Comment la Thailande va t-elle encaisser la récession mondiale, à laquelle il semble désormais difficile d’échapper ? Doit-on craindre une répétition de la crise de 1997, qui avait provoqué un traumatisme dans le royaume avec l’effondrement du Baht et une baisse du PIB de près de 15%. Pour le moment la Thaïlande semble faire preuve d’une « bonne capacité de résilience » selon les termes d’Ammar Siamwalla, spécialiste de l’économie au Thailand Development Research Institute et titulaire des diplômes en économie de l’Université de Londres et de l’Université Harvard.
« Les investisseurs et les entreprises étrangères rouspètent, ils se plaignent, mais ils ne sont pas partis. C’est vrai qu’il y a moins de nouveaux arrivants, mais ceux qui sont là depuis longtemps sont restés parce qu’ils connaissent les capacités d’adaptation de l’économie thaïlandaise » estime Ammar Siamwalla. Il a traversé la crise financière de 1997, et il estime que la Thaïlande a été relativement épargné pour l’instant. Ses banques ont seulement une petite exposition aux prêts hypothécaires subprimes, les réserves de changes demeurent à plus de 100 milliards de dollars, et le crédit est encore fluide pour les exportateurs. Pourtant, une récession mondiale est à venir, et la Thaïlande, qui repose essentiellement sur les exportations pour la croissance économique, ne pourra pas échapper à ses effets d’une manière ou d’une autre.
« Les conditions sont différentes: en 1997 la crise est partie de Thailande et le secteur bancaire s’est effondré de manière brutale. Aujourd’hui le choc n’est pas financier, il touche d’abord l’économie réelle, principalement par le biais des exportations qui représentent environ 65% de l’économie thailandaise. »
En 1997, les difficultés de l’économie thaïlandaise étaient visibles: avec un déficit des paiements courants important, le pays était vulnérable aux attaques spéculatives, et le FMI avait recommandé plus de souplesse dans les taux de change. La Thaïlande avait alors refusé. Tout au long du printemps 1997, les marchés avaient engagé un bras de fer avec la banque centrale thailandaise sur la valeur du baht. Une fois les réserves de change épuisées, les autorités laissèrent le baht flotter librement sur le marché, c’est à dire couler vers le fond, mettant en péril les banques et les institutions financières qui avaient emprunté en devises convertibles croyant que le baht resterait indexé sur le dollar américain.
On craint maintenant que les pays asiatiques, soient, à l’instar des États-Unis, du Japon et de l’Europe, menacés par une nouvelle récession provoquée par les déséquilibres commerciaux entre les Etats-Unis et l’Asie. Les décideurs d’Asie réunis à Beijing la semaine dernière ont décidé de mettre en place une réserve de 80 milliards de dollars pour soutenir les monnaies régionales. Que peut faire le gouvernement thaïlandais pour les aider ?
« Aujourd’hui les conditions sont pour ainsi dire inversées: les pays asiatiques (en particulier la Chine) ont des réserves suffisantes pour amortir les effets de la crise. Et ce n’est pas le cas des Etats Unis. Même le FMI est sollicité, et on ne sait pas si il aura les fonds suffisants pour faire face. » remarque avec une certaine ironie M. Ammar Siamwalla. En 1998, l’activité économique en Indonésie, en Thaïlande, en Corée du Sud, en Malaisie et aux Philippines avait ralenti de 8 % à 13 %, créant de graves problèmes sociaux. Mais la croissance fut rapidement de retour. Qu’en sera t-il en 2008 ?
« Normalement je préfère ne pas faire de prévisions, mais il est certain que la croissance sera moins forte que prévue en 2008, plutot vers les 4% ou 4,5%. D’ici deux ans, je pense que l’on peut espérer avoir de meilleures conditions en Thailande. Mais ca dépendra aussi de la situation politique: il est difficile de faire face à une crise économique quand le gouvernement est lui même divisé, et peu efficace. En tout cas le chiffre de 1 million d’emplois supprimés dans le secteur industriel me semble excessif: ca serait énorme » . Le vice-Premier ministre thailandais a annoncé récemment que le gouvernement cherche les moyens adaptés pour soutenir la croissance économique en 2008 pour atteindre au moins 5%. Il a aussi prévu que si la croissance en 2009 ne parvenait pas à atteindre les 4%, jusqu’à 600.000 personnes pourraient perdre leur emploi. Le Premier ministre a de son côté affirmé que le gouvernement était très concerné par la crise, mais qu’il demeurait confiant quant à la réussite des mesures déjà prises.