On peut penser ce que l’on veut de Thaksin Shinawatra, escroc patenté (lunettes jaunes)  ou bienfaiteur de l’humanité (lunettes rouges), mais il faut lui reconnaître une véritable qualité sous la forme d’une résilience assez exceptionnelle, doublé d’un don d’ubiquité que doivent lui envier pas mal de politiciens.

Déposé par un coup d’Etat militaire, condamné à de la prison ferme et donc interdit de séjour dans son propre pays (à moins de tester le confort des prisons thaïlandaises pendant deux ans) : à sa place, bon nombre de politiciens auraient simplement laissé tomber, où mis suffisamment d’eau dans  leur vin pour préparer une retraite discrète et sans faire de vagues, sur le mode du compromis.

Mais Thaksin appartient à cette catégorie singulière d’hommes politiques qui résistent à toutes les avanies et contradictions.

Thaksin pense, le Peua Thai fait, affiche électorale 2011
Thaksin pense, le Peua Thai fait (Thaksin Kid, Puea Thai tam) cette affiche de de campagne de Yingluck Shinawatra explique peut être le vote récent de la loi d’amnistie.

Ses nombreux avatars (Chemises Rouges, beau-frère Premier ministre, sœur et clone adoubé par le « big brother »  devenue Première ministre) peuvent en même temps appeler au meurtre, à foutre le feu à la capitale, et à la réconciliation nationale : rien n’y fait, sa popularité reste inchangée.

Si Thaksin était candidat aux élections demain en Thaïlande, il serait probablement élu Premier Ministre sans avoir besoin de faire campagne : son nom et sa photo sur les affiches seraient largement suffisants.

Thaksin « klap baan », mais à quel prix ?

Quoiqu’il en soit, Thaksin a déjà remporté une première victoire en réussissant à faire admettre que son amnistie et son retour en Thaïlande ne sont désormais qu’une question de temps. La question n’est plus de savoir si Thaksin reviendra un jour en Thaïlande, mais quand et surtout à quel prix.

La réponse ne va pas de soi, et pas seulement  pour ses adversaires : même dans les rangs de ses plus fervents défenseurs, nombres de « Chemises Rouges » se sentent trahis par la loi d’amnistie générale qui blanchit tous les hommes politiques, militaires et dirigeants , y compris les responsables des événements du printemps 2010.

Une disposition très controversée qui ne figurait pas dans le premier  projet.

Une des principales revendications des Chemises Rouges a toujours été d’obtenir justice et réparation pour les victimes de la répression de mai 2010  par l’armée sur les manifestants de l’UDD qui occupaient le centre de Bangkok. Ce fut aussi un des thèmes récurrents de la campagne électorale de Yingluck Shinawatra.

Indigestion de couleuvres pour les Chemises Rouges

Mais apparemment nécessité fait loi, et le blanchiment de « big boss » passe avant la mémoire des victimes, et les députés du PheuThai se sont comportés en grognards disciplinés, sans craindre l’indigestion de  chapeaux et de couleuvres.

« Le Pheu Thai s’assoit sur les corps des chemises rouges pour que Thaksin puisse revenir à la maison», résume Pavin Chachavalpongpun, professeur agrégé au Centre de l’Université de Kyoto pour les Southeast Asian Studies. « Je ne pense pas que ce soit une décision de dernière minute», ajoute  Pavin, « Je pense que tout a été bien calculé dès le départ », dans un article publié par le Time.

Alors au milieu de cet océan de retournements de vestes,  en voici un en forme de boutade : bienvenue au pays des hommes  libres Thaksin, viens boire un coup à la maison.