La Thaïlande est considérée comme l’exemple d’une réussite issue de la mondialisation, et a construit son succès économique en s’appuyant assez largement sur les bases d’un ordre économique mondial ouvert.

Alors que Donald Trump vient d’annoncer une nouvelle série de taxations sur les produits chinois importés aux États-Unis, portant cette fois sur plus de 200 milliards de dollars, la Thaïlande tente d’évaluer les conséquences de cette nouvelle escalade dans la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.

La décision du président américain Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur les importations en provenance de Chine de 50 à 250 milliards de dollars couvre désormais environ 1,8% du produit intérieur brut de la Chine.

Le tarif de 10% sur les 200 milliards de dollars les plus récents est plus ou moins neutralisé par la dépréciation de près de 7% du yuan par rapport au dollar depuis juin, mais Trump a déjà annoncé son intention d’augmenter les taxes d’importation de 10 à 25% à partir de janvier 2019.

Le PIB de la Thaïlande dépend aujourd’hui pour plus de 65% des exportations, et même si le royaume n’est pas nommément concerné par les mesures de rétorsion américaines, il pourrait être impacté indirectement par une escalade de la guerre commerciale entre les deux géants du commerce international.

«lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre». Ceux qui souffriront probablement de l’escalade entre les deux géants seront les petits pays tributaires des exportations.

a résumé Pavida Pananond, professeure agrégée en commerce international à la Thammasat Business School.

Elle s’est exprimée au cours d’une conférence de presse au FCCT le 11 septembre 2018 sur le thème « Guerre commerciale américano-chinoise: conséquences pour la Thaïlande ».

En effet depuis le mois d’ avril, les États-Unis ont commencé à imposer des taxes douanières sur un large éventail de produits chinois.

La Chine a répondu par des mesures identiques sur un certain nombre de produits d’importations américains.

Quelles sont les implications pour la Thaïlande? L’économie thaïlandaise sera-t-elle touchée par la désorganisation du marché mondial?

La Thaïlande pourrait-elle au contraire tirer profit de la réorganisation du commerce et des chaînes d’approvisionnement en Asie?

La question est susceptible d’avoir de profondes répercussions sur les entreprises locales et internationales implantées en Thaïlande, et a été débattu récemment par quatre panélistes choisis par le FCCT (Club des correspondants étrangers en Thaïlande).

Les origines de la guerre commerciale américano-chinoise

La principale raison de la guerre commerciale américano-chinoise est liée au fait que les États-Unis veulent réduire leurs déficit commercial avec les pays d’Asie, dont la plus grande part est imputable à la Chine.

A noter que la Thaïlande présente elle aussi un excédent commercial avec les États-Unis mais de seulement 19 milliards de dollars.

Le déficit commercial de la Thaïlande avec les Etats-Unis
Le déficit commercial de la Thaïlande avec les Etats-Unis ne représente qu’une petite partie du total du déséquilibre avec l’Asie

Le président américain Donald Trump a tweeté le 4 avril 2018 que

«[les États-Unis] ont un déficit commercial de 500 milliards de dollars par an, avec un vol de 300 milliards de dollars supplémentaires pour la propriété intellectuelle. Nous ne pouvons pas laisser cela continuer!

Depuis lors, Donald Trump a également tweeté des raisons plus explicites pour considérer que le commerce avec la Chine est injuste et donc préjudiciable aux intérêts commerciaux des États-Unis. Comme dans un tweet plus récent du 18 septembre:

De nombreux commentateurs américains estiment que l’énorme déséquilibre commercial des États-Unis avec la Chine équivaut à alimenter la dette américaine envers la Chine, ce qu’ils considèrent comme un facteur de vulnérabilité pour les États-Unis.

L'ampleur du déficit commercial des États-Unis avec la Chine
L’ampleur du déficit commercial des États-Unis avec la Chine est à l’origine de la guerre commerciale américano-chinoise.

La Chine détient également environ un tiers des obligations du Trésor américain et pourrait s’en servir comme levier si les choses tournaient mal.

a aussi commenté Kirida Bhaopichitr, directrice du service de renseignement économique (EIS) de l’Institut thaïlandais de recherche sur le développement (TDRI).

Une remise en cause de la puissance technologique américaine

Mais le déficit commercial des États-Unis n’est pas la seule préoccupation de Donald Trump avec la Chine.

