La crise économique mondiale atteint la Thaïlande, provoquant une diminution du PIB et des exportations, et un recul des investissements. Mais le royaume souffre en plus d’une instabilité politique chronique depuis deux ans, qui complique un peu plus la tâche des entreprises.
En ouverture d’un colloque dédié aux entreprises françaises en Thaïlande, et organisé par la Mission économique et la Chambre de commerce franco-thaï, l’ambassadeur de France M. Laurent Bili, faisait remarquer

« Il est plus difficile de travailler quand on a quatre premier ministres et sept ministres des affaires étrangères qui se succèdent sur une période de deux ans. Mais notre rôle est de faire comprendre à nos interlocuteurs thaïlandais, que notre présence est inscrite dans le long terme. Par conséquent ce n’est pas la couleur de la chemise de notre interlocuteur qui compte dans une réunion, mais la position qu’occupe cette personne en tant que représentant du gouvernement thaïlandais. »

Le gouvernement thaïlandais a prévu un important programme de développement des infrastructures.

Pour les entreprises françaises installées en Thaïlande, le défi est double puisqu’il consiste à la fois à gérer les effets de la crise mondiale, et les incertitudes propres à la situation politique locale. Même si globalement les fondamentaux restent solides, l’incertitude sur la conjoncture de court terme demeure assez élevée.

Selon M. Supavud Saichuea, directeur des recherche à Phatra Securities

« Je pense que la bourse a touché le fond à Bangkok, mais que les économies émergentes ne pourront plus compter sur les marchés des pays développés dans les prochaines années : elles devront retrouver le chemin de la croissance en s’appuyant davantage sur leur marché intérieur, ou sur l’économie régionale. »

Comme la plupart des conjoncturistes, M. Saichuea estime que le premier trimestre 2009 sera mauvais, à l’instar du dernier trimestre 2008, avec une croissance  négative car les stocks sont actuellement  très élevés. Aucune amélioration n’est attendue avant 2010. Cette diminution de l’activité se retrouve dans l’utilisation de capacités de production en Thaïlande qui n’est que de 58% contre 70% en temps normal.

« En 1998 la crise est venue du secteur bancaire : les gens riches avaient beaucoup emprunté en dollar, et ils ont été les premier touchés par la crise. Le chômage a aussi touché 1,4 million de Thaïlandais, mais beaucoup ont pu retrouver du travail dans le secteur agricole. Aujourd’hui la crise vient de la chute des exportations vers les pays riches, et le chômage sera plus difficile à résorber car le filet de sécurité des emplois agricoles ne fonctionne plus comme il y a dix ans. »

estime M. Supavud Saichuea, directeur des recherche à Phatra Securities.

Contrairement à 1998, la Banque de Thaïlande affronte la crise avec des réserves de change élevées à cause de l’excédent commercial accumulé sur plusieurs années : 140 milliards de dollars. La stabilité du baht n’est donc pas un problème sur le plan extérieur, mais sur le plan intérieur, le cout du crédit est un handicap pour les petites et moyennes entreprises. Les banques thaïlandaises bénéficiant traditionnellement d’un spread élevé, proche de 6%.
Une situation confirmée par Hervé Mouly (Asia Magnetic Winding, fabrication de bobinages – Transformateurs et selfs)

« Il est très difficile d’obtenir des crédits pour une PME actuellement, et les commandes sont en baisse de près de 50% sur nos produits à cause de la chute de la demande mondiale sur les produits électroniques de forte puissance. En plus certaines entreprises, notamment chinoises, sont à cours de liquidités et vendent leurs produits à perte pour liquider leurs stocks. »

Les grosses sociétés thaïlandaises ont pour leur part recours  au marché obligataire pour se financer (voir : Le marché des obligations d’entreprises reste dynamique en Thaïlande)
Pour les grosses entreprises françaises, ou filiales de multinationales, la situation est différente, car la plupart ont déjà développé des stratégies de repli ou d’exploration de nouveaux marchés.

Jean-Marie Pithon (Dextra, Matériaux de Construction)

« Il y a des cycles dans les infrastructures et dans l’immobilier, qui sont souvent alternés. En 2009 il est possible que nous assistions à une diminution du marche global de la construction de près de 50% et ce plus ou moins dans les mêmes proportions partout dans le monde. Pour notre part nous nous attendons a une baisse de 25% de nos ventes en 2009. Nous avons appris en 1997, que la seule solution c’est de se tourner vers les marchés d’exportations, ce que nous faisons depuis en exportant 80% de notre production dans le monde entier à partir de Bangkok, diversifiant ainsi nos risques. En période de crise, Il faut être créatif et trouver de nouveaux segments de marché (produits/pays), à titre d’exemple nous comptons nous installer commercialement en Europe et au Brésil cette année».

Le gouvernement thaïlandais a prévu un important programme d’investissement dans les infrastructures (création de nouvelles lignes de transports en commun pour déservir Bangkok) pour les trois prochaines années, mais l’attribution de ces marchés fait souvent l’objet de tractations politiques. Les entreprises étrangères ne sont pas bien placées pour être retenue.

Pour Jean- Marie Verbrugghe (Bouygues- Thai):

« Il est difficile pour une entreprise étrangère d’obtenir ce type de contrat, à moins de prévoir un financement correspondant, comme l’on fait récemment les Japonais (voir article – Le Japon prête 23 milliards de baht à la Thaïlande). Bouygues Thai a ainsi été amené à développer ses activités à l’exportation vers de nouveaux marchés comme le Turkmenistan »

La plupart des entreprises ont aussi insisté sur la nécessité de préserver leur capital humain en temps de crise, et sont à la recherche de solutions pour diminuer les coûts, sans pour autant procéder à des licenciements secs.

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