Le conflit qui déchire la zone frontalière de la Thaïlande et du Cambodge autour de l’ancien temple de Preah Vihear, apparaît non seulement comme un retour à une époque révolue, mais aussi comme une assez triste exploitation politique de la fibre nationaliste thaïlandaise.
Depuis l’époque d’Ayutthaya et d’Angkor, les deux royaumes se sont battus sur leur frontière commune. Plus récemment, la région a aussi été l’un des repaires des deniers Khmers rouges.
Mais cette fois, les deux pays sont, au moins sur le papier, des démocraties et en tant que membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, sont signataires de son Traité d’amitié et de coopération. Pourtant, les deux gouvernements ont succombé à la tentation populiste des bruits de bottes, en faisant de la défense de quelques arpents de jungle un enjeu politique.
Le Cambodge pour faire oublier les chemises rouges ?
Abhisit Vejjajiva, le Premier Ministre thaïlandais, a déclaré qu’il ne finirait pas son mandat et que les élections en vue d’élire un nouveau gouvernement, seront organisées pendant la première moitié de 2011. Des élections nationales auront donc probablement lieu en Thailande dans les six prochains mois, ce qui rend la situation encore plus versatile.
La tentation est grande pour le gouvernement d’exploiter les incidents avec le Cambodge pour faire passer au deuxième plan les divisions internes du de la Thailande.
La politique intérieure thaïlandaise demeure dangereusement polarisé après les manifestations antigouvernementales qui ont fait 90 morts dans Bangkok au printemps dernier, et personne ne veut être accusé de manquer de défendre la souveraineté thaïlandaise.
En attendant, chacun des belligérants peut présenter des arguments valables car si en 1962, la Cour internationale de Justice a clairement statué que le temple, appartient de plein droit au Cambodge, elle n’a pas porté de jugement sur le territoire qui l’entoure.
Un enjeu de politique intérieure
L’enjeu du conflit est de toute façon au delà du territoire, la fierté nationale et l’ambition d’hommes politiques. Comme Pavin Chachavalpongpun l’écrit dans le Wall Street Journal, les groupes d’opposition thaïlandaise ne font qu’attiser le conflit dans leur propre intérêt.
En apparence, les combats qui font rage aujourd’hui entre la Thaïlande et le Cambodge semblent découler d’un conflit entre les deux pays. Mais, lorsqu’on creuse un peu, on s’aperçoit qu’ils résultent d’une lutte de pouvoir sur la scène politique intérieure thaïlandaise, plus précisément entre le gouvernement démocrate et l’Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) ( « chemises jaunes »).(1)
La Thaïlande en particulier, a beaucoup à gagner en arrivant a résoudre le conflit avec le Cambodge rapidement, tant pour sa propre politique intérieure que pour son rayonnement international, déjà sérieusement malmené par les émeutes du printemps dernier.
Le conflit fait aussi ressortir un problème plus grave: le Premier ministre thaïlandais Abhisit Vejjajiva semble avoir peu de contrôle sur l’armée thaïlandaise, qui est largement responsable de son arrivée au pouvoir. Les militaires agissent le long de la frontière sans en informer le Premier ministre ou bien après les faits.
estime Joshua Kurlantzick
Au niveau régional, une guerre entre deux membres de l’ASEAN risque d’entacher la réputation de tous les membres. Les combats ont ému les autres membres de l’ASEAN, et constituent un premier test de l’un des ses principaux objectifs de l’organisation: maintenir la stabilité et la paix dans la région. Le Vietnam, et la Chine ont appelé plusieurs fois les deux pays a un retour au calme et a la négociation.
(1) Extraits d’un article paru dans le Wall Street Journal du 9 fevrier 2011, par Pavin Chachavalpongpun du Singapore’s Institute of Southeast Asian Studies.