Le Premier ministre thaïlandais Prayuth Chan-ocha s’en est pris violemment aux journalistes, disant qu’il « exécuterait probablement » ceux qui n’ont pas « rendu compte de la vérité ».
Le mois dernier le général Prayuth avait déclaré qu’il avait le pouvoir de faire arrêter les médias. Cette semaine, il a adopté une ligne encore plus dure à l’encontre de la presse.

La liberté de la presse de plus en plus menacée

«Nous allons probablement juste les exécuter»,

a dit Prayuth, sans la trace d’un sourire, à la question posée par des journalistes pour savoir comment le gouvernement traiterait ceux qui n’adhèrent pas à la ligne officielle.

«Vous n’êtes pas obligé de soutenir le gouvernement, mais vous devez rendre compte de la vérité»,

a déclaré le chef de la junte militaire, instant sur le fait que les journalistes doivent écrire de façon à soutenir la réconciliation nationale dans le royaume.

Prayuth avait apparemment été contrarié par un reportage de l’Associated Press sur l’utilisation d’esclaves dans le vaste secteur de la pêche en Thaïlande.

Prayuth, Premier ministre, est à la tête de la junte dirigeante depuis le coup d’état du 22 mai 2014. Il a renversé le gouvernement de la Première ministre Yingluck Shinawatra en mai dernier, après des mois de protestations visant à évincer cette dernière.

La Thaïlande toujours soumise à la loi martiale

Connu pour ses manières brusques et son impulsivité, Prayuth a déclaré que le pays n’est pas prêt à supprimer la loi martiale qui donne les pleins pouvoirs à l’armée, y compris en matière d’arrestation et de détention.

En janvier, la junte avait forcé une fondation allemande à abandonner un forum sur la liberté de la presse disant que la Thaïlande était à un tournant sensible. Depuis la prise du pouvoir en mai 2014, la junte applique la loi martiale, qui interdit notamment toutes les réunions politiques.

Prayuth était particulièrement critique envers le quotidien thaï « Matichon », accusant le journal de se rallier à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et ses alliés.

Les échanges conflictuels sont fréquents entre le Général Prayuth et la presse, mais il semble avoir franchi une étape supplémentaire en faisant cette déclaration.

La Fédération Internationale des Journalistes (IFJ) et le syndicat national des journalistes de Thaïlande (NUJT) ont déploré ces commentaires, soulignant que cette nouvelle sortie verbale du chef de la junte illustrait le déclin continuel de la liberté de la presse en Thaïlande sur les 12 derniers mois.

Une mainmise sur le pouvoir qui pourrait s’éterniser

Prayuth a également menacé de rester au pouvoir « pour longtemps », si ses détracteurs ne cessent de le critiquer.

« Pourquoi tout ce bazar au sujet des élections?« , a-t-il lancé devant la presse. S’il n’y a pas d’élection, « est-ce qu’on va en mourir? », a ajouté cet adepte des déclarations à l’emporte-pièce, visiblement énervé.

 «Si la situation ne change pas, je peux vous dire que je vais être au pouvoir pour longtemps (…) Je ne suis pas découragé, mais je suis de plus en plus en colère»,

a-t-il encore dit.

Le général Prayut Chan-O-Cha, a promis d’organiser des élections fin 2015- début 2016 et de rendre le pouvoir à un gouvernement civil.

Aucun signe concret de retour à la démocratie

Mais aucun signe tangible d’organisation d’élections n’est en vue à ce jour, quasiment un an après la prise de pouvoir par les militaires.

«Notre pays a connu trop de problèmes parce que nous avons eu trop de démocratie, contrairement à d’autres pays où le gouvernement a plus de pouvoir pour restreindre les libertés»,

a aussi déclaré le général Prayuth

Le but des militaires semble pour le moment être surtout d’empêcher par tous les moyens les ex-premiers ministres Thaksin et Yingluck Shinawatra de revenir au pouvoir, selon les analystes.

Les partis des Shinawatra ont en effet remporté toutes les élections nationales depuis 2001, y compris après le coup d’État de 2006.

Mais la colère est perceptible, notamment sur les réseaux sociaux, où se multiplient les moqueries contre le chef de la junte.

Les militaires avaient aussi justifié leur putsch par la nécessaire défense de la monarchie, dans un contexte d’inquiétude quant à la succession royale. Le roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, âgé de 87 ans, est hospitalisé depuis des mois.