La tâche semble en effet herculéenne pour le nouveau premier ministre thaïlandais Abhisit Vejjajivaj, tant l’ordre du jour du nouveau gouvernement semble encombré de chantiers laissés en friche par les précédentes administrations. Depuis 2006, il est le troisième premier ministre a prendre les rênes de la Thaïlande, autant dire que la longévité de ses prédécesseurs réduite au strict minimum, ne leur a guère permis de faire les reformes dont le pays à grand besoin.
1. Rétablir la confiance
Avec près de 4 ans de crise politique ininterrompue, la Thaïlande a besoin de retrouver confiance en elle même: la consommation et les investissements sont en chute libre, et les prévisions pour 2009 font état d’une croissance inférieure à 1%, voire nulle dans certains cas
2 . Rassurer les investisseurs étrangers
Les investisseurs boudent la Thaïlande. Le BoI de Thaïlande (Board of Investment) a rendu public la semaine dernière les chiffres de l’investissement direct étranger (IDE) et on constate une diminution de 38%, soit un montant cumulé de 290 milliards de baht entre janvier et novembre par rapport à 473 milliards un an plus tôt.
3. Clarifier les règles applicables au IDE et au FBA (Foreign Business Act)
Tout a été dit et son contraire depuis 2006 sur le statut des investissements étrangers en Thaïlande. Tout le monde sait qu’une société étrangère qui souhaite s’implanter en Thaïlande ne peut posséder plus de 49% des parts de la structure juridique qu’elle aura crée avec un associé thaïlandais. Beaucoup d’entreprises utilisent cependant des systèmes de vote préférentiels ou de mandataires désignés (nominees) pour « assouplir » les effets de cette règle. La frontière entre ce qui est légal, toléré et admis n’est pas claire.
4. Continuer les efforts en matière de propriété intellectuelle
La Thaïlande est toujours susceptible de demeurer sur la « US-Priority Watch List (PWL) », concernant les infractions au droit de propriété et les ventes de contrefaçons. Selon un rapport de l’International Intellectual Property Alliance (IIPA) les pertes commerciales dues à des infractions au droit d’auteur en Thaïlande à s’ élèvent a 219,7 millions de dollars par an.
5. Relancer le tourisme
Le secteur touristique a été la première victime de la semaine de fermeture de l’aéroport par la PAD. Le taux d’occupation des chambres dans les hôtels en Thaïlande se situerait actuellement entre 20 et 30%. En temps normal le taux d’occupation en décembre devrait être entre 60 et 70%. Plus de 100.000 emplois sont menacés à terme par le recul de la fréquentation touristique qui pourrait atteindre 3 millions de voyageurs en moins en 2009.
6. Revoir la sécurité dans les aéroports.
La facilité avec laquelle la PAD, qui n’a jamais mobilisé plus de 5000 personnes au même endroit et au même moment, s’est emparé des deux aéroports de Bangkok est inquiétante. Aucune mesure n’a été prise pour protéger Survanabhumi après l’occupation de Don Mueang: comment expliquer une telle négligence ? Si la Thaïlande veut retrouver rapidement son image rassurante de destination touristique tranquille, elle doit absolument traiter ce problème de façon urgente.
7. Négocier avec la guérilla musulmane dans le sud du pays.
Presque chaque jour des bombes explosent et tuent des innocents dans les trois régions de l’extrême sud de la Thaïlande, à majorité musulmane. On estime qu’aujourd’hui le nombre de morts dans le Sud a atteint les 3000 depuis le 4 janvier 2004, lorsqu’un un camp militaire de la province de Narathiwat avait été attaqué par des rebelles séparatistes Le gouvernement de Thaksin Shinawatra (2001-2006) avait adopté une politique de fermeté dans le Sud, fermant les yeux sur des violations répétées des droits de l’homme. Cette politique basée uniquement sur la répression n’a donné aucun résultat concret.
8. Oublier Thaksin
Ce sera peut être le plus difficile pour le gouvernement Abhisit: prouver une fois pour toutes que la Thaïlande peut se passer de Thaksin. Thaksin Shinawatra a beau être en exil, son parti dissout (par deux fois, un record) par la Cour Constitutionnelle, et condamné à deux ans de prison par la justice de son pays, il continue a exercer une influence marquante sur la politique en Thaïlande. Même ses adversaires les plus acharnés doivent le reconnaitre: depuis son départ forcé en septembre 2006, la Thaïlande est devenue ingouvernable.
9. Reconquérir les électeurs ruraux
Populiste ou pas, la Thaïlande a besoin d’une politique pour ses zones rurales ou vit la majorité de la population a faible revenus. La popularité de Thaksin s’est construite en grande partie sur des mesures simples comme les consultations médicales à 30 bahts, ou l’accès a des prêts bancaires à de très faibles taux. En d’autres termes le gouvernement devra faire du Thaksin sans Thaksin s’il veut avoir un véritable soutien majoritaire de la population.
10. En finir avec la division du pays
La lutte fratricide entre les pro et anti Thaksin, PAD contre UDD, ou « jaunes » contre « rouges » a maintenant atteint un niveau absurde, dans la mesure ou elle paralyse toute initiative positive et pénalise tous les Thaïlandais. Des réformes et des infrastructures nouvelles sont nécessaires en Thaïlande, et la couleur de ceux qui auront la charge de les promouvoir sera vite oubliée, si elles sont effectivement réalisées.
11. Relancer le secteur immobilier
Le secteur immobilier a été fortement ébranlé en Thaïlande, d’abord par la crise économique mondiale, puis par la crise politique et le blocage de l’aéroport de Bangkok. Le gouvernement thaïlandais a récemment décidé de reconduire les mesures de soutien au secteur immobilier jusqu’en 2010, sous forme d’une réduction exceptionnelle des droits de mutation. Mais la Thaïlande souffre aussi de handicaps structurels comme l’impossibilité de posséder des terres pour un étranger, combiné à la limitation des « lease » sur les terrains à une durée de 30 ans.
12. Lutter contre la corruption
Préférons la métaphore pour ce dernier point.
– Roi d’Elis, dans le Péloponnèse, Augias possédait une quantité considérable de bœufs, pas moins de trois mille. Ses étables, où s’accumulait le fumier, n’avaient pas été nettoyées depuis une trentaine d’années. Augias proposa à Hercule le dixième de son troupeau, soit trois cents bœufs, s’il nettoyait les étables dans la journée. Hercule pratiqua deux ou trois brèches dans les murs, détourna de leur cours deux fleuves, l’Alphée et le Pénée, et dirigea les eaux à travers les écuries.
1 comment
« La popularité de Thaksin s’est construite en grande partie sur des mesures simples comme les consultations médicales à 30 bahts, ou l’accès a des prêts bancaires à de très faibles taux. » Que je sache, ces mesures n’ont pas été annulées mais maintenues « même sans Thaksin » !
Personne n’est irremplaçable, à commencer par les corrompus … Etonnant, non ?
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