Corruption, politique et sorcellerie: la série « Nua Mek » avait tout pour plaire au public thaïlandais, et sa déprogrammation abrupte par la chaîne Channel 3 n’a pour l’instant fait l’objet d’aucune explication.
La chaîne de télévision thaï Channel 3 a soudainement annulé la diffusion de sa série politique Nua Mek provoquant la colère de milliers de téléspectateurs thaïlandais et des interrogations sur de possibles pressions du gouvernement.
Ce téléfilm lancé le 14 décembre dernier raconte l’histoire d’un premier ministre thaï et de son député corrompu, impliqués tous les deux dans des histoires de politique et de magie. Ce week end, les deux derniers épisodes de la série devaient être diffusés et étaient très attendu par les fans.
Un contenu inapproprié ?
Mais vendredi Channel 3 a annoncé que Nua Mek 2 avait été annulé pour « contenu non approprié à la diffusion ». L’épisode en question à propos d’un premier ministre fictif contrôlé par un sorcier maléfique avait troublé le public. En effet, le personnage aurait montré un peu trop de points communs avec Thaksin Shinawatra, le frère de l’actuel premier ministre Yingluck Shinawatra. Tout comme le héros corrompu de la série de Channel 3, l’ancien premier ministre en exil, Thaksin Shinawatra a fait fortune dans une entreprise de satellite et de télécommunication.
Thaksin Shinwatra a par la suite été accusé de corruption et de fraude fiscale lorsqu’il était premier ministre et qu’il a vendu sa société ShinSat au fonds d’investissement Temasek de Singapour. Thaksin est également connu pour être très superstitieux et faire appel souvent aux cartomanciens tout comme le personnage du téléfilm. Un peu trop de coïncidences pour certains téléspectateurs, d’autant plus que la condamnation et l’exil de l’ex premier ministre restent des sujets hautement polémiques dans le royaume.
L’opposition dirigée par le Parti Démocrate soupçonne le gouvernement d’avoir fait pression sur Channel 3 pour l’annulation du show. La NBC (National Broadcasting Commission) a donc annoncé l’ouverture d’une enquête.
Un parfum de censure
Ce ne serait pas la première fois que le gouvernement thaïlandais censurerait un média. Notamment durant le gouvernement de Thaksin, les médias ont beaucoup souffert de restrictions, manipulations, et contrôle des informations politiques (la télévision étant le média le plus populaire en Thaïlande). La liberté d’expression est pourtant garantie par la Constitution de Thaïlande de 1997 et 2007. Mais dans les émissions de télévision, les scènes de nudité ou montrant la consommation d’alcool, de drogues, ou d’armes sont souvent censurées, et la critique de la famille royale dans n’importe quel média est totalement interdite.
Récemment une nouvelle loi a considérablement élargi les possibilités de censure dans les médias. L’article 37 de la loi de contrôle des télécommunications de 2008 interdit les «programmes qui cherchent à renverser la monarchie constitutionnelle, renverser la démocratie, menacent la sécurité nationale ou à la moralité, constituent un blasphème ou nuisent à la santé physique ou mentale des personnes. »
Pour exprimer son mécontentement, un groupe de hackers est entré dans le site de Channel 3 et a posté la question « Where’s my Nua Mek ? » pendant environs 15 minutes dimanche soir, rapporte le journal The Nation. Selon une enquête du groupe de sondage Bansomdej Poll, 96 % des 1511 personnes sondées ne sont pas d’accord avec la décision de Channel 3, et 77 % d’entre eux pensent que le gouvernement a un rôle à jouer dans l’arrêt de la série. Espérons que les fans frustrés de Nua Mek 2 puissent un jour voir leur tout dernier épisode.