Koh Chang la victoire perdue, est un roman avec comme toile de fond historique la guerre franco-thaïlandaise (1940-1941) et la bataille navale de Koh Chang. Au début de la guerre, le Japon qui lorgne sur les colonies françaises en Indochine, souhaite profiter de la défaite française de 1940, pour pouvoir réaliser ses rêves expansionnistes avec l’appui de son allié siamois.
Le Siam, qui deviendra la Thaïlande en 1939 sous l’influence du général Phibun, premier ministre, et qui cumule les postes de ministre de la défense, des affaires étrangères et de chef de l’armée, traverse alors une période ultra nationaliste sous l’influence du Japon. Phibun noue des alliances avec le gouvernement japonais et popularise des thèses affirmant la supériorité de la « race Thaï ,» ainsi que des campagnes contre l’importante minorité chinoise de Bangkok et les autres minorités ethniques. L’armée devient aussi un foyer d’industrialisation.
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Dès la fin de 1940, la Thailande, qui revendique la souveraineté sur les territoires français situés à l’est du Mékong, masse ses troupes aux frontières du Cambodge, et commence une série d’incursions sur le territoire du Protectorat français. Fin 1940, le France est affaiblie par sa défaite contre l’Allemagne, et la Thaïlande profite de cet affaiblissement pour attaquer l’Indochine française. Le but était de récupérer les territoires perdus situés au Laos et au Cambodge, pris par la France entre 1893 et 1907.
Le 16 janvier 1941, la France lance une large contre-offensive terrestre sur les villages thaïlandais de Yang Dang Khum et de Phum Préav, où se déroulent de féroces combats. Alors que la situation à terre est critique pour la France, le gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Jean Decoux, donne l’autorisation à l’amiral Jules Terraux, commandant la Marine nationale en Indochine, d’exécuter une opération contre la Marine thaïlandaise.
À l’issue du combat qui dure un peu moins de deux heures, le bilan est lourd côté thaïlandais. Une bonne partie de la flotte de guerre thaïlandaise moderne est détruite. 36 hommes sont morts sur les navires détruits du côté thaïlandais. Plusieurs officiers japonais présents à bord des bâtiments siamois périssent dans l’affrontement. La flotte française est intacte.
Présentation de l’éditeur
La Thaïlande, pays calme à la population aimable et docile, engagée dans une modernisation à outrance et à qui l’imitation naïve des fascismes en vogue donne des ailes. La « Colonie », ce territoire où la France n’est pas chez elle mais qui est la France, une France d’Asie, lointaine et isolée, qui se nomme encore l’Indochine et n’obéit plus qu’à ses propres règles, palliant son manque de moyens par l’étalage d’un faste comme jamais auparavant l’occasion ne lui en avait été donnée.
La compétition a-t-elle un sens sous ces cieux écrasés par la chaleur, quand le vieux monde s’écroule sous les coups de boutoir conjugués de l’ordre nouveau hitlérien et du nouvel ordre américain ? Sous le regard intéressé du prédateur japonais en embuscade ?
Une guerre incongrue dans un conflit qui les dépasse. Alors qu’importe qu’une excroissance tropicale improbable ait offert à la Mère patrie sa seule victoire navale flotte contre flotte des deux guerres mondiales réunies. Ses artisans resteront toujours des pestiférés, aucun navire battant pavillon tricolore ne portera jamais fièrement sur ses flancs le nom de Koh Chang.
Dans une époque où les passions ambiguës, flamboyantes dans leur déraison, s’exacerbent, s’exonérant enfin des contraintes communes, la fantaisie et l’excès ne sont-ils pas les derniers repères, l’apogée voluptueux de l’illusion ?
Luxe, opium, sexe, domination. Le destin croisé d’un officier de marine français et de son frère d’adoption thaïlandais quand tous les repères s’inversent.
Extraits
Belle victoire navale que celle de Koh Chang. Mais qui ne sera jamais célébrée, fêtée, […] Aucun navire français ne portera jamais sur ses flancs les noms de Bérenger, de Decoux, ou de cette île où vous avez triomphé. Pour les nouveaux maîtres de l’Histoire, vous êtes condamnés à l’oubli, salis de la tache indélébile du pétainisme. La Thaïlande peut continuer de commémorer fièrement son succès. Personne n’ira lui en contester la paternité. C’était une guerre pour rien, […] une bataille inutile. Une victoire perdue.
— Allonge-toi.
Laurent s’exécuta. Il entendit Anucha craquer une allumette à ses côtés. La faible lueur d’une lampe à huile auréola le jeune homme qui s’affairait déjà sur un plateau. Agenouillé, Anucha vérifiait le bambou de la pipe. Il malaxa longuement une boulette d’opium contre le verre chaud de la lampe avant de la coller sur le fourneau.
— Tiens.
