Les journalistes dissidents vont de plus en plus en prison au Vietnam qui enregistre en même temps des prévisions d’investissements étrangers records pour l’année en cours. D’un coté Reporters sans frontières s’insurge contre la condamnation du journaliste Truong Minh Duc à cinq ans de prison, de l’autre le Vietnam a attiré 45,3 milliards de dollars (29 milliards d’euros) en promesses d’investissements directs étrangers sur les sept premiers mois de l’année, un montant plus de deux fois supérieur à celui de l’ensemble de 2007.
Taïwan se retrouve en tête des investisseurs étrangers, avec des engagements pour 8,4 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros), selon le bureau des statistiques du gouvernement (GSO). L’essentiel de ce montant –7,8 milliards de dollars– provient d’un seul projet du groupe Formosa, une aciérie.
Le Japon, partenaire avec le Koweït d’un projet de raffinerie, arrive en seconde position, avec 7,2 milliards de dollars. Il est suivi de la Malaisie avec 5,1 milliards de dollars.
La France, généralement bien classée parmi les Européens en matière de stocks totaux d’investissements, n’affiche sur les sept premiers mois de l’année des engagements que pour 50,2 millions de dollars.
Sur l’ensemble de 2007, les étrangers avaient promis d’investir 21,3 milliards de dollars au Vietnam. Les 45,3 milliards de dollars engagés de janvier à juillet 2008 représentent donc plus du double du montant de 2007 et affichent aussi une progression de 373% par rapport aux sept premiers mois de 2007.
Les investisseurs ne sont apparemment pas dissuadé par l’aggravation de la situation des journalistes au Vietnam. Un tribunal de la province de Kien Giang, dans le delta du Mékong (Sud), a reconnu le journaliste Truong Minh Duc coupable d’avoir « profité de la liberté démocratique pour nuire aux intérêts de l’Etat et des organisations sociales et citoyennes » en vertu de l’article 258 du code pénal de la République socialiste du Viêt-nam.
Par ailleurs, l’organisation déplore la décision de la justice de Hanoi de prolonger la détention provisoire de Nguyen Viet Chien, du journal Thanh Nien, et Nguyen Van Hai, du quotidien Tuoi Tre. Ils ont été arrêtés en mai 2008 pour avoir enquêté, fin 2005, sur une importante affaire de corruption de fonctionnaires.
L’organisation demande la libération de Truong Minh Duc ainsi que de Nguyen Viet Chien et Nguyen Van Hai. « Dans un cas, les autorités punissent d’une lourde peine de prison un journaliste et militant démocrate pour ses écrits sur la situation des paysans dans le Sud. Dans l’autre, elles maintiennent en détention deux reporters remarqués pour leurs enquêtes sur la corruption. Deux signes que la répression continue à l’encontre des milieux dissidents, mais aussi à l’encontre de ceux qui ouvrent de nouveaux espaces de libre d’expression dans le pays », a affirmé Reporters sans frontières.
L’avocat de Truong Minh Duc, Le Tran Luat, a confirmé que « ses écrits concernaient la situation des villageois, la corruption, le manque d’honnêteté de l’Etat et les contraintes imposées aux paysans de la province de Kien Giang. » L’avocat a également révélé que des aveux avaient été extorqués par la force à son client.
Journaliste indépendant, Truong Minh Duc collabore à diverses publications vietnamiennes, notamment Tien Phong ou Phap Luat, ainsi qu’à des journaux en ligne basés à l’étranger. En détention depuis mai 2007, il a eu un bras cassé et plusieurs autres complications de santé, en raison des mauvaises conditions de détention. Agé de 48 ans, il est également membre du mouvement démocratique Bloc 8406.