Après la nette décision des électeurs thaïlandais en faveur de Yingluck Shinawatra et de son parti le Pheu Thaï, l’heure est maintenant à la formation d’un nouveau gouvernement pour tenter de mettre en place les promesses faites lors de la campagne.
Mais toutes les promesses du Pheu Thai ne se mesurent pas en espèces sonnantes et trébuchantes, et c’est peut être sur la délicate question de l’amnistie que la nouvelle Premier ministre risque de jouer l’avenir de son mandat
L’une des principales promesses non économiques du Pheu Thai, est de donner la priorité à la réconciliation des Thaïlandais. Tout au long de la campagne, Thaksin frère et sœur ont maintes fois répété que la question du retour de Thaksin Shinawatra en Thaïlande était secondaire, et que le principal mandat du nouveau gouvernement serait de privilégier une démarche de réconciliation générale.
Pour ce faire la Commission indépendante pour la vérité et la réconciliation, mise en place par le gouvernement Abhisit après les événements du printemps 2010 qui avaient coûté la vie à 91 personnes devrait être remise sur les rails avec davantage de prérogatives.
Une amnistie controversée
Mais la promesse la plus importante, et la plus controversée est sans doute celle d’une amnistie générale de toutes les condamnations liées au coup d’Etat de 2006.
Cette mesure bénéficierait ainsi indifféremment aux chemises jaunes, aux chemises rouges, aux militaires ou encore aux responsables politiques. En ce qui concerne l’étendue exacte de l’amnistie, Mme Yingluck s’est toujours montrée assez évasive sur le sujet, en répondant que toutes les parties seraient invitées à discuter le projet et qu’il s’agirait d’une amnistie collective, qui ne devrait pas être faite pour une seule personne en particulier.
Mais qu’on le veuille on non, et même si les résultats de ces élections vont bien au delà de la personnalité de l’ex premier ministre, la question de l’amnistie de Thaksin Shinawatra et de son retour en Thaïlande est désormais posée.
Le grand enjeu est de savoir si Thaksin va rentrer en Thaïlande. Sa sœur va très probablement faire voter une amnistie politique, parce que l’un des principaux reproches adressés à Abhisit Vejjajiva, le premier ministre sortant, était d’avoir mis plusieurs centaines d’opposants du parti Pheu Thaï en prison, au nom de l’ISA, la loi de sécurité intérieure, et du crime de lèse-majesté. Ceux-là bénéficieront de cette amnistie, mais certainement au prix d’un compromis avec l’armée, qui refusera le retour de Thaksin.
Estime Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l’Asia Centre de Sciences Po
Yingluck et son gouvernement devront jouer serrer s’ils veulent effectivement appliquer cette idée et rendre possible le retour Thaksin sur le sol thaïlandais après avoir été blanchi de sa condamnation à deux ans de prison pour corruption. Le projet d’amnistier Thaksin et de lui restituer 46 milliards de bahts (un peu plus de 1 milliard d’euros, saisis sur décision de justice) provoquerait immanquablement de nouvelles manifestations, entrainant la Thaïlande dans des troubles encore plus graves que ceux qu’elle a connus ces dernières années.
Une chance historique pour la Thaïlande
Le résultat des élections du 3 juillet rend possible un retour à la normale de la situation politique puisque le Pheu Thai disposant de la majorité absolue n’a plus à craindre la défection d’un groupe influent. Aucun renversement d’alliance parlementaire ne pourra interférer avec la formation du nouveau gouvernement, comme cela avait été le cas pour la désignation du gouvernement Abhisit en décembre 2008.
La très nette victoire du Pheu Thai représente une chance historique pour la Thaïlande, on ne peut que souhaiter qu’elle ne soit pas sacrifiée à cause du désir de revanche d’un homme ou d’une famille, si influents soient-ils.