Le scénario de sortie de crise en Thaïlande semble répondre à un rituel immuable: une minorité agissante rend le pays ingouvernable, l’armée conseille au gouvernement de démissionner – a défaut de prendre elle-même le pouvoir, – et pour sortir de l’impasse on organise des élections. Si les élections ne donnent pas le résultat attendu, on recommence. La politique thaïlandaise a parfois des aspects un peu déconcertants pour ceux qui l’observent de l’extérieur.
Le problème c’est qu’aucune issue ne semble en vue à court terme car la PAD (Alliance du peuple pour la démocratie), responsable des troubles actuels, ne cherche pas sérieusement à négocier mais plutôt à provoquer une intervention de l’armée. De son cote l’actuel premier ministre ne peut que refuser de démissionner puisqu’il a été élu démocratiquement, et bénéficie par conséquent d’une légitimité qui fait cruellement défaut a ses opposants. Dans le Bangkok Post de ce matin, le directeur du département politique de l’université de Chulalongkorn pose la bonne question
Le fait que le PAD ait pu aller aussi loin dans son comportement de voyou ne peut s’expliquer que par ses puissants appuis. Sinon comment expliquer sa relative impunité face à ses violations flagrantes de la loi ?
se demande Thitinan Pongsudhirak, sans toutefois apporter de réponse trop précise sur l’origine exacte de ces puissants appuis.
Spectaculaires, les actions de la PAD n’en sont pas moins très minoritaires et s’apparentent plus à des coups de main “gauchistes” qu’à une véritable contestation s’appuyant sur un mouvement de masse. Même si quelques milliers de manifestants anti-gouvernementaux suffisent à bloquer un aéroport, on peut s’interroger sur la légitimité d’un mouvement de rue qui exige la démission d’un gouvernement régulièrement élu au suffrage universel avec une confortable majorité.
Thitinan Pongsudhirak, professeur à la faculté de sciences politiques de Chulalongkorn avait déjà mis en cause dans un précédent article “Une tyrannie dirigée par une minorité. Il est temps pour la majorité silencieuse des Thaïlandais, qui n’aime pas Thaksin, de condamner la prise d’otage du système démocratique par la PAD”
Le remède de la PAD contre les victoires électorales à répétition des pro Thaksin consiste tout simplement à démanteler le système électoral. Ainsi dans le “nouveau” système made in PAD, seulement 30 % des membres du parlement seraient élus, et le reste des députés proviendraient de différentes professions et associations. Cette proposition ramènerait le pays 76 ans en arrière lorsque la monarchie constitutionnelle fut établie en 1932. Les auteurs du coup d’état établirent alors un parlement dont les sièges étaient occupés par un nombre égal de membre élus et désignés.
La différence c’est qu’aujourd’hui la Thaïlande doit aussi affronter, comme tous les autres pays, une crise économique mondiale. La croissance du produit intérieur brut (PIB) au cours du troisième trimestre de cette année a atteint seulement 4%, contre 6% et 5,3% au premier et deuxième trimestre de cette année, en raison d’un ralentissement de la production industrielle, et de la construction dans l’immobilier. Sur l’ensemble de l’année la croissance devrait donc se situer entre 4 et 4,5%, car une amélioration au quatrième trimestre est peu probable. Pour 2009 les prévisions oscillent entre 2.5 et 3%.
La Thaïlande qui avait jusqu’à présent plutôt bien résisté à la crise des subprimes en raison de la faible exposition des banques thaïlandaise, risque de payer le prix fort si elle ne parvient pas à sortir de sa crise politique.
5 comments
Personne n’est immortel, et le successeur de l’actuel monarque n’aura pas la même aura que son prédécesseur. La démocratie thailandaise devra s’adapter à une nouvelle phase de maturité, ca ne peut etre que profitable, et plus positif que l’actuel coup de main d’une minorité agissante.
J’ai trouvé l’article de Ungpakorn d’où vient cet extrait.
Ceci dit il a un grief avec la royauté, et depuis quelques temps déjà. D’ailleurs je comprends mal ce qu’il écrit.
On peut toujours se réferer à l’opinion de Giles Ji Ungpakorn, citée par Le Monde:
« La PAD est une bande de royalistes fascistes qui a le puissant soutien de l’armée, du soi-disant Parti démocrate , des juges, des médias principaux et de la plupart des milieux académiques. Ce que tous ces gens partagent est un mépris total pour la portion pauvre de l’électorat thaïlandais ».
La question des « puissants appuis » est intéressante, dommage qu’elle n’ait pas été plus creusée. Qu’en est il de la position de la Reine?
Bonjour,
ce qui me semble très étonnant, c’est la sympathie que les médias français ont pour des insurgés séditieux.
TV5 Monde, la TSR, TF1, France 2 passent en boucle des reportages où les élus du PPP sont présentés comme des voleurs et des criminels par les activistes du PAD. Le PAD, ce magma de la droite bouddhiste xénophobe, de marxistes et d’une partie de l’élite urbaine qui se targuent d’être royalistes.
En fait c’est dans ces milieux, des classes moyennes urbaines éduquées, des intellectuels émancipés et des marxistes, lointains héritiers du parti communiste Thaïlandais, que le respect du Roi est le plus faible.
Dans les campagnes qui votent pour le PPP Sa majesté le Roi a un caractère divin, Il est Bouddha, même si il ya des préférences avérées pour Rama V et Rama IX, le Roi actuel.
Mais en France il suffit d’agiter les claquoirs de la « démocratie » pour qu’une bande de factieux soit promu au panthéon des défenseurs de la liberté !
PCDE, Kanchanaburi
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