En Thaïlande, Les chaînes de télévision ne relaient désormais que les informations diffusées par l’armée et les chaînes étrangères ont été bloquées dans tout le pays.

 

L’armée thaïlandaise a annoncé, le 22 mai 2014, dans un message télévisé diffusé nationalement, prendre le contrôle du pays « dans le but de rétablir une situation normale » suite à l’échec des pourparlers entre les factions politiques opposées.

La chaîne publique Thai Public Broadcasting Service (TPBS), après avoir tenté de maintenir ses programmes via Youtube, s’est vue fermée par les militaires qui ont procédé à l’arrestation du directeur adjoint de la chaîne, Wanchai Tantiwithayapitak.

La veille, 4 chaînes de télévision (dont Voice TV et Hot TV) et 6 stations de radio communautaires sont venues s’ajouter à la liste des 10 chaînes précédemment fermées par les militaires.

Les commentaires politiques d’analystes et d’universitaires ont été partiellement interdits et les émissions animées en présence de commentateurs ne peuvent être diffusées en direct.

A la fin de la journée, les soldats postés dans certains médias ont reçu l’ordre de quitter les lieux, sans pour autant ré-autoriser ces derniers à diffuser librement.

Dans leur 8ème communiqué officiel, les militaires ont ordonné aux réseaux sociaux de censurer

« les informations déformées ou susceptibles de générer des incompréhensions ou d’alimenter des conflits »

sous peine de fermeture.

En collaboration avec le  » Commandement de maintien de la paix et de l’ordre  » (POMC), instance nouvellement créée par les militaires, la Commission nationale de diffusion et des télécommunications (National Broadcasting and Telecommunications Commission, NBTC) a invité les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à former ensemble un groupe chargé de la censure du Web.

La NBTC a pris le soin de réaffirmer publiquement que seuls les messages qui affecteraient l’ordre public et la paix seraient censurés, afin d’éviter toute violation des libertés fondamentales.

« Reporters sans frontières est scandalisée par cette prise de contrôle des médias, dont le but, aujourd’hui révélé, n’était autre que d’égarer la population et faciliter son coup d’Etat « ,

déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.

“Après avoir forcé les chaînes de télévision à diffuser leurs communiqués de presse en assurant qu’ils n’envisageaient pas de s’arroger le pouvoir, les militaires tentent aujourd’hui de faire taire toute contestation en étouffant information indépendante et commentaires défavorables, dans la presse et sur Internet. Nous demandons l’arrêt immédiat de cette politique de censure et le retrait de toutes les mesures liberticides instaurées depuis le 20 mai »,

ajoute-t-il.

Quatre associations de médias, la Thai Journalists Associations, la Thai Broadcating Journalists Association, le National Press Council of Thailand, et le News Broadcasting Council of Thailand ont publié un communiqué de presse demandant au POMC de reconsidérer ses ordres de censure, tout en invitant les journalistes à faire preuve de prudence et de responsabilité dans leur couverture des événements.

L’annonce de prise du pouvoir de l’armée intervient deux jours après celle de l’instauration de la loi martiale dans le pays. Le 20 mai dernier, l’armée avait ordonné la fermeture d’une dizaine de médias dans la capitale. Des soldats avaient fait irruption dans les bureaux d’au moins dix chaînes de télévision, et ordonné l’arrêt des programmes “pour éviter que de fausses informations ne circulent”.

En décembre dernier, Reporters sans frontières avait dressé un état des lieux de la liberté de la presse dans le pays et des menaces qui pèsent sur les acteurs de l’information dans un contexte de manifestations. L’organisation avait alors appelé les forces de l’ordre et les manifestants à ne prendre en aucun cas les reporters et leurs collaborateurs pour cible quelle que soit le positionnement politique des médias pour lesquels ils travaillent.

La Thaïlande occupe la 130e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.

Benjamin Ismaïl
Head of Asia-Pacific Desk
Reporters Without Borders

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