Reporters sans frontières se joint à l’Association des journalistes thaïlandais (TJA) et à l’Association des journalistes thaïlandais de l’audiovisuel (TBJA) pour condamner les attentats à la grenade qui ont visé deux chaînes de télévision à Bangkok. Il est urgent que les différents groupes politiques renoncent à se venger contre les médias qu’ils jugent défavorables à leurs intérêts, comme ce fut le cas lors des violences de la fin 2008.

« Alors que le royaume fait face à une nouvelle période de crise politique, les conditions de travail de certains médias se détériorent. Même si les médias publics optent souvent pour une ligne éditoriale progouvernementale, cela ne peut en aucun cas justifier de telles violences. Les tensions politiques ne doivent pas déborder sur la liberté des médias. Si les autorités et l’opposition prennent cette habitude néfaste, la situation de la liberté de la presse en Thaïlande continuera à se dégrader »,

a déclaré Reporters sans frontières.

« Nous appelons le gouvernement à garantir la sécurité des locaux des médias et à enquêter dans les meilleurs délais sur ces attentats », a ajouté l’organisation.

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La Une du Bangkok Post du 30 mars, s'inquiète de la montée des violences à Bangkok

Dans la nuit du 27 mars 2010, deux attentats ont visé les locaux de la chaîne de télévision Channel 5 (propriété de l’armée) et de la chaîne de télévision publique NBT TV. Des grenades M-67 ont été lancées dans l’enceinte du siège de Channel 5, blessant plusieurs soldats en poste devant le bâtiment. Quelques heures plus tard, des grenades ont été tirés à l’aide d’un lance-roquettes M-79 au siège de la Channel 11. Les deux attentats ont blessé une dizaine de personnes, dont la plupart sont des soldats de faction.

On ignore pour l’instant si ces explosions sont liées aux manifestations des « chemises rouges » favorables à Thaksin Shinawatra. Pour l’heure, la police métropolitaine de Bangkok parle d’une « provocation politique ».

Reporters sans frontières dénonce également le recours à la censure d’Internet par les autorités. Plus de cinquante mille sites et pages Internet sont bloqués en Thaïlande. Dernier en date, le site Asia Sentinel (http://www.asiasentinel.com/) est bloqué depuis début mars. Le site d’informations, relativement libre, serait sanctionné de la sorte pour avoir publié en ligne une longue et profonde analyse de la situation politique thaïe depuis le coup d’Etat militaire de 2006. Les articles étaient publiés et signés de la plume de « correspondants ».

Le site aurait été le premier à commenter la possibilité d’un accord entre les tribunaux et Thaksin Shinawatra afin que celui-ci conserve sa fortune. Ce n’est pas la première fois que les gestionnaires du site font face à des obstacles de la sorte : son rédacteur en chef, John Berthelsen, a été interdit d’entrée sur le territoire de Singapour en avril 2009 à cause de la liberté de parole et de ton généralement utilisée sur le site Asia Sentinel.

Le ministère de l’Information et de la Technologie de l’information a demandé pour l’année fiscale 2011 une enveloppe budgétaire de 50 millions de bahts (plus d’un million d’euros) pour financer ses activités de censure et de surveillance d’Internet. Récemment, un officiel a affirmé que les autorités bloquaient chaque jour plus de 150 sites jugés hostiles à la monarchie.

La Thaïlande est classée 130e sur 175 pays dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Le pays fait partie de la liste des « Pays sous surveillance » dans le rapport de Reporters sans frontières sur la censure d’Internet publié en mars 2010.

Vincent Brossel
Asia-Pacific Desk Reporters Without Borders
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