Cette étude retrace les différents événements fondateurs du mouvement dit des Chemises rouges, depuis leur création embryonnaire à la veille du coup d’État du 19 septembre 2006 jusqu’à leur écrasante victoire électorale du 3 juillet 2011.
Offrant un examen détaillé des actions et des motivations des différentes organisations et groupuscules qui composent les Chemises rouges, l’auteur s’attache à décrypter leur rapport au monde, les relations qui les lient à la personne de Thaksin Shinawatra et à son parti, l’ancien Thai Rak Thai, mais aussi à la monarchie et à l’histoire officielle de leur propre pays.
C’est par l’invocation de personnalités, de discours et de symboles que transparaissent alors les forces et les faiblesses de ce mouvement hétérogène, diffus et pourtant décisif dans l’histoire politique contemporaine de la Thaïlande.
Extraits choisis :
Si je choisis d’aborder mon étude des Chemises rouges par un récit des manifestations de Phan Fa/Ratchaprasong, en avril-mai 2010, alors que le mouvement des Chemises rouges a déjà bientôt quatre ans, c’est pour deux raisons : tout d’abord, parce que les acteurs clés du mouvement se mettent en scène à Ratchaprasong ; ensuite parce que la répression sanglante de mai 2010 est un moment charnière de l’histoire des Chemises rouges en tant que mouvement social, constituant son mythe fondateur. Paysans et intellectuels, Bangkokiens et provinciaux, « opportunistes » et « idéalistes », différentes composantes du mouvement des Chemises rouges jusqu’ alors relativement étrangères les unes aux autres, ont noué des solidarités indéfectibles à la faveur de la tragédie de mai 2010.
S’imaginant perçues, à tort ou à raison, comme stupides et pauvres, les Chemises rouges sont donc présentées comme des « instruments » (khrueang mue) abusés par Thaksin en vue de préparer son retour en Thaïlande, de faire annuler les décisions judiciaires à son encontre et si possible de récupérer ses avoirs confisqués par décision de la Cour suprême en février 2010 .Cette labellisation conforte les Chemises rouges dans leur certitude d’être traitées de manière irrespectueuse comme des idiots (khon ngo), contrairement au sort réservé auparavant aux Chemises jaunes lors de leur occupation de l’aéroport de Suvarnabhumi à la fin du mois de novembre 2008.
Une plaie toujours ouverte
La décision de rejeter le « plan de réconciliation » proposé pAbhisit le 4 mai a été très critiquée, au sein des Chemises rougeégalement. La continuation des manifestations n’aura rien fait gagneraux Chemises rouges. Comme le résume le politologue Michael Nelson :
« Malheureusement, les dirigeants les plus radicaux de l’UDD ont gagné sur leurs collègues plus modérés. Le plan d’Abhisit fut rejeté. Finalement, il perdit patience, alors que l’armée n’avait plus de raison de justifier son attentisme. Les forces de l’armée bouclèrent la zone des manifestations. L’inévitable opération de dispersion s’est traduite par le sacrifice, par les dirigeants de l’UDD, d’une cinquantaine de vies, simplement pour repousser leur capitulation de quelques jours . »
La question de savoir si ces morts additionnelles faisaient ou non partie d’une stratégie est taboue dans le pays, mais elle se lit parfois en
filigrane sur les lèvres des déçus. …/…. Cette différence d’attitude est expliquée par le besoin qu’ont les éléments les plus radicaux de, justement, radicaliser le mouvement, pour que le plus grand nombre possible de Chemises rouges atteigne le stade du « ta sawang », « l’Illumination », ce qui signifie en d’autres termes, arriver à articuler les structures du pouvoir en termes d’ammatayathipatai versus peuple (voir chapitres suivants).
Les Thaïlandais ont montré ces cinq dernières années de remarquables talents dans l’art des manifestations et de la mobilisation de masse. Il faut pouvoir bien se représenter que les Chemises jaunes ont bloqué et fermé l’aéroport international de Bangkok, plateforme de l’Asie du Sud-Est, gérant plus de passagers que l’aéroport de Roissy Charles-de- Gaulle, pendant une semaine, en décembre 2008.
Les Chemises rouges ne sont pas en reste, ayant occupé le centre ville de Bangkok pendant 2 mois. Peut-on imaginer un instant, en tant que Français, le centre de Paris, de Châtelet à la Concorde, occupé par une armée de provinciaux souvent ruraux vêtus de rouge et dormant par terre, obligeant tous les magasins à fermer avec impossibilité de circuler, pendant 2 mois… et le centre commercial des Halles de brûler intégralement ?
L’étude complète de 170 pages au format PDF peut être téléchargée sur le site de l’IRASEC : http://www.irasec.com/ouvrage103
1 comment
Article très instructif, merci. Bonne continuation
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