Le Triangle d’Or, une région autrefois tristement célèbre pour être l’un des plus grands producteurs d’opium et d’héroïne au monde, a connu des transformations significatives au fil des années.
Si en 2024 les autorités thaïlandaises, en collaboration avec l’UNODC. ont pu saisir des quantités importantes d’opium produite dans le Triangle d’Or, ce sont maintenant la méthamphétamine et le les escroqueries en ligne qui alimentent les mafias locales.
Histoire d’une région troublée
Le Triangle d’Or, situé à la confluence de la Thaïlande, du Laos et de la Birmanie, a longtemps été associé au commerce illégal de drogues, alimentant des conflits et des économies souterraines.

Cette zone est graduellement devenue l’épicentre de la production mondiale d’opium à partir des années 50, quand suite à leur défaite dans la guerre civile chinoise de 1949, les forces armées du Kuomintang se réfugient dans le nord du Myanmar. Ils y installent alors de nombreuses bases secrètes afin d’organiser une reconquête de la Chine, devenue communiste.
Ces groupes se servent du commerce d’opium pour financer leur armement et organiser la reconquête de la Chine communiste, forçant les fermiers locaux à augmenter fortement leur production pour satisfaire leurs besoins.
Ces événements donnent progressivement vie à un vaste commerce transnational de substances illicites, pendant que la forte instabilité de la région le rend un terreau pour le crime organisé.
L’anarchie générale dans le Triangle d’Or en a fait un centre pour toutes sortes d’activités illégales, telles que le trafic de personnes, le commerce d’animaux sauvages, l’exploitation des terres rares et le trafic d’antiquités. Des armes, sont aussi produites et vendues à des rebelles et criminels en Asie du Sud-Est et en Asie du Sud.
Zhao Wei : l’architecte d’un empire criminel
Un homme en particulier a su s’imposer dans cet environnement.
Zhao Wei, homme d’affaires chinois contre lequel le US Department of Treasury a émis des sanctions en 2018, contrôle aujourd’hui une vaste zone du Triangle d’Or.
Il construit progressivement sa fortune en investissant dans les activités de jeux d’hasard et établit des liens avec les groupes armés rebelles en Birmanie.
En 2005 il est invité par le gouvernement laotien à investir dans la région du Bokeo, située au nord du pays et peu après le Kings Romans Casino – dont il est le propriétaire – se voit accorder un contrat de 99 ans afin de créer une Zone Économique Spéciale et le rendre une destination attractive.
Les seules monnaies acceptées sont le Yuan et le Baht et la police nationale et d’autres autorités doivent obtenir une autorisation pour accéder à la zone. La sécurité y est assurée par un “bureau de sécurité publique”, une force policière privée.
De nombreuses victimes, contraintes à la servitude, sont forcées de commettre des escroqueries pour alimenter les réseaux criminels, subissant des violences terrifiantes, et ceux qui ne se plient pas aux exigences de leurs patrons risquent d’y laisser la vie.
L’innovation au cœur de la criminalité
Bien que les efforts des autorités témoignent d’une avancée importante face à ces problématiques, aujourd’hui la méthamphétamine prend la place de l’héroïne comme source de revenu principal de ce business d’une valeur de $71 billion (2.2 trillion baht) de dollars.
Ces facteurs mettent particulièrement à dure épreuve le Royaume, qui connaît une augmentation significative de l’utilisation de drogues, avec 80 % de sa population carcérale possédant des charges liées aux méthamphétamines.

Dans ce contexte, les malfaiteurs se sont également professionnalisés et ont intégré de nouvelles technologies, telles que l’IA générative, les deepfakes et malware dans leurs opérations. Ces instruments innovants sont utilisés afin de faciliter un grand nombre d’opérations.
Casinos et cryptos au service du crime organisé
La mise en place d’un système bancaire souterrain complexe, centré sur les casinos et les cryptomonnaies, constitue une étape majeure de ces activités criminelles, leur permettant d’accroître considérablement leurs profits.
Les casinos servent non seulement de lieux de divertissement, mais aussi de façades pour des opérations illégales. Ils attirent des investisseurs et des clients de l’étranger, tout en dissimulant des activités telles que le blanchiment d’argent et le trafic de drogues. De plus, la popularité croissante des crypto-monnaies offre aux criminels un moyen de transaction difficile à tracer, rendant encore plus floue la frontière entre l’économie illicite et légale.

Cette configuration complique considérablement la capacité des gouvernements à agir efficacement. Les autorités se retrouvent souvent dépassées, peinant à suivre l’évolution rapide des méthodes utilisées par les criminels.
Corruption et complicité
La corruption est largement répandue au sein des forces de l’ordre au Myanmar, en Thaïlande et au Laos — et c’est précisément avec ces entités locales que les autorités internationales et les agences des Nations Unies doivent coopérer.
Par conséquent, la complicité officielle dans le commerce de la drogue est rarement mentionnée dans les rapports élaborés par les agences d’application de la loi étrangères et jamais par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC).
Des rapports révèlent également une industrie florissante de trafic d’animaux en danger qui alimentent un marché des viandes ‘exotiques’ où l’on peut trouver des espèces comme le tigre, le pangolin, le jeune ours et le python.
La situation dans le Triangle d’Or est le reflet d’un défi mondial complexe, où la criminalité organisée, la corruption et l’instabilité géopolitique s’entrelacent. Alors que les autorités tentent de contrer ces fléaux, l’émergence de nouvelles technologies et le renforcement des réseaux criminels compliquent encore davantage les efforts de lutte contre la drogue et le trafic humain.
L’impact sur les populations locales est dévastateur, alimentant un cycle de violence et de dépendance. Pour une véritable avancée, une coopération internationale renforcée et des réformes structurelles sont essentielles pour démanteler ces réseaux et protéger les plus vulnérables.