Alors que le procès de la directrice du site d’information Prachatai,Chiranuch Premchaiporn, plus connue sous le nom de Jiew reprend aujourd’hui, Reporters sans frontières condamne le recours abusif à ce crime par la justice thaïlandaise à des fins politiques, et demande l’abandon des poursuites.

Reporters sans frontières s’inquiète du sort de la directrice du site d’information Prachatai,Chiranuch Premchaiporn, plus connue sous le nom de Jiew, dont le procès pour violation des articles 14 et 15 du Computer Crime Act reprend aujourd’hui.

“Nous sommes très préoccupés du sort de Chiranuch Premchaiporn, une victime de plus de l’utilisation abusive des lois draconiennes que sont le Computer Crimes Act et le paragraphe 112 du code pénal. Le nouveau gouvernement du Premier ministre Yingluck Shinawatra doit mettre un terme aux restrictions à la liberté d’expression sous couvert de “protection de l’image du roi”. Nous attendons le signe d’une réelle volonté politique de reformer ces lois répressives”,

 

a déclaré Reporters sans frontières.

“Nous prenons note des déclarations du magistrat, Kampot Rungrat, qui a déclaré qu’il jugerait l’affaire en fonction de critères purement techniques ou juridiques. A savoir si Jiew a contribué ou non aux posts publiés sur son site et si elle a attendu délibérément avant de les effacer. Nous appelons à ce que les charges qui pèsent Chiranuch Premchaiporn soient abandonnées dans les plus brefs délais”,

a ajouté l’organisation.

Après six mois de suspension, le procès de Jiew reprend aujourd’hui devant la Cour d’assises à Bangkok, avec l’audition de deux policiers, témoins de l’accusation. Les prochaines auditions des témoins de l’accusation auront lieu les 2, 6, 7, 8, 9, 20 et 21 septembre 2011. Les témoins de la défense comparaîtront les 11, 12, 13 et 14 octobre 2011.

Interview de Chiranuch Premchaiporn à la sortie du Tribunal de Bangkok

Jiew risque une peine de prison maximale de vingt ans pour dix commentaires postés entre avril et octobre 2010 sur son blog qui “nuis(aient) à l’image de la cour royale” et qu’elle n’aurait pas retirés assez tôt. Chaque post pourrait lui valoir une peine de cinq ans, avec un maximum de vingt ans de prison. Les avocats de Jiew affirment qu’elle a coopéré avec les autorités afin d’enlever du site les commentaires jugés indésirables aussi rapidement que possible.

Le nombre d’affaires liées au “lèse-majesté”, souvent en connexion avec le Computer Crimes Act, ne cesse d’augmenter en Thaïlande depuis plusieurs années. Reporters sans frontières condamne le recours abusif à ce crime d’un autre âge, à des fins politiques, et rappelle les déclarations du Premier ministre, Yingluck Shinawatra, selon qui « le crime de lèse-majesté ne [doit pas [être] utilisé de façon inappropriée”.

La journaliste avait déjà été arrêtée, dans une autre affaire, le 31 mars 2010, et inculpée du crime de « lèse-majesté ». Si une procédure judiciaire était lancée pour ces accusations de « lèse-majesté », Chiranuch Premchaiporn pourrait faire face à une seconde condamnation pouvant aller jusqu’à cinquante ans de prison.

L’organisation condamne les différentes accusations de “lèse-majesté” contre des journalistes, blogueurs et citoyens thaïlandais, qui constituent des atteintes aux droits fondamentaux de liberté de la presse et d’expression.

Le 30 août 2011, Joe Gordon, citoyen des États-Unis né en Thaïlande, en détention provisoire depuis presque quatre-vingt-dix jours, a été officiellement inculpé pour ce motif, et risque désormais une peine de quinze ans de prison , quantum de la peine prévu pour des crimes de lèse-majesté. Il est accusé d’avoir traduit la biographie du roi Bhumibol Adulyadej -interdite en Thaïlande- intitulée “Le roi ne sourit jamais” de Paul Handley et de l’avoir aclamée sur son blog. Lors d’un voyage dans sa ville natale dans le nord-est de la Thaïlande en mai dernier, il a été arrêté. Sa libération sous caution lui a été refusée depuis.

Somjit Nawakruasunthorn, journaliste de la chaîne de télévision Channel 7, a été victime d’une campagne d’intimidation menée par des membres du mouvement des “chemises rouges”, qui lui reprochent de s’être adressée de façon inappropriée au Premier ministre au cours d’une interview. Ses commentaires seraient une “atteinte au code éthique des médias” d’après Nopporn Namchiangtai, leader du groupe de “chemises rouges”, rassemblés devant le bureau deChannel 7, le 30 août 2011, pour manifester contre la journaliste.

Le 26 août 2011, le journal Bangkok Post a rapporté qu’une lettre ouverte avait été adressée au Premier ministre par un groupe de journalistes afin d’attirer son attention sur la “campagne de haine” menée contre Somjit Nawakruasunthorn. Des mails circulant parmi les membres du mouvement des “chemises rouges” qui contiennent la photo et le nom de la journaliste inviteraient à “se souvenir de son visage” et à “s’occuper d’elle quand on la rencontre(rait)”.

Par ailleurs, le 26 août 2011, le vice-Premier ministre et chef du Royal Thai Police Office, Chalerm Yubamrung, a annoncé son intention d’instaurer une “War Room” afin d’intervenir contre des sites Web ayant des contenus de lèse-majesté.

L’organisation condamne également le maintien en détention de Somyot Prueksakasemsuk, ancien rédacteur en chef du journal Voice of Thaksin. Le journaliste risque trente ans de prison pour deux accusations de « lèse-majesté » portées officiellement contre lui le, 26 juillet 2011.

Le 5 août 2011, Norawase Yospiyasathien, étudiant de l’université Kasetsart âgé de 22 ans, a été arrêté pour avoir recopié le texte d’un blog socio-politique (Fa Diew Kan : Same Sky) et l’avoir posté sur son blog personnel. Le président de l’université a porté plainte pour “lèse-majesté” afin de “préserver l’image de l’université”.

Voir aussi les cas de Somsak Jeamteerasakulet de Thanthawut Taweewarodomkul.

La Thaïlande fait partie des “pays sous surveillance” dans la liste des pays ennemis d’Internet établie par Reporters sans frontières le 12 mars 2011.

Source: http://fr.rsf.org/thailande-la-directrice-de-prachatai-risque-01-09-2011,40894.html