Khun Bua était une femme charmante, le genre de petite bourgeoise thaïe qui se tamponnait les yeux en permanence avec son mouchoir en dentelle pendant qu’elle me racontait son histoire. C’était ma première vraie cliente. J’avais fait plusieurs enquêtes sur les filles de bar pour des copains mais Khun Bua serait ma première cliente payante.

Elle avait lu ma seule et unique publicité dans un magazine pour touristes remis gratuitement dans les hôtels de Bangkok. J’étais surpris qu’une Thaïe me contacte parce que la pub était dirigée vers les touristes et les étrangers. Je pensais que les Thaïs préféraient traiter avec un détective thai. Mais tandis que Khun Bua me racontait son histoire alors que nous étions assis dans un ‘Kentucky Fried Chicken’ proche de chez elle, je compris pourquoi elle voulait un farang.

Elle avait un exemplaire du magazine avec elle. Pas celui avec ma pub, le sien datait au moins d’un an. Il était ouvert à une page avec un article sur une agence de mariage thaïe. Il y avait la photo d’un homme en habits ecclésiastiques qui procédait à une cérémonie de mariage entre un farang d’âge moyen et une jeune Thaïe.

Pendant que je lisais l’article Khun Bua reniflait et se tamponnait les yeux. Elle portait une petite croix en or autour du cou. C’est rare de trouver des Thaïs Chrétiens. La Thaïlande est un pays Bouddhiste et les Chrétiens représentent une faible minorité. L’homme sur la photo était le Révérend Marcus Armitage et il avait fondé l’Agence Chrétienne Canadienne-Thaïe de Rencontres dans le but de trouver des femmes pour les bons Chrétiens au Canada.

Entre deux reniflements Khun Bua m’expliqua qu’elle avait travaillé pour le magazine. Une de ses amies la femme d’un riche politicien avait été l’investisseur pour la société d’édition et Khun Bua avait été engagée pour faire la majorité du travail. Elle vendait des espaces publicitaires, écrivait la majorité des articles, faisait la liaison avec l’imprimeur et organisait les livraisons du magazine dans les hôtels de la ville. Khun Bua n’a jamais été marié et elle a travaillé durement toute sa vie, mettant toutes ses économies sur un compte épargne en prévision de sa retraite. Il n’y a pas de plan de retraite par le gouvernement en Thaïlande et c’est chacun pour soi. Les parents thaïs dans leurs vieux jours sont entretenus par leurs enfants mais Khun bua était seule au monde et il lui fallait prendre soin d’elle. Elle vivait de façon frugale, sauvant tous les Bahts qu’elle pouvait. Une fois qu’elle prendrait sa retraite, elle avait prévu de se construire une petite maison à Petchabun pour y passer le reste de sa vie à lire et à coudre. Le problème c’est que le Révérend Armitage avait contrecarré les plans de Khun Bua.

Armitage avait rencontré Khun Bua dans les bureaux du magazine. Il avait accepté d’acheter une demi-page pour une publicité en couleur et en échange, Khun Bua avait accepté d’écrire un éditorial, pour vanter les vertus de la nouvelle agence. Il avait été charmant et avait impressionné Khun Bua avec ses connaissances de la Bible, faisant souvent des citations importantes. Il l’avait emmenée diner, lui avait envoyé des fleurs quand l’article était sorti, il lui avait même offert une Bible reliée en cuir pour son anniversaire. Tandis qu’elle tamponnait ses yeux elle me dit qu’elle était tombée amoureuse de ce beau parleur canadien. Il n’y avait jamais rien eu de physique entre eux, ajouta-t-elle rapidement même pas un baiser sur la joue. C’était le gentleman parfait. Elle lui avait tout raconté, ses premières années difficiles dans une ferme Isaan, l’homme qu’elle avait aimé et qui était mort dans un accident de la route quand elle avait vingt et un ans et aussi le fait qu’elle mettait de l’argent de côté pour se construire sa maison.