L’influence croissante de la Chine et son intention de devenir une puissance technologique d’ici 2025 constitue une menace directe pour les dirigeants des États-Unis

estime Kirida Bhaopichitr.

En organisant une guerre commerciale avec la Chine, les États-Unis veulent également entraver les plans de la Chine pour devenir une superpuissance de haute technologie.

Les hausses de tarifs ciblant l’électronique et la technologie informatique visent directement l’initiative «Made in China 2025».

Quelles sont les conséquences pour la Thaïlande ?

De l’avis général des panélistes, les conséquences négatives sur le commerce extérieur de la Thaïlande devraient être assez peu importantes : la Thaïlande ne représente qu’une petite portion de la chaîne d’approvisionnement des exportations chinoises vers les États-Unis.

China Thailand - thailande-fr

Sur le long terme, la rivalité entre la Chine et les États-Unis pourrait même avoir des conséquences positives en favorisant la délocalisation d’entreprises chinoises dans les pays d’Asie du Sud-Est pour échapper aux sanctions américaines.

Selon Kirida Bhaopichitr, la Thaïlande pourrait être un pays intéressant pour les entreprises souhaitant quitter la Chine, en notant toutefois que pour les activités à forte intensité de main-d’œuvre, le Vietnam serait probablement plus attractif.

La Thaïlande est-elle une alternative viable pour remplacer la Chine dans la chaîne d’approvisionnement?

Taïwan est également un pays en concurrence avec la Thaïlande grâce à une solide expérience en électronique.

Mais à long terme, la Thaïlande peut être considérée comme une alternative viable en Asie du Sud-Est pour remplacer la Chine dans la chaîne d’approvisionnement des exportations vers les Etats-Unis.

la Thaïlande espère pouvoir tirer profit de la délocalisation des multinationales chinoises, dans des secteurs comme la robotique, les pièces d’aviation, l’automobile, les pièces d’ordinateurs et l’électronique.

ajoute Pavina Pananond.

Kirida Bhaopichitr, directrice du service de renseignement économique de l’Institut thaïlandais de recherche sur le développement (TDRI), a également déclaré que les résultats positifs d’une guerre commerciale américano-chinoise à grande échelle pourraient être plus importants que les conséquences négatives.

La perturbation de la chaîne d’approvisionnement pourrait avoir un impact négatif sur la Thaïlande à court terme, mais seulement à petite échelle. À long terme, le détournement des échanges généré par la rivalité entre les États-Unis et la Chine aurait un impact plus positif que négatif.

La mise en œuvre des hausses de droits de douane est également beaucoup plus lente que celle annoncée par le président Trump sur son compte Twitter.

Mais les experts ont convenu que la prochaine série de tarifs de 200 milliards de dollars affectera probablement une gamme beaucoup plus large de produits, dont certains auront une influence directe sur le budget de consommation des ménages américains.

Cependant la politique de sanction commerciales à l’encontre de la Chine reste très populaire auprès des électeurs américains.

Des objectifs de politique intérieure

chaque fois que Trump annonce une nouvelle série de mesures de retorsions commerciales contre la Chine, sa popularité augmente parmi les électeurs américains.

Après les élections de mi-mandat, la guerre commerciale pourrait ralentir et les États-Unis entamer des négociations avec la Chine

a également déclaré Kirida Bhaopichitr.

Participants au débat du 11 septembre organisé par le FCCT

Pavida Pananond est professeure agrégée en commerce international à la Thammasat Business School de l’Université Thammasat. Elle est titulaire d’un doctorat en économie (commerce international) de l’Université de Reading et d’un MBA de l’Université McGill.

Kirida Bhaopichitr est directrice du service de renseignement économique (EIS) de l’Institut de recherche sur le développement de Thaïlande (TDRI), le groupe de réflexion indépendant le plus établi en Thaïlande. Avant de rejoindre TDRI en 2015, le Dr Kirida a travaillé pendant 16 ans à la Banque mondiale en tant qu’économiste national pour la Thaïlande.

Paul Gambles est associé directeur du groupe MBMG, un groupe de services financiers diversifiés qui fait partie d’une entreprise mondiale comptant plus de 25 000 employés dans plus de 100 pays.

Paul Sumner vit en Thaïlande depuis 1997. Il est associé chez PricewaterhouseCoopers, et dirige le conseil aux entreprises pour les douanes et le  commerce international dans la région du Mékong (Thaïlande, Vietnam, Cambodge et Laos) et aux Philippines.

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