L’escalade militaire continue entre la Thailande et le Cambodge, même si les deux pays se sont mis d’accord sur un cessez-le-feu précaire après des combats à l’arme lourde. La tension reste vive sur la frontière à proximité d’un temple dont les environs sont revendiqués par les deux pays. 

Selon le porte parole de l’armée thaïlandaise le Colonel Sansern Kaewkamnerd, le combats auraient déjà fait une soixantaine de victimes coté cambodgien, et deux coté thaïlandais (dont un civil). Plus de 3000 habitants proche de la zone des combats ont été évacué.

C’est dans ce climat tendu qu’il faut considérer  les condamnations la semaine dernière de deux Thailandais par un tribunal cambodgien pour espionnage. Que signifient ces condamnations ? Probablement pas que la Thailande cherchait en rase campagne à obtenir auprès des sauterelles des secrets d’Etat sur son voisin et rival de toujours.

Dans cette démonstration de force du Cambodge (huit et six ans de prison) il faut plutôt voir la démonstration d’un orgueil khmer, et d’une poussée nationaliste exacerbée par de vieilles plaies mal cicatrisées.

Situé à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, le temple Preah Vihear a toujours été une source de conflit entre les deux pays

Ce n’est pas non plus un hasard si les deux Thaïlandais lourdement sanctionnés (les autres ont été relâchés) sont Veera Somkwamkid, un des dirigeants du Réseau patriotique thaïlandais, et son secrétaire, Ratree Pipatanapaiboon. Veera Somkwamkid est aussi un ex membre très influent de l’ Alliance populaire pour la démocratie (PAD ou chemises jaunes).

Deux Thaïlandais condamnés pour espionnage

Tous les deux font partie du groupe de sept Thaïlandais arrêtés par des soldats cambodgiens le 29 décembre de l’année dernière, qui comprenait le député démocrate Panich Vikitsreth,  alors qu’il se trouvaient dans une zone contestée revendiquée par le Cambodge, près de Nong Jan  une zone adjacente à la province de Banteay Meanchey .

La querelle diplomatique qui oppose les deux pays frontaliers s’est envenimée récemment autour d’une pagode arborant le drapeau cambodgien installée depuis 1998 à proximité du Temple Preah Vihear. Le conflit porte sur une région abritant l’ancien temple hindouiste de Preah Vihear inclus dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

En 1962, la Cour internationale de justice (CIJ) de l’ONU a reconnu les droits du Cambodge sur le temple et le territoire adjacent, mais la Thaïlande n’a pas accepté cette décision. Des secteurs de la frontière n’ont pas été délimités, ce qui alimente des différends à l’origine de plusieurs incidents armés entre les deux pays ayant fait plusieurs morts en 2008 et 2009.

Le contentieux avec le Cambodge est devenu un enjeu politique exploité par les chemises jaunes (PAD)

En 2000, les deux pays ont signé un protocole d’accord sur la délimitation des frontières, dans lequel la partie thaïlandaise a partiellement reconnu le droit du Cambodge sur le temple. Or, après le coup d’Etat de 2006 en Thaïlande, les négociations sur le règlement du litige ont été suspendue. Aujourd’hui les nationalistes du PAD demandent la révocation de cet accord signe sous  l’administration Thaksin, et jugé trop favorable au Cambodge.

De son coté, le Cambodge menace de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies au sujet de  » l’invasion du territoire cambodgien par la Thaïlande » dans la zone de Beehive à la frontière près du temple de Preah Vihear, a indiqué le le ministre cambodgien des Affaires étrangères Hor Namhong.

Au dela du casse tête diplomatique que constitue cette affaire pour le gouvernement thailandais, le contentieux avec le Cambodge est aussi devenu un enjeu de politique intérieure délicat pour le Premier Ministre. L’Alliance populaire pour la démocratie (PAD) a sommé le Premier ministre thaïlandais Abhisit Vejajjiva de rapatrier l’ancien leader du mouvement jaune et son secrétaire,  avant la fin de la semaine, ou elle menace d’intensifier ses manifestations.

Situé à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, le temple Preah Vihear a toujours été une source de conflit entre les deux pays

Appartenant officiellement au Cambodge, le lieu vénéré a néanmoins été occupé par les forces thaïlandaise peu de temps après l’indépendance du Cambodge. L’affaire a été ensuite portée devant le tribunal international de La Haye qui a définitivement attribué le temple au peuple Khmer en 1962.

