Reporters sans frontières est extrêmement préoccupée par l’impact sur la liberté de la presse des violences politiques et de l’état d’urgence en Thaïlande. L’organisation réitère son appel à toutes les parties à respecter et à garantir le travail de la presse.Un cameraman japonais a été blessé lors des attentats qui ont eu lieu le 22 avril dans le quartier de Silom à Bangkok. On ignore pour l’instant son nom et son média.
Selon une journaliste française basée à Bangkok, les conditions de travail pour les correspondants étrangers se sont dégradées au cours des derniers jours.
Les correspondants en Thaïlande ne sont pas formés pour couvrir des « zones de conflit ». Récemment, des journalistes étrangers ont été blessés par des lancers de pierres ou des bouteilles d’eau, alors qu’ils couvraient des rassemblements politiques. Des touristes étrangers, inconscients des risques, « couvrent » les manifestations, dans l’espoir de pouvoir revendre les images des heurts.
« La gravité de la crise appelle à un respect de la libre circulation de l’information, sans quoi les rumeurs triompheront sur les faits. Les violences autant que l’état d’urgence placent les journalistes thaïs et étrangers dans une réelle précarité, sans précédent depuis le retour de la démocratie »,
a affirmé l’organisation.
De plus en plus de journalistes portent un t-shirt du Foreign Correspondents Club of Thailand (FCCT) afin d’être identifiés ou des casques pour se protéger.
Reporters sans frontières déplore la décision des « chemises rouges » de demander aux journalistes de porter un brassard vert où il est écrit « Dissoudre le parlement ».
L’organisation dénonce également les pressions exercées sur la journaliste de télévision Thapanee Ietsrichai après qu’elle a révélé sur son compte Twitter « Thapanee3Miti » que des militaires avaient empêché des policiers de poursuivre les possibles auteurs de l’attentat du 22 avril.
Enfin, l’organisation est surprise par la décision de justice qui donne raison au gouvernement de censurer la chaîne PTV, favorable au mouvement des « chemises rouges ». Les juges ont estimé que l’état d’urgence donne ce type de pouvoir aux autorités.
Une décision similaire a été rendue aujourd’hui dans le cadre des poursuites intentées par la directrice du site d’informations indépendant Prachatai, Chiranuch Premchaipoen, contre plusieurs membres du gouvernement. Elle demandait la levée de l’interdiction pesant sur Prachatai depuis le 7 avril dernier, en vertu de l’article 47 de la Constitution, qui rend illégale l’interdiction de la diffusion d’informations et d’opinion, et réclamait des dommages et intérêts. Le tribunal a statué en faveur des officiels, estimant qu’ils n’avaient pas outrepassé leurs droits dans le cadre de l’état d’urgence.
Les actes de censure et d’intimidation envers les médias se répercutent sur le Net. La liste des sites interdits s’allonge encore. Le ministère des Technologies de l’Information et de la Communication (MICT), sur ordre du centre d’administration de l’état d’urgence, a permis, le 23 avril 2010, la fermeture de 350 nouveaux sites, en plus des 190 visés la semaine passée, et des 36 bloqués le 7 avril 2010. Ce qui porte le nombre de sites fermés à 2500. La plupart des sites désormais interdits avaient des liens avec les « Chemises rouges » et avaient diffusé des images de leurs rassemblements, mais certains étaient des sites d’information indépendants.
Reporters sans frontières demande aux autorités de rétablir au plus vite l’accès aux sites d’informations censurés et à ne recourir à la fermeture de médias uniquement quand des appels à la violence sont avérés et en respectant les procédures juridiques.
Enfin, l’organisation demande aux autorités thaïes de faire preuve de la plus grande transparence dans l’enquête sur la mort du reporter japonais Hiro Muramoto, dont les résultats devraient être rendus publics le 26 avril. « Les autorités japonaises doivent pouvoir avoir accès à toutes les pièces du dossier », a précisé Reporters sans frontières.
Vincent Brossel