Les membres d’un groupe d’activistes environnementaux commenceront demain une campagne, pour protester contre la décision de la semaine dernière de la Cour centrale administrative de Thaïlande permettant à 74 des 76 projets industriels suspendus l’année dernière de reprendre leurs opérations.
Dans une décision qui sera probablement saluée par les investisseurs étrangers, un tribunal administratif thaïlandais a décidé que presque tous les projets situés dans la zone industrielle de Map Ta Phut (district de Rayong, à 150 Km au sud de Bangkok) peuvent reprendre leurs activités, malgré les préoccupations environnementales et sanitaires qui avaient motivé leur suspension. Les deux projets qui restent en suspens sont des extensions – celui d’une usine d’éthylène-glycol par TOC glycol, une unité de PTT PCL chimiques, et l’autre une usine de chlorure de vinyle monomère, par une filiale de Siam Cement PCL.
Il y a un an environ, une première décision du tribunal administratif de Rayong avait imposé la création d’une zone de pollution contrôlée, à Map Ta Phut, un endroit particulièrement touché par les rejets industriels, entraînant la suspension de la production de 76 unités industrielles. La décision avait été confirmée en décembre 2009 par la Cour Administrative Suprême, qui avait autorisé seulement 11 des 76 projets à continuer. Les autres devant s’adapter aux nouvelles normes de protection de l’environnement. Dans ses attendus, la Cour avait ajouté un message a destination des investisseurs
“Les investisseurs n’ont aucune excuse pour ne pas prendre en compte les impacts de leurs installations sur la santé et l’environnement.”
Une insécurité juridique mal ressentie par les investisseurs
Cette décision avait été assez mal accueillie par les investisseurs, car elle sanctionnait un non respect des règles environnementales…. sans les avoirs vraiment fixées auparavant. Les suspensions se basaient juridiquement sur le non respect de l’article 67 de la Constitution de 2007, qui fixe un objectif assez général de protection de l’environnement, (une étude d’impact environnemental doit être conduite avant l’approbation du projet, avec consultation des populations environnantes), mais qui n’avait jamais été traduit de manière précise par des obligations légales pour les entreprises.
La condamnation de la justice thaïlandaise était en fait une condamnation implicite de l’inertie de la politique gouvernementale en matière environnementale.
Cette ambiguïté devrait bientôt être levée: le gouvernement a approuvé cette semaine une liste de 11 industries jugées dangereuses, qui devront respecter des normes fixées à l’échelle nationale. La liste définitive, finalisée par un panel d’experts chargé de mettre fin à l’impasse juridique de Map Ta Phut, sera transmise au Conseil d’Etat avant la dernière étape juridique de la publication dans la Gazette royale.
La Thaïlande, une croissance soutenue, mais souvent sans trop se soucier de l’environnement
La croissance économique de la Thaïlande au cours des trois dernières décennies a été accompagnée d’ une rapide industrialisation, et par une intensification de la production, souvent faite sans trop se soucier des conditions environnementales. Pendant cette période d’expansion industrielle, la priorité a nettement été donnée à la croissance économique, l’environnement étant considéré comme une donnée secondaire.
Par exemple, la concentration de particules fines dans l’air à Bangkok, est en moyenne deux fois supérieure aux normes de l’OMS. Les volumes d’eaux usées domestiques non traitées, eaux usées industrielles et déchets solides dangereux ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années, et le résultat n’a pas tardé à se faire sentir sur les populations proches des zones industrielles.
Aujourd’hui il semble que la justice thaïlandaise ait pris la mesure de l’ampleur du problème, et accorde davantage d’importance aux plaintes déposées par les associations, contre les industriels pollueurs.
Olivier Languepin