Le verdict est tombé comme un couperet : la Haute Cour de Rangoun a confirmé ce matin, vendredi 11 décembre, la peine de sept ans d’emprisonnement prononcée en septembre dernier contre les journalistes de Reuters Kyaw Soe Oo et Wa Lone

Reporters sans frontières (RSF) a aussitôt condamné avec la plus grande fermeté la décision de la Haute Cour de Rangoun, qui a repoussé ce matin l’appel interjeté par la défense de Wa Lone et Kyaw Soe Oo.

Un guet-apens tendu par la police

Arrêtés en décembre 2017 au cours d’un guet-apens tendu par la police, ils ont été l’objet d’une procédure judiciaire absolument inique, qui se conclut aujourd’hui par cet arrêt confirmatif.

“Tout, sur le fond du dossier comme sur la forme, plaidait en faveur de leur innocence, regrette Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Jusqu’au bout, la justice birmane aura fait montre de son acharnement contre Wa Lone et Kyaw Soe Oo, dont le seul crime est d’avoir osé faire leur travail. Cette décision illustre, si cela était encore nécessaire, l’intolérable instrumentalisation de l’appareil judiciaire par le pouvoir exécutif, marquant un arrêt brutal de la transition démocratique en Birmanie. Nous en appelons désormais aux plus hautes instances politiques du pays pour que les deux journalistes soient graciés au plus vite et qu’ils retrouvent enfin leur famille.”

Le président de la République, Win Myint, un proche de la cheffe du gouvernement Aung San Suu Kyi, dispose d’un pouvoir de grâce, qui est traditionnellement exercé au moment du Nouvel An birman, en avril.

Mais quelle que soit l’issue de cette affaire, le message adressé par les autorités aux journalistes du pays est glaçant : voilà le prix que vous devrez payer si vous osez enquêter sur les sujets interdits.

Une remarquable enquête sur le massacre des Rohingyas

Kyaw Soe Oo et Wa Lone avait mené une remarquable enquête sur le massacre de civils rohingyas perpétré par les militaires en septembre 2017 dans le village d’Inn Din, dans le nord de l’Etat d’Arakan, au cours de ce que de nombreux témoignages concordants ont décrit comme un génocide.

Leur arrestation était considérée comme une punition orchestrée par les forces de sécurité.

La zone de peuplement traditionnel de la communauté rohingya, où a eu lieu ce nettoyage ethnique, reste encore aujourd’hui totalement inaccessible aux journalistes – hormis au cours de pathétiques tournées de propagande étroitement encadrées par les autorités.  

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Avec la dégradation de trois des sept indicateurs – indépendance, transparence et autocensure – utilisés pour évaluer la situation de la liberté de la presse en Birmanie, RSF a émis en octobre dernier une “procédure d’alerte” sur sa place au Classement mondial de la liberté de la presse, craignant une évolution négative en 2019. Le pays est y actuellement situé en 137ème position sur 180 pays.

Source : rsf.org