Pendant un repas dans un grand restaurant de fruits de mer de Bangkok, le Révérend Armitage avait dévoilé à Khun Bua ses plans concernant une nouvelle affaire en Thaïlande. Son agence matrimoniale marchait bien disait-il mais ce qu’il voulait vraiment faire c’était de se lancer dans le business des fleurs. Il avait l’idée d’exporter des fleurs, surtout des orchidées pour mettre dans les églises au Canada pour les mariages et les funérailles. La seule chose qui l’en empêchait c’est que tout son capital était coincé dans l’agence matrimoniale et dans sa maison sur la côte Ouest du Canada.

Si seulement il avait la chance de trouver un partenaire pour l’aider à lancer et faire tourner cette nouvelle affaire, avec ses contacts dans les congrégations au Canada, l’argent rentrerait à flots.

Khun bua mordit à l’hameçon. Elle offrit d’aider le Révérend Armitage dans sa nouvelle entreprise. Au début, il refusa prétextant qu’il ne voulait mettre en péril leur amitié à cause des affaires, mais Khun Bua insista. Elle avait confiance en l’homme de robe et il lui offrait la possibilité de se créer un bon pécule pour sa retraite. Le Révérend se laissa persuader que Khun Bua était la partenaire idéale et il alla avec elle à la banque où elle retira tout son plan d’épargne sur un chèque de caisse. Armitage lui donna un document qui avait l’air légal, qui stipulait qu’elle était partenaire dans la ‘Compagnie Chrétienne d’Orchidées Thaïe-Canadienne’ et qu’elle aurait cinquante pour cent des futurs bénéfices.

Bien entendu il n’y eut aucun bénéfice. Au début, il y eut les excuses. Beaucoup d’excuses. Il y avait des problèmes avec les autorisations, les visas, les fournisseurs. Puis son numéro de téléphone mobile fut déconnecté. Khun Bua se rendit aux bureaux de l’agence matrimoniale situé dans un vieil immeuble délabré d’Asoke. La seule employée présente était une jeune secrétaire qui n’avait pas reçu de salaire depuis deux mois. Aucun signe du Révérend Armitage.

A ce moment de son récit Khun Bua s’effondra en larmes. Les dineurs alentours commençaient à me regarder avec des yeux méchants, ils pensaient que j’étais celui qui rendait cette belle petite dame malheureuse. Je lui tapotais avec affection le dos et je lui dis que je ferai tout mon possible pour l’aider. Elle se moucha avec bruit et prit une grande respiration…

Je suis tellement embêtée, renifla-t-elle. Mais je n’ai plus rien maintenant. Cet homme, ce véritable démon m’a complètement dépossédée.

La secrétaire lui avait expliqué que le loyer était impayé et que l’électricité et le téléphone étaient sur le point d’être coupés. Elle avait l’adresse du domicile d’Armitage mais il ne répondait plus au téléphone. Khun Bua se rendit à l’appartement dans le Soi 39 et y trouva le propriétaire. Tous les objets personnels d’Armitage s’étaient envolés et il devait un mois de loyer.

Warren Olson et Stephen Leather

Extrait des Mémoires d’un détective privé à Bangkok.

un_prive_bangkokDurant les mois d’été, Thailande-fr.com publie les aventures d’un Privé à Bangkok, extraites des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” de Warren Olson et Stephen Leather.

Pendant plus de dix ans Warren Olson a parcouru les rues de la Bangkok. Parlant parfaitement le Thaï et le Khmer, il était capable d’aller là où les autres détectives n’osaient pas trainer. La plupart des histoires des “Mémoires d’un détective privé à Bangkok” sont donc des histoires vraies, basées sur les dossiers de Warren Olson. Pour protéger les innocents et les coupables, elles ont été arrangées par l’auteur de best-sellers Stephen Leather.

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Les mémoires d’un détective privé à Bangkok est édité en Thaïlande par Bamboo Sinfonia (Format : 19 x 13 cm , 306 pages) et est en vente sur Livres de Thailande

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