Un an et demi après le coup d’Etat de la junte en Thaïlande, Reporters sans frontières (RSF) publie un rapport d’enquête sur la répression savamment orchestrée par les militaires contre la liberté de l’information.
Depuis un an et demi, la junte militaire au pouvoir, menée par le fantasque général Prayut Chan-o-cha, s’acharne sur les médias. Convocations et arrestations arbitraires, poursuites judiciaires en cascade, menaces à peine voilées…
Les militaires font régner une terreur permanente sur la presse
C’est dans ce contexte tendu que RSF publie son rapport, fruit d’une enquête réalisée en juillet dernier, intitulé : « Thaïlande : coup d’Etat permanent contre la presse ».
Cette enquête souligne à quel point l’obsession – ou le prétexte – de rétablir « l’ordre et la paix » assénée par la junte depuis plus de 17 mois a écrasé la liberté de la presse et de l’information, libertés si chèrement acquises au cours des dix dernières années.
La stratégie de censure et d’intimidation massive déployée par le pouvoir militaire dès le 22 mai 2014 lui a permis de mener une « guerre éclair » contre l’information, en multipliant les convocations et les raids dans les locaux de médias.
Une stratégie similaire a été appliquée au Net, immobilisé dès les premiers jours du coup par des blocages d’URL massifs et la mise en place d’une véritable armada de surveillance des internautes.
Dans les tiroirs de la junte, le projet « Single Internet Gateway », une passerelle internet unique entre le réseau mondial et thaïlandais, menace aujourd’hui encore l’information en ligne en augmentant les capacités de censure du pouvoir.
La presse étrangère n’a pas non plus échappé à la frénésie liberticide de la junte, et a même fait l’objet d’attaques ciblées en ce qu’elle représente, aux yeux de Prayut Chan-o-cha, une menace pour l’image internationale du pays.
Non contente de déployer une censure scrupuleuse, la junte a également fait de la justice son bras armé.
La presse est paralysée par la recrudescence des condamnations pour crimes de « lèse-majesté », véritable arme d’emprisonnement massif du pouvoir ciblant en priorité intellectuels, défenseurs des droits de l’Homme, blogueurs et journalistes.
Le rapport documente enfin l’acharnement des autorités depuis près de deux ans contre le site d’information en ligne Phuketwan. Le représentant de RSF, Benjamin Ismaïl, était présent au procès de ces deux journalistes accusés d’avoir diffamé la marine royale thaïlandaise.
Après plus de 20 mois de poursuites, Alan Morison et Chutima Sidasathian ne sont toujours pas sortis d’affaire, le procureur pouvant décider de faire appel de la relaxe prononcée en septembre dernier en faveur des deux reporters.
Le rapport s’interroge en outre sur le rôle des médias thaïlandais, dont la polarisation structurelle extrême ne facilite pas la mise en place d’un « quatrième pouvoir » qui serait à même de résister aux pressions de la junte.
Cette logique binaire entre partisans des chemises rouges et des chemises jaunes empêche l’unité nécessaire à la presse pour mener un combat plus efficace contre la censure des autorités et les pressions de groupes d’intérêts divers, politiques et financiers.
La Thaïlande occupe la 134e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.
Benjamin Ismaïl
Responsable du bureau Asie
Reporters sans frontières