L’Homme est aujourd’hui un véritable prédateur pour le tigre, autrefois roi de la jungle. Le tourisme, le trafic d’os ou encore l’utilisation de parties du corps pour des « médecines » chinoises ont eu raison du plus grand fauve, qui n’a jamais aussi été menacé et exploité.
Les tigres sauvages en voie d’extinction
“Les gouvernements et les ONG veulent donner des bonnes nouvelles, en disant où sont les tigres… Mais il n’y pas de bonnes nouvelles » se désole Tim Redford, directeur de programme au sein de l’association de protection Freeland.
Ces cinq dernières années, la population de tigres sauvage a drastiquement chuté: on compte actuellement plus de tigres en captivité qu’à l’état sauvage. En 2018, selon le WWF, ils n’étaient plus qu’environ 3 900 à l’état sauvage au niveau mondial.
Une lueur d’espoir persiste en Inde, où le nombre de tigres sauvages a dépassé les 2 200, selon un récent recensement.
De plus, le pays ne compte aucune ferme de tigres : tout cela est le résultat du fort engagement du gouvernement dans la préservation, du financement des parcs nationaux et du très bon travail des gardes forestiers.
Les tigres 4.0 : selfies et queue enflammée
La Thaïlande est une grande destination touristique, où les animaux sont souvent au centre des activités : balade à dos d’éléphant, selfie avec des animaux dangereux, nage avec les dauphins, spectacle de feu, combats d’animaux, charmeur de serpent… Le tourisme est devenu un véritable fléau pour le bien-être animal.
“Une vie de captivité, enchaîné et forcé à interagir avec les humains… Ce n’est pas une vie pour un animal sauvage comme le tigre »
se désole Somsak Soonthornnawaphat, chef de la campagne thaïlandaise de la Société Mondiale de Protection des animaux (WAP), lors d’une conférence de presse au FCCT.
Une maltraitance généralisée
Somsak a également insisté sur le fait que les animaux sont souvent maltraités et que des bêtes sauvages ne sont pas faits pour interagir avec des touristes.
Dans de nombreux zoos, les animaux n’ont même pas d’eau fraîche, les tigres sont gardés dans de toutes petites cages et reçoivent peu ou pas de traitement médicaux.
Un rapport du WAP montre que plus de 600 tigres souffrent du tourisme. Par ailleurs, une fois qu’un animal a été habitué à la captivité, il n’est plus capable de vivre à l’état sauvage.
Par exemple au Zoo de Si Racha Tiger, qui accueille des milliers de touristes, principalement chinois, russes et indiens, de multiples attractions sont proposées.
Selfies avec des tigres drogués
Ainsi ces derniers peuvent nourrir les bêtes, prendre des selfies avec les fauves, qui sont alors complètement drogués, ou encore voir des spectacles de feu, où il n’est pas rare que des accidents arrivent, et que par exemple les queues des tigres prennent feu.
Chaque année, huit millions de chinois visitent la Thaïlande. Ces touristes, sont pris, de manière plus ou moins consciente, dans le commerce de tigre.
En effet les os de tigres sont vendus au détail dans des marchés, où des bus, transportant entre 1000 et 2000 personnes, s’arrêtent chaque jour.
Les vendeurs expliquent aux touristes qu’ils peuvent ramener en Chine les os de tigres et que c’est « seulement un peu illégal ». De plus le commerce d’os de tigres est souvent mélangé avec celui d’os de lion, qui est lui légal.
Environ 2000 tigres en captivité en Thaïlande
Ces dix dernières années, le nombre d’élevages de tigres a considérablement augmenté : environ 2 000 de ces fauves vivent actuellement en captivité en Thaïlande, soit dans des élevages soit dans des zoos.
L’existence d’élevages de tigres constitue une sérieuse menace.
Ces installations fonctionnent sous l’apparence d’un zoo, mais ce sont en fait des fermes qui élèvent des tigres afin d’alimenter le commerce illégal. Le Zoo de Si Racha, qui compte environ 300 tigres, est ainsi suspecté d’alimenter le trafic, selon l’inspection annuelle des installations de tigres de For Tiger
De nombreuses fermes thaïlandaises se sont rapprochées de la frontière du Laos afin de faciliter le trafic illégal, qui constitue souvent une première étape vers la Chine. Au Laos il est d’ailleurs encore légal de posséder un tigre pour les particuliers comme « animal domestique ».
Si le nombre de tigres en captivité augmente, les braconniers préfèrent cependant les fauves sauvages, qui valent plus cher à la vente.
Le braconnier, bête noire du plus grand fauve
En Thaïlande, les principaux responsables sont les braconniers qui chassent les tigres afin de revendre certaines parties de leur anatomie, principalement sur des marchés chinois et vietnamiens.
Les gardes forestiers, qui sont essentiels à la préservation des tigres, se retrouvent eux aussi souvent blessés voire tués par les braconniers. Ainsi, chaque année 150 gardes sont tués, soit une moyenne de trois par semaine.
La construction de routes et chemins ferrés, notamment par la Chine dans le cadre de sa BRI ou des corridors industriels, aggravent aussi fortement le déclin des populations de tigres sauvages. L’urbanisation fragmente les habitats naturels et réduit la biodiversité.
A cause de l’empiètement humain sur le territoire des tigres, ces derniers souffrent du virus de la maladie de Carré, une maladie mortelle qui se transmet par les chiens infectés, le plus souvent par contact avec des excréments contaminés.
Cette maladie est une véritable menace pour les tigres sauvages, qui peut dévaster les populations, comme ce fut le cas dans le Serengeti (Afrique) où 30% des lions ont été exterminés lors d’une épidémie.
« Pour conserver les tigres, nous avons besoin de planification, de moyens et de lois fortes » affirme Tim Redford, en expliquant que c’est la raison pour laquelle des pays comme le Myanmar ou le Laos n’ont plus de tigres.
« J’espère que l’éducation nationale thaïlandaise inclura un programme d’enseignement sur la conservation et expliquera pourquoi c’est important de préserver la forêt ».
Une nouvelle loi thaïlandaise pour protéger les tigres
Le 22 mai dernier la Thaïlande a adopté une loi concernant l’élevage des tigres en captivité et le braconnage. Auparavant, les braconniers et les trafiquants d’espèces sauvages étaient très peu sanctionnés . Avec la nouvelle loi, les contrevenants peuvent être emprisonnés entre trois et 14 ans et pourraient se voir infliger une amende de 2 millions de bahts pour avoir tué un tigre.
Avec la nouvelle loi, Edwin Wiek, directeur du WWF en Thaïlande, espère voir une évolution… « Mais le mal a déjà été fait… »
Dans l’ensemble, les ONG portent un discours pessimiste et alarmant sur la question des tigres, et remettent en avant l’ampleur du problème.
La conservation et le bien-être des tigres n’a jamais été aussi menacé et sans des lois plus strictes, une application efficace, l’engagement des ONG et du secteur privé, l’avenir de ce grandiose animal semble vraiment très sombre.