Reporters sans frontières s’inquiète de la décision du gouvernement de restreindre la liberté de la presse dans le cadre de l’état d’urgence proclamé le 2 septembre.
RSF appelle également le mouvement d’opposition PAD (People’s Alliance for Democracy) à ne pas s’en prendre aux médias, notamment ceux qui soutiennent le gouvernement.
L’état d’urgence ne doit pas porter atteinte aux droits humains, s’inquiète aussi Amnesty International qui demande au gouvernement thaïlandais de lever les restrictions relatives à la liberté de parole contenues dans le décret sur l’état d’urgence promulgué le mardi 2 septembre.
« Nous redoutons que l’état d’urgence ne serve à faire taire certains médias. Il n’y a pas de raison de restreindre la libre circulation de l’information et le pluralisme, tant qu’aucun appel à la violence n’a été lancé par des médias. Certes, les journalistes doivent éviter d’être impliqués dans des débordements partisans, mais ce n’est pas au gouvernement de décider qui a le droit d’informer ou pas.
Par ailleurs, il est important que le chef du gouvernement reconnaisse enfin que les médias publics ne sont pas faits pour servir la propagande gouvernementale. Comme nous avons condamné l’attaque de la chaîne NBT par l’opposition, nous dénonçons ces interventions grossières qui menacent l’indépendance éditoriale des médias », a affirmé dans un communiqué l’organisation de défense de la liberté de la presse Reporters Sans Frontières.
« Le gouvernement a la responsabilité ultime de la sécurité de tous les Thaïlandais, quelles que soient leurs opinions politiques, a déclaré de son coté Benjamin Zawacki, chercheur pour la Thaïlande auprès d’Amnesty International. Mais le gouvernement ne doit pas se servir de l’état d’urgence pour étouffer la liberté d’expression ou empiéter sur d’autres droits humains.
« Le droit international dit clairement que même en cas d’instauration d’un état d’urgence, toute personne a le droit d’exprimer son opinion sur les sujets qui la concernent – y compris sur le décret promulguant l’état d’urgence (1)- et de faire valoir des points de vue différents de ceux du gouvernement ou des groupes auxquels elle est opposée. »
En outre, Amnesty demande au gouvernement thaïlandais de limiter la restriction actuelle du décret relative à la liberté de réunion aux seuls districts de Bangkok les plus concernés par les protestations et le bras de fer en cours entre les différents groupes politiques.
Reporters Sans Frontières se dit également préoccupée par un regain de censure :
Le 2 septembre, le Premier ministre Samsak Sundaravej a accordé au Comité en charge d’appliquer l’état d’urgence, le droit de censurer les médias qui diffuseraient des informations favorisant la peur et menaceraient la sécurité nationale et la paix. Le président du Comité, le général Anupong Paojinda, a déclaré le même jour qu’il considérait la possibilité d’engager des actions contre la chaîne ASTV, propriété de l’opposant Sondhi Limthongkul, et la chaîne gouvernementale NBT, anciennement Channel 11. Selon lui, elles ne diffusent que des informations biaisées.
RSF remarque aussi le caractère très partial de certains médias depuis le début de la crise:
Plusieurs chaînes gouvernementales, telles que Channel 3 ou Channel 7, n’accordent qu’une place très réduite aux manifestations qui ont lieu en Thaïlande, et plus particulièrement à Bangkok, depuis la semaine dernière. En revanche, les chaînes privées couvrent largement les récents événements qui ont causé la mort d’une personne dans la nuit du 1er au 2 septembre. Le magnat de la presse Sondhi Limthongkul a mis ses médias, notamment le journal Manager et la chaîne ASTV, au service du PAD qui tente de faire partir Samsak Sundaravej du pouvoir. Les discours des leaders du PAD sont retransmis en direct et des appels à manifester ont été lancés dans certains programmes de cette chaîne satellitaire. Par ailleurs, la police a confirmé le 27 août que les 82 personnes arrêtées pour avoir participé à l’attaque du bâtiment de la chaîne NBT étaient bien des membres du PAD.
(1) L’article 9(3) du décret d’urgence de 2005 sur l’administration publique en régime d’état d’urgence en Thaïlande interdit les communiqués de presse, la distribution ou la propagation de lettres, de publications ou de textes diffusés par tout autre moyen de communication susceptibles d’instiller la peur au sein de la population ou ayant pour but manifeste de déformer l’information ou de donner une lecture de la situation d’urgence susceptible d’affecter la sécurité de l’état, l’ordre public ou le moral de la population du Royaume.
source:
Vincent Brossel
Asia – Pacific Desk
Reporters Sans Frontières