciblées à l’encontre des responsables de ce verdict »,
a averti la présidence suédoise dans une déclaration publiée à Bruxelles.
« En outre, l’UE renforcera encore les mesures restrictives qu’elle a prises et qui visent le régime de la Birmanie, y compris ses intérêts économiques »,
précise-t-elle.
Petit problème : les relations commerciales entre l’UE et la Birmanie sont quasi inexistantes. De fait, les principaux partenaires commerciaux de la Birmanie, qui est membre de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) sont la Thaïlande avec 44% des exportations et 19% des importations, puis la Chine (7% des exportations et 33% des importations), l’Inde (14,5% des exportations), le Japon (6% des exportations) et Singapour (15,5% des importations).
la Thaïlande entretient depuis longtemps des liens diplomatiques, militaires et commerciaux avec son voisin. La principale source de devises étrangères pour la junte birmane provient des ventes de gaz à la Thaïlande (3 milliards de dollars par an).
Les sanctions européennes déjà en vigueur, renforcées en 2007, incluent notamment un embargo sur les armes, une interdiction d’entrée dans l’UE et un gel des avoirs d’une dizaine de responsables de la junte, la limitation des relations diplomatiques et une interdiction d’importation sur le bois, les métaux, les minerais et les pierres précieuses ou semi-précieuses.
« La France appelle à des mesures nouvelles de sanctions visant les dirigeants de la junte et épargnant la population civile, que nous devons continuer à protéger et à aider »,
a déclaré de son côté le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner.
Mais aucun des dirigeants français n’a évoqué le groupe pétrolier français Total, investisseur majeur en Birmanie depuis 1992. Pourtant, le 20 mai dernier, Bernard Kouchner avait affirmé devant les députés français que Total pourrait être en première ligne en cas de nouvelles sanctions de l’UE.
« Le seul moyen de pression économique sérieux, ce serait évidemment le groupe Total. Pour le reste, il n’y a pas de commerce entre l’Union européenne et la Birmanie »,
avait-il alors déclaré. Mais même si la France, par le biais de Total, décidait de se retirer de la Birmanie, l’utilité de ces sanctions reste encore à démontrer. Le retrait de Total de Birmanie ne changerait pas grand chose : Total serait sans doute rapidement remplacé par un équivalent chinois. Pour que les militaires soient effectivement touchés par des sanctions, il faudrait que tous les pays concernés, y compris la Chine, rompent leurs relations avec la Birmanie. Mais pour le moment la position de la Chine est plutôt de s’opposer aux sanctions.
« Il y a un bloc massif opposé à une action internationale. La Chine est un élément essentiel, suivie de l’Inde et de la Thaïlande »,
explique Ian Holliday, doyen du département de sciences sociales de l’Université de Hong Kong et expert de la Birmanie. Seule la Thaïlande, qui est le premier partenaire commercial de la Birmanie pourrait être tenté de donner l’exemple, mais là encore la volonté de ne pas déranger le géant chinois primera sans doute celle de punir les généraux de Rangoon.