La première aspiration lui racla la gorge et le fit violemment tousser. […] l’émanation bienfaisante s’immisça dans tout son corps, imbiba tous ses pores. Ses bras, ses jambes flottaient sous l’effet apaisant du massage de son frère. Sa fournée achevée, il en prit une seconde, puis une autre. Bientôt Anucha ne fut plus qu’un elfe, un page intemporel. Il savait sa présence mais ne pouvait plus le voir. […] […] Que crois-tu donc ? Que la vieille Europe aurait pu durer encore des années comme ça ? Avec ses colonies, ses marchés protégés, ses bons indigènes reconnaissants qui produisaient pour rien les matières premières dont elle avait besoin. Tu crois que la France dopée au pastis et aux ritournelles de Maurice Chevalier en avait encore pour longtemps dans l’ère moderne ? Non, Laurent, ce monde-là, en 40, il était déjà mort. Si l’Axe avait gagné, tes Viets qui brandissent maintenant leur chiffon rouge, ils auraient défilé au pas de l’oie. C’est du pareil au même.
L’auteur :
Né en 1960 à Paris, Éric Miné, après des études à Sciences-Po, exercera dans la capitale des professions de commerce et y dirigera des entreprises de communication.
A l’occasion d’un voyage au Laos, au tout début des années 90, il découvre l’Extrême-Orient et, séduit par une liberté et une simplicité naturelle des rapports humains qu’il ne trouve plus en Occident, il décide de s’y installer. Constatant alors une curieuse alchimie entre ces peuples lointains et l’âme française – une fusion intime qui semble résister aux épreuves de l’Histoire –, il nous en révèle aujourd’hui les ingrédients en illustrant par la voie romanesque cette Asie toujours au cœur d’une passion française.
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2 comments
Koh Chang ,le livre je confirme ,bon livre interessant Piqu-Hardi a dit tout ce qu il y avait a dire .merci
Une Thaïlande méconnue et une victoire très partagée.
Très intéressant rappel d’une victoire navale française pourtant bien peu honorée par la puissance intéressée.
Ayant lu avec beaucoup de plaisir « Koh Chang la victoire perdue », ce n’est d’ailleurs pas, pour un passionné d’Histoire, le seul point fort de l’ouvrage.
Sans parler de sa trame romanesque ni des bonnes descriptions de l’Indochine coloniale de son apogée à sa chute, le livre d’Éric Miné présente, à mes yeux, l’immense intérêt de nous éclairer sur l’Histoire moderne de la Thaïlande, sujet peu traité, à ma connaissance, en langue française.
La fascination des dirigeants thaïs d’alors pour les régimes autoritaires en vogue – en particulier celui de Mussolini – ainsi que la compétition qu’ils entendent livrer au tout-puissant Japon pour apparaître comme le premier pays de la région à s’être « rénové » et « modernisé » y sont plutôt traitées avec humour et même avec une certaine sympathie par l’auteur qui ne tombe pas dans les poncifs habituels concernant ces sujets.
Ainsi l’évocation des « Yuvachons », ces jeunes que le colonel Prayoun – « métis d’Allemand » (!) – s’essaie à former sur le modèle des Jeunesses hitlériennes, mais qui galopent en riant sans chaussures sur les bords des chaussées, nous rappelle que les Thaïs ne sont pas franchement germaniques dans leur manière d’être. De même, la course à l’occidentalisation et l’obsession du nouveau régime pour les chapeaux est très drôle : « Aux yeux des étrangers, nous récolterons les éloges ; on dira de nous que nous sommes la première nation du monde populaire pour le port convenable des coiffures, et aucun autre pays ne pourra plus se mesurer avec nous. » (Communiqué de la Présidence du Conseil de Thaïlande).
Votre article rappelle aussi avec raison les campagnes contre la minorité chinoise de Bangkok. Dans le livre, les contradictions de cette politique sont là aussi notées de façon humoristique : « Et puis ces Chinois […] sont aussi un rappel tenace et voyant des origines mêlées de quelques-uns de nos fiers généraux, propagandistes de la pureté de la race thaïe. Notre idéologue, chantre de la nouvelle culture thaïe et ministre d’État Luang Vichitr – lui-même à moitié Chinois par son père –, les a qualifiés de Juifs de l’Extrême-Orient. Ça fait désordre, tous ces Chinois-Juifs au sein de notre grande nation moderne ! »
Beaucoup de détails très intéressants eux aussi sur la vie à Bangkok en 1940, sur la présence et le rôle des Britanniques, etc. Une découverte aussi : la pétition des Français résidant à Bangkok en faveur des revendications thaïlandaises. Apparemment, le soutien national aux colonies était déjà ébranlé par les bouleversements en cours. C’était de même la manifestation, je pense, de l’ancienne et profonde amitié franco-thaïlandaise qui résiste aux circonstances les plus difficiles quelle que soit l’époque. L’auteur indique aussi fort justement qu’en dépit des apparences le maréchal Pibun était un francophile (et francophone) convaincu.
Enfin, pour en revenir au thème central, le conflit avec la Thaïlande et cette « victoire perdue » de Koh Chang, il faut bien reconnaître que les gouvernements qui se sont succédés en France depuis la Libération ont grandement contribué à la tenir ignorée, voire soigneusement cachée, comme s’il s’agissait d’une tâche honteuse sur le drapeau. Après tout, on peut dès lors penser comme Éric Miné que la Thaïlande n’a pas tout à fait tort quand elle célèbre toujours aujourd’hui « sa » victoire.
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