La Thaïlande s’apprête à voter lors des élections législatives du 14 mai 2023, après neuf ans de gouvernement autoritaire dirigé par le général Prayut Chan-o-cha, qui a pris le pouvoir par un coup d’État en mai 2014.

Le principal parti d’opposition, le Pheu Thai, lié à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et qui a remporté toutes les élections depuis 2001, est donné favori dans les sondages.

Il propose un programme axé sur la réforme constitutionnelle, la lutte contre les inégalités sociales et la relance de l’économie, qui a été durement affectée par la pandémie de Covid-19.

Ce scrutin est crucial pour l’avenir du pays, qui est toujours divisé entre les partisans du pouvoir en place, soutenu par l’armée et la monarchie, et les partisans de l’opposition, emmenée par le parti Pheu Thai, lié à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, qui vit en exil depuis 2008.

Mais un troisième acteur pourrait jouer les trouble-fête : le parti Move Forward, qui incarne les revendications démocratiques et progressistes de la jeunesse thaïlandaise.

Restaurer la démocratie

Les enjeux de cette élection sont multiples. Il s’agit tout d’abord de restaurer la démocratie dans un pays qui a connu 13 coups d’État depuis 1932 et qui vit sous un régime autoritaire depuis 2014.

La Constitution actuelle, adoptée en 2017 par référendum sous la supervision des militaires, est jugée antidémocratique par de nombreux observateurs, car elle donne un pouvoir disproportionné au Sénat, dont les membres sont nommés par les militaires, et au Tribunal constitutionnel, qui peut dissoudre les partis politiques.

Il s’agit ensuite de répondre aux aspirations de la population thaïlandaise, qui réclame plus de justice sociale, de liberté d’expression et de respect des droits humains. Depuis l’an dernier, le pays a connu un mouvement de contestation sans précédent, mené principalement par des jeunes, qui ont bravé l’interdiction des rassemblements et le crime de lèse-majesté pour exprimer leur mécontentement face au gouvernement et à la monarchie. Ces manifestants demandent notamment la démission de Prayut, la révision de la Constitution et la réforme de la monarchie, considérée comme trop puissante et intouchable.

Relancer l’économie thaïlandaise

Il s’agit enfin de relancer l’économie thaïlandaise, qui a subi une récession historique en 2020 en raison de la crise sanitaire et du ralentissement du tourisme, qui représente environ 20% du PIB.

Pendant les huit années de gouvernement militaire, la croissance thaïlandaise a été médiocre, bien en dessous du potentiel, avec une croissance tendancielle de juste plus de 3% ces dernières années, tandis que ses concurrents directs, comme le Vietnam, ont progressé deux fois plus.

La Thaïlande a été l’un des pays les plus touchés par la récession économique provoquée par la crise sanitaire. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le produit intérieur brut (PIB) thaïlandais a chuté de 6,1 % en 2020, sa plus forte contraction depuis la crise financière asiatique de 1997-1998. Le secteur du tourisme, qui représente environ 20 % du PIB et emploie près de 10 millions de personnes, a été particulièrement affecté par les restrictions de voyage et la fermeture des frontières.

Les partis d’opposition, qui dénoncent la gestion autoritaire et inefficace de la crise par le pouvoir en place, proposent des alternatives pour relancer l’économie. Parmi elles, on trouve la mise en place d’un revenu universel de base, la réduction des inégalités sociales et fiscales, ou encore la promotion des énergies renouvelables et de l’économie circulaire.

Pendant la période 2014-2022 de gestion du pays par l’armée, la croissance plus faible s’est également accompagnée d’une concentration plus élevée de la richesse dans le secteur privé, renforçant la puissance des conglomérats oligarchiques qui accaparent une part toujours plus importante de la richesse. Une conséquence en aval de cette accumulation de richesse est la persistance d’un fossé immense entre les super-riches et les pauvres ordinaires, une caractéristique de l’économie thaïlandaise.

Réduire les inégalités

Le pays affiche également un des taux d’inégalité les plus élevés d’Asie du Sud-Est, avec une concentration des richesses entre les mains d’une poignée de familles. Les différents partis politiques proposent des mesures variées pour stimuler la croissance, réduire la pauvreté et favoriser le développement durable.

L’élection du 14 mai sera donc un moment clé pour la Thaïlande, qui doit choisir entre continuer sur la voie du statu quo ou opter pour le changement. Quel que soit le résultat, il faudra espérer que le processus électoral se déroule dans le respect des règles démocratiques et que le vainqueur soit accepté par tous les acteurs politiques, afin d’éviter une nouvelle crise ou un nouveau coup d’État.

Répondre à la concurrence régionale

La Thaïlande doit faire face à une concurrence accrue de ses voisins au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), notamment le Vietnam, l’Indonésie ou les Philippines, qui bénéficient d’une main-d’œuvre plus jeune et moins coûteuse.

La Thaïlande devra également s’adapter aux nouvelles dynamiques régionales, marquées par l’essor de la Chine et par la signature en novembre 2020 du Partenariat régional économique global (RCEP), le plus vaste accord de libre-échange au monde.

Au-delà de la relance à court terme, la Thaïlande doit également faire face à des défis structurels pour assurer sa compétitivité et sa croissance à long terme. Le pays est confronté à un vieillissement démographique, à une faible productivité et à une dépendance excessive aux exportations et aux revenus du tourisme.

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