Rien n’a changé en Birmanie : l’effervescence médiatique est retombée, laissant place à un silence embarrassé. Mais pendant ce temps la répression continue, en silence aussi.
Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, est toujours otage de la junte ; l’Alliance des moines, poussée à la clandestinité par la répression féroce, fait savoir qu’elle continue de boycotter le régime militaire et demande aux novices d’éviter de se présenter aux examens de fin d’études organisés par les autorités officielles.
La chasse aux activistes, opposants, journalistes, moines et civils se poursuit, les arrestations aussi, tout comme les tortures et les mauvais traitements en détention, de même que les perquisitions dans les monastères opérées par les nervis à la solde de la junte. C’est dire que rien n’est calme malgré les apparences. A la surprise généralisée devant la soudaine apparition de longues cohortes de moines défilant en silence en guise de protestation contre l’incurie de la junte a succédé une brève effervescence médiatique, puis diplomatique, puis… rien.
L’émissaire spécial de l’ONU a fait quelques navettes, le rapporteur du Conseil des droits de l’homme interdit de séjour depuis 2003 a été ‘autorisé’ à se rendre sur place, l’ONU a adopté des résolutions aussi consensuelles qu’inefficaces, l’opinion s’est (à juste titre !) indignée. Et après ? Après quelques poignées de poudre aux yeux, la camarilla au pouvoir dit ‘ouf’, l’alerte a passé, tout rentre dans la normale … à la birmane ?
L’ASEAN a refusé lors de son récent sommet à Singapour d’entendre l’envoyé de l’ONU, qui a été (poliment ?) éconduit par les premiers ministres chinois et indien venus en observateurs. C’est dire le rôle de voisins prétendument influents, plus soucieux de se préserver des ‘interférences extérieures’ que de la défense des droits de l’homme. C’est sans doute pourquoi [Bernard Kouchner] notre toujours fringant ministre des affaires étrangères [français] assène à sa sous-secrétaire chargée des droits de l’homme qu’aujourd’hui à ce propos, « la Birmanie est plus importante que la Chine », comme si Pékin avait quelque influence sur des centurions qui ne font que suivre le sinistre exemple de Tien An’men.
Curieuse interprétation de ces droits ‘indivisibles, universels et interdépendants’ selon la Charte de l’ONU, tandis que le président Sarkozy n’hésite pas à quémander auprès du président chinois Hu Jintao – que d’aucuns appellent ‘le boucher de Lhassa’ en raison de la répression des protestations tibétaines en 1987/1988 – une intervention auprès de la junte birmane pour l’octroi d’un visa à Bernard Kouchner et une délégation parlementaire afin d’enquêter sur place… On croit rêver, alors que pour les populations de Birmanie avides de démocratie et de liberté, le cauchemar continue en un bégaiement pervers de l’histoire : sur place, il arrive qu’à demi-mots, un interlocuteur de rencontre vous signale que ce qui se passe aujourd’hui sur cette terre naguère riche et prospère, George Orwell l’avait décrit d’une plume visionnaire dans son roman « 1984 ».
Et comme si de rien n’était, joailliers et courtiers en bijouterie asiatiques se pressent à l’emporium de Rangoun où se vendent périodiquement au plus offrant les plus belles pierres précieuses et le superbe jade de Birmanie dont les Chinois sont si friands, les grandes entreprises mondialisées s’activent à leurs juteuses affaires et les gouvernements dis démocratiques étalent leur impuissance face à l’alliance bien huilée des dictatures de tout poil. Reste à se battre avec les moyens du bord pour empêcher la chape de plomb de retomber sur la Birmanie et sur tous ceux qui se battent à mains nues contre la dictature et d’arrêter de se plier au dictat des maîtres actuels de Pékin : notre propre liberté est à ce prix.
Claude B. Levenson, auteur de « Aung San Suu Kyi, demain la Birmanie »
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Il y a quelque temps, j’écrivais pour le site Karuna un Edito intitulé
« La révolte des moines a t’elle changé la situation en BIRMANIE ? »
Nous avons, hélas la même vision des choses.
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