La monarchie thaïlandaise est entrée depuis la semaine dernière dans une phase de transition et d’incertitude, assombrie par un scandale financier qui touche l’épouse du prince héritier.
Avec un monarque malade qui n’est plus en mesure de quitter sa chambre d’hôpital le jour de son anniversaire, et un prince héritier obligé de se séparer de son épouse impliquée dans un scandale de corruption sans précédent : la fin de règne du roi Bhumibol s’annonce éprouvante pour la Thaïlande.
D’autant plus éprouvante qu’elle ne sera précédée d’aucun débat, puisque la loi sur le lèse-majesté interdit tout commentaire sur les questions qui touchent à la monarchie et à la personne du roi.
Elle protège également de la même manière la famille royale, donc le prince héritier, qui est en ce moment touché indirectement, par le biais de son épouse, par un énorme scandale de corruption.
En raison de la censure, la presse thaïlandaise s’est contentée de reproduire un communiqué officiel de trois lignes du palais, indiquant que la princesse avait renoncé à son titre royal.
Un enjeu fondamental pour la Thaïlande
L’enjeu et pourtant de taille pour la Thaïlande, car la monarchie est souvent présentée comme un des piliers de la stabilité du pays. Au cours de son règne exceptionnellement long, le roi est intervenu à plusieurs reprises dans la vie politique thaïlandaise pour apaiser des conflits qui risquaient de dégénérer en batailles sanglantes.
L’année dernière, alors que Bangkok était paralysée par les manifestations et la crainte des affrontements, le 5 décembre (jour de l’anniversaire royal) avait été un jour de trêve et de réconciliation.
Car l’actuel monarque, bien que très affaibli et de moins en moins présent dans la vie publique, reste toujours une personnalité adorée comme une sorte de demi-dieu, et très respectée par la très grande majorité des Thaïlandais.
Un règne qui se confond avec l’histoire de la Thaïlande
La vie du roi Bhumibol se confond en grande partie avec l’histoire de la Thaïlande moderne : intronisé en 1946, puis couronné en 1950, il s’est identifié au destin de son pays.
Sous son règne la Thaïlande s’est profondément transformée, passant d’un pays agrarien à une puissance industrielle moderne. La Thaïlande est souvent citée comme un modèle de développement économique dans les pays d’Asie du Sud-Est, et le roi Bhumibol a fortement contribué à la stabilité et au développement de son pays.
La Thaïlande, en choisissant de s’allier avec les États-Unis, a ainsi pu échapper au désastre communiste qui a ravagé ses voisins comme le Vietnam, le Laos ou encore le Cambodge.
Au Cambodge la monarchie s’est comportée comme un allié objectif de l’insurrection communiste, facilitant l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges, et de la folie génocidaire qui s’ensuivit.
Un mélange unique de tradition et de mondernité
La monarchie thaïlandaise a su éviter cet écueil, sans pour autant tomber dans l’occidentalisation et la perte de substance d’autres pays alignés sur les Etats-Unis.
La Thaïlande a toujours su conserver une forme d’indépendance, conservant jalousement ses traditions et ses particularités, sans doute un héritage de son histoire de pays n’ayant jamais été colonisé.
Ce mélange atypique de tradition et de modernisme, elle le doit à la personnalité exceptionnelle du roi Bhumibol qui a passé une grande partie de son règne à parcourir son pays pour le moderniser, grâce à de nombreux projets subventionnés sur les fonds de la couronne.
Aujourd’hui, si la fin de son règne s’annonce difficile, c’est en grande partie parce que certains entendent utiliser le prestige de la monarchie à des fins politiques.
C’est le cas de la loi de lèse-majesté qui est devenu un outil de censure au service du pouvoir, loin de sa vocation originelle qui était de protéger le monarque des insultes et des calomnies.