A deux pas des gratte-ciel rutilants de Sukumvit, 100 000 personnes vivent dans le bidonville de Klong Toei, un enchevêtrement de baraques en bois et de cabanes en tôle, confinées entre le port, les canaux et les lignes de chemin de fer, ou cachées sous les embranchements d’autoroutes. Ses habitants viennent de tout la Thaïlande en quête d’un travail, surtout des zones rurales où l’agriculture ne rapporte pas suffisamment pour faire vivre leur famille.
« Ici, les grands-mères sont les héroïnes de la communauté. Ce sont elles qui s’occupent des enfants, qui les éduquent. Beaucoup de parents ont des problèmes de santé, certains se droguent ou sont en prison »,
explique Khun Usanee. Ici, c’est la communauté de Klong Toei, un des plus grands bidonvilles de Thaïlande.
Dans l’enfer de la précarité
La réalité qui les attend est loin de leurs espérances. Pour ces ruraux déracinés, il reste très difficile de trouver un emploi. Beaucoup de familles tombent dans le trafic et la consommation de drogue – et avec elle son lot de démêlés avec la police, sans parler du sida. Et puis, il y a les incendies. Dans ces baraques exiguës, serrées les unes contre les autres, le feu démarre et se propage facilement.
« On entendait des voisins boire et chanter. Plus tard dans la nuit, 104 de nos maisons ont brûlé »,
témoigne une institutrice, qui a dû déménager dans le cagibi de stockage des ordinateurs de son école. Les autres se sont provisoirement installés chez des proches, ou squattent le rez-de-chaussée d’immeubles. Les incendies à Klong Toei sont fréquents : déjà deux cette année.
« Personne ne sait vraiment pourquoi, ajoute l’institutrice, perplexe, d’après la rumeur, le dernier incendie serait dû à une bougie allumé par une petite fille, qui aurait mis le feu dans une maison en bois. »
Vraie ou pas, l’histoire de la bougie soulève un problème plus profond. Les bidonvilles sont des installations illégales, sur des terrains appartenant aux autorités portuaires ou à de riches propriétaires.
Les tentatives d’éviction sont nombreuses
Une technique consiste à couper l’électricité d’un quartier, forçant les habitants à avoir recours aux bougies. Une main tendue Grâce à Joe Maier, un rayon d’espoir est apparu pour les habitants de Klong Toei.
En 1974, ce prêtre rédemptionniste a créé la Human Development Foundation, avec l’aide de sœur Maria Chantavarodom. La fondation vient en aide aux familles les plus pauvres, aux enfants et aux personnes atteintes du sida.
Dans le bureau, une croix de Jésus côtoie l’étagère des amulettes bouddhiques. 90 % des employés de la fondation sont des membres de la communauté, en grande majorité bouddhistes.
« J’avais prévu de travailler 2 ans à la fondation. Cela fait maintenant 15 ans, raconte Khun Usanee. C’est dommage, beaucoup de Thaïs ne veulent pas nous aider car ils croient que nous som- mes une association catholique. Pourtant, je n’ai jamais reçu d’incitation à me convertir. La fondation respecte totalement les religions de chacun, employés et bénéficiaires. »
Dans ses locaux de la fondation à Klong Toei, Khun Usanee et le reste de l‘équipe accueillent 80 à 90 malades par an. La seule condition d’admission est que la famille n’abandonne pas son malade, et qu’elle lui rende visite au moins une fois par semaine. Les patients sont envoyés par des hôpitaux dont ils ne peuvent payer la note, par des centres de détention ou d’autres ONG.
Sur le terrain, d’autres équipes mènent des actions d’éducation et de prévention du sida, et apprennent aux familles à accepter les malades.
« Il y a une très forte discrimination au sein de la communauté envers les malades du sida. Nous voulons expliquer aux familles les modes de contamination, et les inciter à veiller sur leurs proches plutôt que de les abandonner »,
explique Khun Usanee, directrice générale. Dans le même bâtiment, la Mother and Children’s Home accueille environ 40 femmes abandonnées ainsi que leurs bébés de moins de deux ans. Un peu plus loin, l’école et les dortoirs des enfants, dont les murs sont couverts de coloriages gais, de vœux et de messages d’amour.
Ils sont 200 filles et garçons de 3 à 18 ans, dont 140 sont atteints du Sida
Certains sont orphelins, d’autres vivent dans la rue, d’autres encore ont été battus ou abusés sexuellement. L’objectif est de les sortir de la rue, de les loger, de les nourrir, et de leur offrir une éducation à laquelle ils n’ont plus droit car ils sont trop âgés pour le système public. Au total, la fondation a créé 30 jardins d’enfants qui accueillent plus de 4 000 gamins défavorisés des bidonvilles de Bangkok. Klong Toei n’est qu’une communauté parmi les 30 que soutient la fondation.
Pour continuer à soutenir les oubliés de Klong Toei et des autres bidonvilles, la fondation a besoin d’aide, sous forme de dons. Elle recherche également des volontaires pour enseigner l’anglais, la danse, la musique, le karaté, la charpenterie, etc.
La seule condition est de s’engager à venir régulièrement. The Human Development Foundation, T 02 671 5313, F 02 671 7028, [email protected], www.mercycentre.org.
Thanutvorn Jaturongkavanich, Eléonore Devillers et Stéphane Ledoux
Cet article a été rédigé à partir d’extraits de « Thaïlande – The Natural Guide », guide pour voyager autrement en Thaïlande, publié sous la direction d’Eléonore Devillers.
Disponible en librairies, sur viatao.com ainsi que sur amazon.fr: Thaïlande, Natural Guide