Deux semaines après avoir remporté sa réélection haut la main pour un second mandat, le président des Etat-Unis Barack Obama effectue une tournée de quatre jours pendant laquelle il se rendra dans trois pays d’Asie du Sud-Est, la Thaïlande, le Myanmar, le Cambodge.
Ce voyage s’inscrit dans la continuité du premier mandat de Barack Obama pendant lequel il avait clairement réorienté la politique étrangère des États-Unis vers une implication croissante dans les instances internationales asiatiques, comme l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) dont la Thaïlande est la seconde économie, ou le Forum de coopération Asie-Pacifique (APEC).
Barack Obama a aussi symboliquement été le premier président américain à participer à un sommet de l’APEC à Singapour.
La volonté manifeste de la diplomatie américaine d’occuper le terrain en Asie entérine d’une certaine façon le déplacement actuel des centres de pouvoir mondiaux lié à la progression économique phénoménale de l’Asie, dont la rapidité et l’ampleur sont sans précédent dans l’histoire mondiale. Avec des économies à la croissance la plus rapide, des budgets de la Défense en augmentation constante, une compétition acharnée pour les ressources naturelles, l’Asie détient de toute évidence les clés du futur ordre mondial.
Le roi de Thaïlande rencontre le président des États-Unis, Barack Obama. Photo: https://www.facebook.com/infodivohmPendant les quatre jours de son voyage historique en Asie, Barack Obama va rencontrer la Première ministre de la Thaïlande, assister au Sommet de l’Asie au Cambodge et devenir le premier président américain à se rendre au Myanmar, où il fera l’éloge de la récente démocratisation du régime. Le président américain, qui a passé une partie de son enfance en Indonésie, lorsqu’il a pris ses fonctions il y a quatre ans, avait pris l’engagement de se concentrer sur l’Asie, que son prédécesseur avait passablement négligé.
Contrebalancer l’influence grandissante de la Chine
Le voyage de Barack Obama est aussi considéré par beaucoup comme une tentative de reprendre la main sur sur une région de plus en plus influencée par la Chine, autant qu’une une occasion de recentrer la diplomatie étasunienne sur l’Asie-Pacifique. L’importance de la délégation américaine est aussi symbolique de l’enjeu diplomatique pour les Etats-Unis puisque Barack Obama est actuellement précédé de Leon Panetta (Secrétaire d’Etat à la défense) et Hillary Clinton (Secrétaire d’Etat, équivalent du ministre des affaires exrérieures en France), deux personnage d’une importance capitale dans l’administration américaine.
Les États-Unis sont encore, et de loin, le principal partenaire militaire de la Thaïlande, mais Washington n’est plus le seul et unique partenaire de Bangkok.
De ce point de vue la Thaïlande est un des plus anciens alliés des Etats-Unis en Asie, même si récemment des tensions sont apparues, car le gouvernement thaïlandais a refusé de permettre à la NASA d’utiliser un aérodrome militaire pour une mission de surveillance des conditions atmosphériques dans la région.
Les relations bilatérales de défense entre les États-Unis et la Thaïlande sont inscrites dans la durée et formalisées par le traité de 1962 Thanat-Rusk, qui engagent les deux pays à l’assistance mutuelle en cas d’attaque extérieure et qui a été renouvelé cette année par Leon Panetta en personne le secrétaire d’Etat à la défense.
Les bases aériennes et les ports en Thaïlande sont des pièces maîtresses du dispositif militaire américain en Asie, et le Pentagone organise chaque année un exercice militaire de grande envergure avec Bangkok: l‘opération Cobra Gold qui a impliqué l’an dernier 13.000 soldats de 24 pays.
Le traité de 1962 a permis aux États-Unis d’utiliser les bases militaires thaïlandaises au cours de la guerre du Vietnam, et plus récemment pendant la guerre en Irak et en Afghanistan. Bangkok a grandement facilité l’envoi de troupes américaines pour les deux derniers conflits, ce qui avait conduit l’ancien président américain George Bush à désigner la Thaïlande comme un allié majeur non-OTAN des États Unis.
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Chine – Thaïlande : un partenariat étendu aux questions militaires
Les troubles politiques de la Thaïlande ont permis à la Chine de gagner beaucoup de terrain sur les Etats-Unis en très peu de temps. Après le coup d’Etat de 2006, tandis que Washington avait suspendu 24 millions de dollars en aide militaire, la Chine a immédiatement offert 49 millions de dollars en crédits militaires à Bangkok lorsque le chef de la junte, le général Sonthi Boonyarataglin, a visité Beijing en février 2007.
Les deux pays ont depuis poursuivi la tendance avec la collaboration à des exercices militaires, puis avec le transfert de technologies militaires chinoises liées aux missiles. Cet accord, entame la position hégémonique de Washington en tant que fournisseur d’armes de haute technologie pour la Thaïlande, et la Chine a prévu de livrer son premier prototype, un lance-roquettes multiples, d’ici 2013.
Bien que la guerre en Afghanistan et les troubles au Moyen-Orient continuent de dominer la politique étrangère américaine, Barack Obama a annoncé qu’il entend bien consacrer une partie de son emploi du temps à une région cruciale en terme de défis et opportunités pour les Etats-Unis.
Mais la Chine semble bien partie pour profiter de l’affaiblissement militaire (guerres incertaines ou perdues au Moyen Orient) et économique (crise budgétaire latente dite du « fiscal cliff ») des Etats Unis pour pousser ses pions sur l’échiquier asiatique. La Thaïlande pourrait servir aux nouveaux dirigeants de Beijing de terrain de jeu pour tester la résistance des positions américaines.