La monarchie en Thaïlande et les rapports complexes qu’entretiennent les Thaïlandais avec cette institution sont parfois mal compris pas les occidentaux. En particulier l’application très stricte des lois sur le lèse majesté pose problème. 

Cette loi est d’ailleurs aujourd’hui soumis à des critiques de plus en plus fréquentes, y compris à l’intérieur du royaume. L’actuel gouvernement qui avait pourtant sévèrement critiqué l’application de cette loi lorsqu’il était dans l’opposition, n’a encore rien tenté pour en limiter les excès.

Aucun signe d’assouplissement

Aujourd’hui des groupes d’étudiants et de professeurs se réunissent et tentent d’imposer un débat sur la question au nom de la liberté d’expression.  Ils demandent que le fameux artcicle 112 du code pénal soit amendé sur ses aspects les plus criticables comme la lourdeur des peines encourues, et le fait que n’importe qui peut porter une accusation de lèse majesté auprès de la police et déclencher une enquête.

Mais pour le moment le gouvernement ne donne aucun signe d’assouplissement, et l’armée a même fait bruyamment connaitre sa position par l’intermédiaire du moyennement diplomate Général Prayuth, celui là même qui avait recommandé à ceux qui critiquent la monarchie de déménager à l’étranger.

Dans un restaurant à Bangkok: l'image du roi est partout en Thaïlande
Dans un restaurant à Bangkok: l’image du roi est partout en Thaïlande

 

L’institution de la monarchie en Thaïlande est à bien des égards unique. Non seulement elle a une histoire remontant à plus de sept cents ans, mais elle a aussi réussi à conserver sa pertinence dans le monde contemporain.

Né le 5 décembre 1927, et couronné en 1950 sous le nom dynastique de Rama IX, l’actuel ro ide Thaïlande est aussi le plus ancien chef d’État en exercice actuellement. Monarchie constitutionnelle depuis la promulgation de la première constitution du Royaume en 1932, l’institution continue aujourd’hui d’inspirer un profond sentiment  de respect et sert de force unificatrice pour le pays, qui rassemble des gens de tous horizons. Plus encore, la monarchie est étroitement associée au sentiment national d’être thaïlandais.

La monarchie thaïlandaise: une autorité morale « indiscutable »

La vénération du peuple thaïlandais pour leur roi est en grande partie la conséquence de l’autorité morale que le Roi Bhumibol Adulyadej a gagné durant son règne. Dans le même temps, elle est enracinée dans les attitudes qui peuvent être retracées aux premiers jours de la Thaïlande comme un État-nation, et dans certains des monarques du passé qui continuent à servir de modèles pour la royauté.

Encore récemment un sondage menée par l’ABAC de  l’ « Assumption University », sur  l’indice de bien-être chez les thaïlandais montre qu’ils apportent encore massivement leur soutien à la monarchie (indice de satisfaction de 9.3). Mais lorsqu’il s’agit du sujet de la monarchie, la part d’autocensure dans les réponses et difficile à mesurer.

Le règne de l’autocensure

La même précaution s’impose pour tout débat public (ou privé, puisqu’un SMS peut désormais coûter 5 ans de prison…) et notamment dans la presse, où l’autocensure est de règle. Voici la position officielle du gouvernement sur le rôle de la monarchie

Aujourd’hui, la Thaïlande est une monarchie constitutionnelle dotée d’une forme démocratique de gouvernement. Le monarque thaïlandais règne, mais ne gouverne pas. Il s’acquitte de ses rôles en conformité avec la constitution du pays et reste au-dessus de la politique partisane, tout en continuant à contribuer au développement et au bien-être du Royaume et de son peuple.

Avec la fondation de la dynastie Chakri en 1782 et l’établissement de Bangkok comme capitale, la royauté est principalement fondée sur l’adhésion aux concepts bouddhistes de la vertu, qui sert effectivement à l’heure actuelle comme code de conduite du monarque thaïlandais.

Toute opinion qui s’écarte un peu trop de cette ligne adoptée par les instances officielles, peut être considérée comme une offense à la monarchie.

Par ailleurs le roi est littéralement considéré comme une sorte de demi dieu, incarnation vivante des vertus bouddhistes. Les concepts de la monarchie thaïlandaise ont leurs origines dans le royaume de Sukhothai, fondé au début du 13ème siècle et généralement considéré comme le premier royaume thaï réellement indépendant.

A cette époque, et particulièrement sous le règne du roi Ramkhamhaeng le Grand (1275-1317), est né l’idéal d’un dirigeant paternaliste attentif aux besoins de son peuple et conscient du fait que son devoir est de les guider. Cette conviction fait  partie du Dasavidha-rājadhamma, ou les dix préceptes de la royauté, qui – enracinée dans la tradition du bouddhisme Theravada – englobe des vertus telles que la volonté de donner , le sacrifice pour le plus grand bien, la moralité, l’honnêteté, l’ouverture d’esprit, de diligence, la compassion , la persévérance et la droiture.

Changer pour que rien ne change ?

A bien des égards, la situation de la monarchie thaïlandaise s’apparente à celle du Prince dans le roman de Lampedusa (Le Guépard) à l’aube de la révolution garibaldienne en Italie : soit la monarchie accepte de changer, même si c’est seulement en apparence, soit elle risque de compromettre l’avenir de l’institution en restant crispé sur des principes archaïques.

La seule façon pour la monarchie de survivre dans l’environnement politique en mutation de la Thaïlande, c’est de réviser, ou voire même abolir, cette loi anachronique (la loi sur le lèse majesté)

écrit Pavin Chachavalpongpun de l’institut d’études politiques de Singapour, à propos de la loi 112 sur le crime de lèse majesté.

Mais pour l’instant on est encore loin d’un simple débat sur la question, comme le montre l’ambiance belliqueuse à l’université de Thammasat où un groupe de professeurs appelle à réformer la loi 112.

Même une discussion sur l’éventuel rôle politique de la monarchie est un sujet tabou, la position officielle sur le sujet est sans ambiguïté:

Ces dernières années, il y a eu des tentatives par des groupes politiques pour attirer la monarchie dans l’arène politique. Néanmoins, le fait demeure que Sa Majesté le Roi a toujours pris grand soin de rester au-dessus la politique partisane. Il n’a jamais pris parti et ne s’est jamais lui même impliqué dans la politique. Les rares interventions du roi réalisés, notamment en 1973 et 1992, pour mettre fin à des affrontements sanglants entre soldats et manifestants, étaient de judicieuses interventions humanitaires plutôt que politiques.

écrit le Ministère des affaires étrangères sur son site officiel.

La messe est dite, avis aux hérétiques qui envisagent de discuter la place la monarchie dans la politique thaïlandaise.

1 comment
  1. Bonjour,

    Je constate votre grande connaissance/expérience de la Thaïlande. Ayant un projet d’installation (dans l’hôtellerie), sauriez-vous assez aimable de m’aider à trouver de l’information utile ? Je suis en effet noyé d’information politico-administrativo-juridico etc. sur ce pays. Mais rien de bien concret…
    D’avance merci

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