Avec  l’arrestation d’un blogger américain par la police thaïlandaise, l’utilisation de la loi qui punit le crime de lèse-majesté est à nouveau l’objet de discussions et de critiques. Un Américain a été arrêté en Thaïlande pour avoir, selon la police, insulté la monarchie, une infraction grave et passible d’une peine de trois à 15 ans années de prison.

L’ambassade américaine a confirmé l’arrestation, et suivre le cas de près. L’homme de 54 ans arrêté jeudi est accusé d’avoir crée un lien sur son blog (en 2007 !) vers une biographie non autorisée du roi Bhumibol Adulyadej, qui est interdite de diffusion en Thaïlande, et d’avoir traduit certains passage en Thai, a déclaré un porte-parole du Département des enquêtes spéciales (DSI), l’équivalent en Thaïlande du FBI.

L’accusation de “lèse-majesté” en vertu de l’article 112 du code pénal, est un procédé souvent utilisé par les autorités à des fins politiques, notamment pour étouffer la dissidence et les voix jugées trop critiques à l’encontre de la monarchie

Au cours d’une conférence universitaires consacrée au crime de lèse-majesté, un expert en la matière le professeur David Streckfuss a noté que si la loi elle-même est resté inchangée, son application est de plus en plus caractérisée par une augmentation spectaculaire des accusations individuelles.

« Si vous regardez le nombre de cas lèse-majesté, de 1990 à 2005, il y avait une moyenne de cinq ou six cas par an. Après cela, il y a eu entre 2006 et 2009, 397 cas qui ont été devant la justice »,

a expliqué le professeur Streckfuss. «Environ 1500% d’augmentation, selon la façon dont vous faites le calcul. »

Il n’y a pas d’estimation précise et officielle du nombre de personnes actuellement en prison pour avoir diffamé les membres de la famille royale thaïlandaise, en raison de l’article 112, mais le professeur Streckfuss estime que le nombre pourrait dépasser les 200. La Commission nationale des droits de l’homme (NHRC), un organisme indépendant établi par le gouvernement, affirme avoir récemment fait une demande officielle à la police et à d’autres organismes, pour obtenir un décompte précis du nombre des détenus accusés de lèse-majesté.

Un but louable, une utilisation critiquable

Si le but original de la loi, à savoir sanctionner “Quiconque diffame, insulte ou menace le roi, la reine, le prince héritier ou le régent” est défendable (d’autres lois du même type existent dans d’autres pays), son utilisation va aujourd’hui bien au delà du but initial de la loi.

L’accusation de “lèse-majesté” en vertu de l’article 112 du code pénal, est un procédé souvent utilisé par les autorités à des fins politiques, notamment pour étouffer la dissidence et les voix jugées trop critiques à l’encontre de la monarchie, ou même du gouvernement. C’est le cas de Somsak Jeamteerasakul, professeur d’histoire de l’art à la faculté des arts de Thammasat, menacé par un membre du gouvernement d’être poursuivis pour lèse-majesté, depuis le 22 avril 2011, accusation ayant notamment pour origine son discours tenu au début du mois de décembre 2010.

Dans un communiqué de presse publié le 24 avril, Somsak Jeamteerasakul a déclaré avoir été suivi au cours des derniers jours par des individus non identifiés à moto, et avoir reçu un appel anonyme, lui indiquant qu’il faisait l’objet d’une surveillance étroite par le département de la sécurité qui se conclurait par son arrestation imminente.

Le crime de lèse-majesté utilisé comme outil de répression

L’ONG française de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières, a récemment dénoncé l’arrestation de Somyot Pruksakasemsuk, rédacteur en chef du magazine Voice of Thaksin, arrêté par le Departement of Special Investigation (DSI) le 30 avril 2011, puis placé en détention provisoire par la cour criminelle de Bangkok.

Le 2 mai, Somyot Pruksakasemsuk a été inculpé de crime de « lèse majesté » et s’est vu refusé sa liberté sous caution par la cour.

« Cette arrestation confirme la vague de répression qui s’abat sur les voix de l’opposition. Une fois de plus c’est le crime de lèse-majesté qui est invoqué pour appréhender un journaliste et militant de l’opposition. Cette attaque n’est pas isolée mais vise l’ensemble des médias proches ou soutenant l’opposition. En moins d’un mois, une vingtaine de figures de l’opposition ont été accusées de lèse-majesté »,

Plus tôt ce mois-ci Amnesty International a reconnu son premier «prisonnier de conscience» en Thaïlande,  Wipas Raksakul, qui a été arrêté en avril dernier .

Censure des médias

En avril dernier, la même loi a été utilisée par la police pour justifier les fermetures forcées d’une dizaine de radios communautaires liées aux “Chemises rouges” par les autorités thaïlandaises, à Bangkok et dans les provinces alentours suite à une opération policière de grande ampleur.

En septembre 2010, la responsable du site Prachatai a été arreté en raison de la publication d’un simple commentaire sur le site. Chiranuch Premchaipoen, directrice du site d’informations Prachatai.com, a été arrêtée à son arrivée à l’aéroport Suvarnabhumi de Bangkok, le 24 septembre 2010.

Elle est accusée de diffamation envers la famille royale, en violation des articles 14 et 15 du « Computer Crimes Act » (loi sur la cybercriminalité) ainsi que de l’article 112 du code pénal.

En théorie, la monarchie n’ a plus aucun pouvoir en Thaïlande depuis 1932. En pratique les choses sont un peu plus compliquées, mais évoquer le sujet de manière trop explicite est fortement déconseillé. Dans les médias thaïlandais, et présents en Thailande, l’auto censure est de règle sur les sujets qui concernent la monarchie: en 2008, le correspondant de la BBC a été accusé de lèse-majesté après avoir discuté le rôle politique de la monarchie au cours d’une réunion publique au Club des correspondants de Presse étrangers de Bangkok (FCCT).

1 comment
  1. « L’américain » en question est un thaïlandais qui a acquis la nationalité US sans répudier la thaïlandaise !
    En Thaïlande, il n’est donc QUE thaïlandais et ne fait qu’aggraver son cas en se prévalant d’une deuxième nationalité, chose non reconnue en Thaïlande.

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