Propagande totalitaire, censure et intimidations, violences physiques, cyberharcèlement… Il faut désormais une sacré dose de courage pour mener le métier de journaliste en toute indépendance dans les pays de la zone Asie-Pacifique, estime RSF dans un nouveau rapport rendu public aujourd’hui.
Les démocraties peinent à résister aux différents phénomènes de désinformation.
Dans la région, deux remontées significatives – chacune de 22 points – illustrent, s’il le fallait encore, à quel point l’écosystème politique d’un Etat joue sur la situation de la liberté de l’information.
En Malaisie, la première alternance politique en 62 ans d’indépendance a fait souffler un vent de fraîcheur sur une presse jusque-là totalement sclérosée, modifiant profondément l’environnement de travail des journalistes ; résultat, le pays est propulsé à la 123e place.
Et aux Maldives, l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président qui avait pris des engagements forts en faveur de la liberté de la presse – en partie tenus – permet à l’archipel de l’océan Indien de se hisser à la 98e place.
Le contre-modèle chinois gagne du terrain
Le contre-modèle chinois, basé sur une surveillance et une manipulation orwelliennes de l’information grâce aux nouvelles technologies, est d’autant plus alarmant que Pékin promeut désormais son modèle répressif hors de ses frontières.
En plus d’entraver le travail des correspondants étrangers sur son sol, la Chine cherche ainsi à instaurer un “nouvel ordre mondial de l’information” sous sa férule, comme l’a démontré RSF dans un rapport que l’organisation vient de publier.
Le Laos perd lui aussi un point (171e), notamment pour ne pas avoir laissé les journalistes couvrir le dramatique effondrement d’un barrage en juillet 2018. Inexorablement, les trois Etats-partis se rapprochent ainsi de leur “frère” nord-coréen : Pyongyang fait pour sa part un saut de puce (179e, +1), notamment grâce à un semblant d’ouverture du régime aux journalistes étrangers en marge des sommets réunissant le président Trump et le “dirigeant suprême” Kim Jong-un.
Censure et autocensure généralisées en Thaïlande
Avec des assauts menés contre les îlots de presse indépendante, d’autres contre-modèles s’inspirent de plus en plus de l’exemple chinois d’une information totalement verrouillée, à commencer par Singapour (151e), qui a érigé l’autocensure en règle absolue, à l’instar de Brunei (152e, -1) ou de la Thaïlande (136e). De même, la censure est devenue la norme au Cambodge (143e), où le gouvernement s’est attaché à annihiler toute presse indépendante, ou même à Hong-Kong (73e), où les grands médias traditionnels se plient désormais volontiers aux oukazes de Pékin.
Faute de garanties sur l’indépendance éditoriale par rapport aux autorités, la Papouasie-Nouvelle-Guinée (38e) et les îles Tonga (45e) ont également été marquées par une recrudescence de l’autocensure en 2018. Surtout, au Pakistan (142e, -3), les pressions exercées par l’establishment militaire sur la presse, en amont des élections générales de juillet 2018, ont entraîné là aussi une aggravation de la censure qui rappelle les pires moments de dictature qu’a connus le pays.
Cyberharcèlement et désinformation
Attaqués sur le terrain, les journalistes indiens le sont aussi en ligne. Sur les réseaux sociaux, tous ceux qui osent critiquer l’idéologie nationaliste hindoue portée par le Premier ministre Narendra Modi sont qualifiés d’éléments ”anti-indiens” qu’il s’agit de purger – ce qui donne lieu à d’effroyables campagnes de cyberharcèlement avec force menaces de mort ou de viols, les femmes journalistes étant la cible préféré des armées de trolls.
Un phénomène que l’on retrouve aux Philippines (134e, -1), où les assauts lancés par le gouvernement de Rodrigo Duterte contre la presse indépendante s’accompagnent de cyber-attaques coordonnées contre leurs représentants. Le cas le plus emblématique est sans conteste celui du site Rappler et de sa directrice Maria Ressa qui, en plus d’être la cible récurrente de campagnes de harcèlement en ligne, doit faire face à une série de poursuites judiciaires instrumentalisées par différentes agences gouvernementales.
L’instrumentalisation des réseaux sociaux est tout aussi préoccupante en Birmanie (138e, -1), où la désinformation s’est développée sans modération sur Facebook, banalisant les messages de haine anti-rohingyas au bénéfice des discours du gouvernement d’Aung San Suu Kyi – laquelle a fait preuve d’un silence absolument assourdissant lorsque les journalistes Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été condamnés à sept ans de prison, en septembre dernier, pour avoir tenté d’enquêter sur le génocide des Rohingyas.
Faute de garanties sur l’indépendance éditoriale par rapport aux autorités, la Papouasie-Nouvelle-Guinée (38e) et les îles Tonga (45e) ont également été marquées par une recrudescence de l’autocensure en 2018. Surtout, au Pakistan (142e, -3), les pressions exercées par l’establishment militaire sur la presse, en amont des élections générales de juillet 2018, ont entraîné là aussi une aggravation de la censure qui rappelle les pires moments de dictature qu’a connus le pays.