La Thaïlande a enfin choisi un nouveau Premier ministre, mais il n’est pas membre du parti qui a remporté les élections en mai dernier.
Points clés
- La Thaïlande a élu un nouveau Premier ministre, mais il n’est pas issu du parti pour lequel les gens ont majoritairement voté aux élections de mai.
- Le nouveau gouvernement, dirigé par le parti pro-Thaksin Pheu Thai, une coalition de 11 partis, comprend des leaders pro-militaires et des généraux putchistes malgré une demande de fin de règne militaire exprimée par les électeurs.
- Le retour de Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre en exil depuis 17 ans, et les compromis politiques du Pheu Thai pour partager le pouvoir pourraient avoir des conséquences sur la réputation du parti et l’héritage politique de Thaksin.
Dirigés par une coalition de 11 partis, les législateurs ont convenu mardi après-midi de nommer Srettha Thavisin du parti Pheu Thai comme nouveau Premier ministre de Thaïlande, mettant fin à des mois de négociations ardues qui ont abouti à l’exclusion du parti réformiste Move Forward malgré sa victoire éclatante au scrutin de mai dernier.
Srettha, originaire de Bangkok, est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Claremont aux États-Unis et a travaillé pour le fabricant Procter and Gamble avant de devenir directeur général du promoteur immobilier Sansiri. Il a déclaré qu’il se concentrerait sur la stimulation de l’économie de la Thaïlande et a publiquement soutenu le mariage homosexuel.
Alors que l’élection de mai a été largement considérée comme une défaire cuisante de l’establishment militaire conservateur qui a gouverné la deuxième plus grande économie d’Asie du Sud-Est au cours de la dernière décennie, la nouvelle coalition au pouvoir comprend des dirigeants pro-militaires, y compris des généraux du gouvernement sortant.
La volte-face du parti Pheu Thai
La nomination de Srettha Thavisin est le résultat d’une volte-face du Pheu Thai, qui a juré – jusqu’à récemment – de ne jamais partager le pouvoir avec les membres de l’élite conservatrice qui l’ont évincé à plusieurs reprises du gouvernement par des coups d’État judiciaires ou militaires.
Mais destitué par l’armée en 2014, le Pheu Thai a obtenu moins de voix que prévu lors des élections de mai, perdant beaucoup de terrain face à Move Forward, un parti réformateur axé sur les jeunes qui a annoncé – plus explicitement et systématiquement que le Pheu Thai – vouloir limiter les pouvoirs de la monarchie et de l’armée thaïlandaise.
Quelques heures avant le vote, l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra est rentré au pays après 17 ans d’exil, une décision qui, selon les analystes, a probablement été prise en prévision de l’accession du Pheu Thai au pouvoir. Thaksin, 74 ans, est à l’origine de la création du Pheu Thai, et sa fille, Paetongtarn Shinawatra, a été présentée comme l’une des candidates du parti.
L’ombre de Thaksin
Mardi matin, soit quelques heures avant que Srettha de Pheu Thai ne recueille suffisamment de voix pour être élu Premier ministre, Thaksin a débarqué d’un jet privé à l’aéroport international Don Mueang. Après avoir brièvement rencontré sa famille, il a été escorté à la Cour suprême, puis à la maison d’arrêt de Bangkok, où les autorités ont déclaré qu’il était détenu à l’isolement.
Il n’est pas clair dans l’immédiat si Thaksin purgera la totalité de sa peine de huit ans de prison sous le nouveau gouvernement dirigé par Srettha, un proche allié de la famille Shinawatra. Beaucoup s’attendent à ce que Thaksin tente de demander un pardon royal ou une libération conditionnelle pour des raisons médicales.
Le Pheu Thai s’est d’abord allié à Move Forward contre les partis militaires. Mais après que le Sénat nommé par l’armée et composé de 250 membres a voté à deux reprises pour rejeter la candidature au poste de Premier ministre du candidat de Move Forward, Pita Limjaroenrat, le Pheu Thai a abandonné cette coalition et a renié ses promesses de campagne de ne pas s’allier avec ses anciens ennemis politiques, y compris les partis du Premier ministre sortant Prayuth Chan-o-cha et du vice-Premier ministre Prawit Wongsuwan.
Les partisans de Move Forward ainsi qu’une partie des adhérents de Pheu Thai estiment que la nouvelle coalition est une trahison de que les gens ont exigé en se rendant aux urnes, à savoir la fin du régime militaire.
Move Forward mis sur la touche
Lors d’une conférence de presse lundi, Pheu Thai a déclaré qu’il avait promis des postes ministériels aux partis pro-militaires Palang Pracharath et Ruam Thai Sang Chart, qui ont gouverné avec un autoritarisme croissant au cours de la dernière décennie, arrêtant des centaines de jeunes lors de manifestations dirigées par des étudiants en 2020 et modifiant la constitution pour préserver leur pouvoir.
En 2020, lorsque la Cour constitutionnelle thaïlandaise a dissous une version antérieure du parti, appelée Future Forward, des milliers de jeunes sont descendus dans les rues de Bangkok, bravant les canons à eau et les gaz lacrymogènes de l’armée. Lors des récentes élections, il a presque doublé son nombre de sièges à la Chambre des représentants, ce qui montre qu’il peut obtenir une large base de soutien malgré la répression.