La mise en place d’un réseau de 3G en Thaïlande, est en train de tourner au casse tête juridique, et illustre par l’absurde comment un processus technologique pourtant indispensable, peut se retrouver paralysé pour des raisons purement administratives et politiques.
La vente aux enchères des fréquences 3G était initialement prévue pour aujourd’hui, avec un prix de départ de l’appel d’offres fixé à 12,8 milliards de bahts (418 millions de dollars). Mais cette perspective est de nouveau repoussée, et ce pour plusieurs mois au minimum. La Thaïlande se retrouve ainsi parmi les derniers pays en Asie du Sud à ne pas encore disposer de la technologie Internet sans fil que permet la 3G . Le processus a été maintes fois retardé en raison principalement de l’absence d’un organisme indépendant chargé de réglementer les fréquences de radiodiffusion, ainsi que des changements dans les administrations de l’État.
Imbroglio juridique et lourdeur bureaucratique
D’une certaine façon la 3G peut être considérée comme une victime collatérale du coup d’état de 2006. La nouvelle constitution votée en 2007 à l’initiative du gouvernement mis en place par les militaires putschistes, avait en effet décidé la création d’une nouvelle commission nationale de radiodiffusion et de télécommunication, la CNTS (Commission de la radiodiffusion et des télécommunications nationales). Mais les démarches pour la mise en place de la 3G en cours depuis plus de quatre ans, ont été effectuée sous la direction de la Commission nationale des télécommunications (NTC), l’organisme chargé d’attribuer les fréquences dans la précédente administration.
D’un point de vue strictement juridique le verdict du tribunal administratif de Thaïlande est donc en apparence assez justifié : en vertu de la Constitution de 2007, la Commission nationale des télécommunications n’est plus habilitée à attribuer les fréquences, puisqu’une nouvelle Commission doit en principe s’en charger.
Le tribunal demande donc que la nouvelle commission soit d’abord créée, et que ses compétences soient clairement définies, avant que l’on procède à l’attribution des fréquences 3G. Car curieusement depuis 2007, personne ne s’était vraiment soucié de l’avenir de cette nouvelle commission, qui figurait pourtant dans la nouvelle constitution. Le Premier ministre thaïlandais Abhisit Vejjajiva a promis d’accélérer la rédaction d’un nouveau projet de loi pour tenter de mettre en place la nouvelle Commission de la radiodiffusion et des télécommunications nationales (CNTS) dans les meilleurs délais, mais le retard pris dans le dossier 3G par la Thaïlande est déjà considérable.
La 3G est une menace pour les juteux monopoles de CAT et TOT
Le problème ne se limite pas aux controverses juridiques sur l’organisme compétent pour réglementer les fréquences de radiodiffusion. De puissants groupes de pression ont aussi intérêt à voir le dossier s’enliser le plus longtemps possible : à l’heure actuelle, les sociétés privées de téléphonie mobile en Thaïlande opèrent en vertu de concessions accordées par TOT ou CAT Telecom, à qui elles doivent reverser de 20% à 30% de leurs revenus. Avec la 3G, cette part sera ramenée à 6%.
Le passage d’un grand nombre de consommateurs à la 3G pourrait donc se faire au détriment des grands monopoles étatiques, qui ont jusque là engrangé de confortables recettes grâce à leur situation dominante. C’est d’ailleurs CAT qui est à l’origine du recours devant le tribunal administratif qui a bloqué tout le processus la semaine dernière.
Pour l’heure, le sort des trois opérateurs mobiles encore sur les rangs pour la 3G, Advanced Info Service (AIS), DTAC et True Move, est maintenant suspendu à la décision du tribunal.
La 3G est beaucoup plus qu’un service de téléphonie mobile supplémentaire car elle offre un accès Internet large bande à toute une partie de la population qui en est exclue pour le moment. Une fois la 3G étendue, le nouveau réseau permettra une augmentation de l’accessibilité à Internet pour 80% de la population en Thaïlande.
Olivier Languepin
4 comments
Mon smartphone fonctionne très bien en Thaïlande et toutes les applications qui vont via le gprs et edge. C’est bien le principal !
» C’est d’ailleurs CAT qui est à l’origine du recours devant le tribunal administratif… » surtout que CAT vend actuellement t depuis presque un an du 3G / CDMA … qui marche plutôt bien si j’en juge par le fait que je peux vous laisser ce message ;-)… Apres une vague de promotion le mois dernier, les clefs modem-USB 3G était même en rupture de stock a Chiang Mai.
Ce qui me fait penser que votre titre n’est sans doute pas tout a fait exact.
Il est vrai que l’absence de 3G en Thaïlande est un vrai problème.
Cela freine également les ventes de Smartphones qui sans 3G sont pratiquement inutilisables pour le streaming vidéo, les synchronisations à distance, l’Internet mobile en un mot.
Heureusement que la Thaïlande est équipée de milliers de points d’accès Wifi gratuits et ouverts un peu partout dans le Royaume (pas comme en France où tout est pollué par des points d’accès fermés à tous, sauf dans les hôtels et restaurants rapides).
On peut très facilement se connecter à Internet via des points d’accès dans des grandes surfaces, des cafés, villages etc…
En plein Bangkok, de nombreuses connexions sont ouvertes et surfer en Wifi est très facile.
Alors en attendant que la 3G arrive, c’est la chasse aux points d’accès 🙂
Excellent éclairage. Vos articles sont toujours très intéressants et percutants. Merci
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