L'empire Khmer a son apogée sous les règnes de Suyavarman II (1113-1150) et Jayavarman VII (1181-1219)

Pour des raisons historiques, le moindre conflit territorial entre les deux pays a tendance a dégénérer facilement. En janvier 2003, des émeutes avaient éclaté à Phnom Penh où une fausse rumeur prétendait qu’une actrice thaïlandaise d’un soap opera avait affirmé qu’Angkor Vat appartenait à la Thaïlande.

L’ambassade de Thaïlande ainsi que divers centres d’intérêts thaïlandais avaient été mis à sac dans la capitale cambodgienne. La propriété des temples est donc un sujet avec lequel il vaut mieux ne pas plaisanter, que l’on soit Cambodgien ou Thaïlandais.

Historiquement, la Thailande et le Cambodge ont chacun leur tour dominé la péninsule du sud est asiatique a des degrés divers. La Thailande s’appuie sur un passé glorieux, quoique un peu lointain, puisque ces territoires faisaient partie du royaume d’Ayutthaya (entre le 14e et le 18e siecle) et ensuite du royaume du Siam. Mais le Cambodge a lui aussi son passé glorieux qui lui sert de référence: avant la période d’Ayutthaya, la situation était inversée.

A l’époque c’était  le Cambodge, ou plutôt l’empire khmer qui était à son apogée et dominait la province du Siam. Du 9ème au 14ème siècle, le Cambodge a connu un « âge d’or » dont l’apogée au 12ème siècle, sous les règnes de Suyavarman II (1113-1150) et Jayavarman VII (1181-1219), a été marquée par l’extension de l’empire angkorien sur une vaste région allant du Siam (actuelle Thaïlande) à la péninsule malaise. D’où les tensions qui resurgissent facilement : chaque pays a conservé dans sa mémoire historique la trace d’une période où l’un a dominé l’autre.

9 comments
  1. @ Angelo Michel

    « Le drapeau actuel du Cambodge comporte l’image de ruines, c’est assez rare au monde et çà signifie quelque chose … »

    Tout d’abord, permettez-moi de vous rectifier le tir…puisque ce que vous appelez naïvement de « ruine » n’est que le joyau architectural historique du temple d’Angkor Wat, et je pense qu’une telle richesse et un tel patrimoine, bien des pays aimerait en avoir, tout comme les pyramides en Egypte…une simple pièce vaut des millions de dollars sur le marché noir.
    Alors…avant de dire n’importe quoi, on se renseigne.

    vous avez dit aussi « Tantôt il organise un pogrom anti-thaïlandais »

    Il n’y a jamais eu de pogrom anti-thaïlandais, car il n’a jamais de chasse à l’homme ou d’élimination physique, juste une « émeute anti-thaïlandaise » via les intérêts financiers.
    Mais il faut savoir que les khmers ont une bonne image des thaïlandais, qu’ils les considèrent comme leurs cousins germains.
    Il ne faut pas utiliser des mots n’importe comment et dire n’importe quoi.

    « Et le bonhomme est un rusé manipulateur, ses « amitiés particulières » avec Thaksin en sont la preuve.

    Je pense qu’il n’y aura pas de paix entre les deux pays tant que ce dictateur « sorti de la jungle » sera en place … »

    Vous êtes le genre de baraing qui vit certainement au Cambodge depuis quelques années, qui pense tout connaitre, et ramène ses gros sabots…qui se permet de critiquer tout et n’importe quoi, sans la connaître vraiment.

    Ce dictateur que vous appelez, est un premier-ministre et acteur de la libération du pays des mains des khmers-rouges.

    « sorti de la jungle » comme vous dite, est ce que l’on peut appeler dans la langue de molière « autodidacte »
    apprenez à mieux manier votre langue, puisque pour un cambodgien comme moi, cela me fait mal aux yeux.

    La paix, c’est que souhaite tous les khmers, et aussi le P.M cambodgien, nous avons assez de la guerre, et souhaitons le malheur à personne, surtout pas à nos cousins thaïlandais.

  2. La dispute Thaïlande-Cambodge sur les frontières issues de la colonisation a subi une profonde modification dès 1932, quant à sa justification et ses fondamentaux du côté thaï, qui ne s’est jamais infirmée depuis.
    Avant cette date et la fin de la monarchie absolue, le « roi de Bangkok » avait établi un rapport de vassalité avec ses voisins, dans un contexte essentiellement féodal, qui permettait surtout à ses « ampheu » – ses gouverneurs – d’y razzier les rares richesses et de s’y fournir en main-d’œuvre facile, vite réduite en quasi-esclavage (voir à ce sujet, entre autres : « Explorations coloniales au Laos », de Jules Harmand).
    Les pertes de souveraineté imposées à la Thaïlande par la France à la fin du XIXe siècle et confirmées en 1907 par le traité de Battambang n’avaient pas alors suscité la moindre indignation dans l’opinion siamoise, peu concernée par ces rivalités de « puissants ».
    Il en fut tout autrement après l’installation de la « démocratie », c’est-à-dire de la dictature militaire – longtemps dirigée par le maréchal Luang Pibull Songgram – qui changea le nom du pays en 1939 : le Siam devint alors la Thaïlande. Sous l’influence d’un des doctrinaires du régime, Luang Vichitr, le sens même du mot « thaï », « homme libre », se modifia pour prendre une connotation raciale. Ainsi, dans son ouvrage paru en 1941, « The Thailand case », Luang Vichitr affirme-t-il qu’une grande partie des Laotiens ainsi que des Khmers sont, en fait, des Thaïs. La propagande nationaliste d’alors, qui cette fois rencontra un large écho dans toute la Thaïlande, fut une des causes du conflit franco-thaïlandais de 1940/41. La victoire de la marine d’Indochine à Koh Chang et les ambitions de domination de l’Asie de la part du Japon – en compétition avec le pan-thaïsme de Luang Pibull – ne permirent pas à la Thaïlande de réaliser pleinement son objectif d’annexion. De plus, après la seconde guerre mondiale, la Thaïlande dut rendre les territoires qu’elle s’était appropriés (voir, à ce sujet, « La victoire de Koh Chang », de Pierre Gosa, et « Koh chang la victoire perdue » d’Éric Miné).
    Aujourd’hui, en dépit d’une apparence plus acceptable pour la communauté internationale, la Thaïlande fonctionne toujours sur les bases institutionnelles et idéologiques de 1932. Ce n’est pas sans raison que Luang Vichitr et ses études sont régulièrement invoqués au sujet de Preah Vihear. A tort ou à raison, la Thaïlande se considère comme une victime dans cette affaire et n’a jamais admis que sa « victoire » de 1941 (le « Victory Monument » de Bangkok la célèbre) lui ait été volée.
    Le conflit territorial n’est donc pas près de s’achever.

  3. Vous avez peut-être raison d’oser dire tout cela, mais l’invasion thaïlandaise ne se passe pas depuis cette décennie, comment pourriez-vous expliquer les tensions militaires à Preah Vihear dans les années 1959-1962 ? Le Roi Sihanouk voulait-il aussi les conflits pour maintenir une cohésion interne ou quoi? Raisonnez un peu plus approfondi, les conflits avec la thaïlande ne sont pas nés au règne de Hun Sen!!

    1. à Maddick ,
      a propos de la tension militaire 1959-62 !
      Rappelons que le Cambodge avait obtenu l’indépendance en 1953. La colonie française ,ou mots magiques PROTECTORAT FRANCAIS , au pays khmer est de 1863 à 1953.
      Pourquoi , il n’avait pas de conflit à l’époque ? car ce sont des français qui avaient géré l’administration cambodgienne .
      Comme le Cambodge avait obtenu son indépendance en 1953 , petit pays (4 à 5 millions d’habitants) et pauvre par rapport à la Thailande .Alors La Thailande avait annexé ce bout de territoire par la force.
      Aujourd’hui , La France notre protecteur à l’époque , veut présenter la carte tracée en 1904-08 et les dirigeants thailandais ne veulent rien savoir .Pourtant c’est le traité que la Thailande avait signé avec les Français .
      Il s’agit de traité FRANCO-SIAM de 1907.
      Quelque part , on voit la mauvaise foi des dirigeants de la Thailande .
      Nous le peuple , on veut rien d’autre que la paix des 2 pays .Ce conflit ne fait que des dégâts et entraine la chute de l’intérêt économique des 2 pays.

  4. Votre texte évoquant l’histoire du Cambodge et de la Thailande , est compréhensible .
    Comme SURIN , province thailandais , frontalier avec le Cambodge , les gens se communiquent en khmer .Ils ont conservé toutes les traditions cambodgiennes .Ce province était cambodgien .
    A mon avis , les prétextes de l’invasion du Temple P.Vihear , c’est politique , du côté thailandais (pression des chemises jaunes).
    Ce Temple , les cambodgiens ont mis comme patrimoine de l’UNESCO .
    Les mannes provenant du tourisme , ne sont pas perdues pour la Thailande. Les accès au Temple n’étaient pas interdit du côté thailandais .
    Pourquoi tout de suite la guerre ?

    1. « les prétextes de l’invasion du Temple P.Vihear , c’est politique , du côté thailandais »

      Le drapeau actuel du Cambodge comporte l’image de ruines, c’est assez rare au monde et çà signifie quelque chose …

      Le dictateur du Cambodge, « ex »-Khmer-Rouge, a besoin de conflits pour maintenir une cohésion interne et museler son opposition.

      Tantôt il organise un pogrom anti-thaïlandais, tantôt il prend des otages, tantôt déclenche des escarmouches à la frontière !

      Et le bonhomme est un rusé manipulateur, ses « amitiés particulières » avec Thaksin en sont la preuve.

      Je pense qu’il n’y aura pas de paix entre les deux pays tant que ce dictateur « sorti de la jungle » sera en place …

      1. Vous avez évoqué le désign. du temple sur le drapeau du Cambodge : C’est ANKOR .C’est normal .C’est aussi l’image d’un pays ou le peuple aimait la sculpture .D’ailleurs on trouve , un peu partout au Cambodge , WATT NOKOR à Kompong Cham par exemple , le même style de temple.
        Le problème du conflit armée ne vient pas seulement de Hun Sen , mais du côté des thai aussi .
        Les thailandais ne respectent pas la décision du Tribunal de La Haye , mais que vous voulez discuter ?
        à moins qu’on dit que ce tribunal international ne vaut rien !
        A mon avis , le conflit ne rapporte rien à La Thailande , car beaucoup d’exportations de ce pays iront vers le Cambodge , et pas l’inverse.
        Le profit de la manne touristique également ,il n’est pas négligeable .

      2. Angelo,
        Un peuple qui sort de la guerre a besoin de se reconstruire, et certainement pas à faire la guerre à un pays plus puissant militairement que lui. Le Cambodge a besoin d’un leader « de poigne » pour vous c’est un dictateur, mais malheureusement on ne fait pas d’omelette sans casser les oeufs. Je vais régulierement au Cambodge depuis 20 ans et j’ai vu ce pays se redresser d’une facon incroyable, mais certainement pas suffisant pour vous. Mais ne trouvez vous pas l’attitude thailandaise étrange en refusant la médiation de l’onu et de l’asean dans ce conflit. La Thailande a quelle chose de malhonnete à cacher ?

        1. @ titouille
          Je suis tout à fait d’accord avec toi, que la sortie de guerre est toujours difficile, d’autant plus que dans le cas du Cambodge, beaucoup d’intellectuels ont été tués par le régime de Pol Pot (d’ailleurs, je n’arrive pas à comprendre cela, qu’est ce qu’il Pol Pot, à l’époque, en tête ? ou bien une ingérence étrangère pour prêter la main afin d’exterminer tout un peuple ?). Tandis que ceux qui sont survécus ne pourraient pas faire grandes choses à la fin du régime de Pol Pot, car HUN SEN est au pouvoir, à l’époque les soulèvements ne fera pas chuter le régime, de plus à la sortie d’une telle tragédie, les gens n’ont plus de courage de se révolter (et puis pourquoi se révolter à l’époque, vu qu’ils vivaient mieux que le régime Pol Pot).
          Je pense que les soulèvements, s’ils surviennent, viendront des jeunes (comme on a pu voir en Tunisie et en Égypte).
          Donc pour l’instant, je pense que HUN SEN doit rester à sa place.
          Si on regarde l’histoire, certains pays s’en sortent rapidement de la guerre, car ceux qui sont au pouvoir à la sortie de guerre savent gouverner le pays pour son pays et non comme des dictateurs, qui ne pense avant tout à son pouvoir et l’argent.
          Je pense aussi comme toi, pourquoi aller provoquer la guerre avec la Thaïlande qui est beaucoup plus puissante en militaire ?

          @ Angelo, je suis d’accord avec toi que HUN SEN profite de ce conflit pour renforcer son pouvoir.
          J’espère qu’il pense maintenant un peu plus au peuple qu’à sa personne.

          Juste un mot sur les thaïs condamnés au Cambodge (motif est trop flou), je pense que la justice thaïlandaise n’est pas parfaite non plus, et d’ailleurs il y a un article là-dessus « Bienvenu en enfer » édité sur ce même site.
          Si c’était inverse, les khmers finiront aussi en prison mais ça ne sera pas forcément pour le même motif.

          NOTA : J’apprécie que l’auteur de l’article ait évoqué les passés glorieux des 2 pays.
          Pour démontrer, l’absurdité des nationalistes.
          On vit maintenant dans un monde qui tend à supprimer les frontières entre les pays.
          Je crois que c’est plus intéressant de lutter contre la faim et l’inégalité de richesse dans le pays.

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