Malgré la situation politique tumultueuse dans laquelle était plongée la Thaïlande en avril et mai dernier, l’économie du Royaume est au beau fixe avec un taux de croissance jamais vu depuis 15 ans.
Face à la hausse continue de la monnaie thaïlandaise depuis le début de l’année, le Premier Ministre Abhisit Vejjajiva se dit prêt à réagir, afin de ne pas compromettre les exportations, ainsi que de futurs investissements venus de l’étranger. Mais la plupart des analystes prévoient que la hausse de la devise thaïlandaise devrait se poursuivre.
Le baht a gagné 6,4 % par rapport au dollar depuis le début de cette année, et occupe le deuxième rang dans la région asiatique pour la plus forte hausse, derrière le ringgit malaisien et au même niveau que le Peso Philippin.
Des niveaux jamais vus depuis 1997
Le baht thaïlandais pourrait atteindre des niveaux jamais vus depuis 1997 l’année prochaine, tandis que l’accélération de la croissance encourage les investisseurs étrangers à continuer de choisir la Thaïlande comme destination, selon Barclays, une des principales banque basée à Londres.
Il existe plusieurs méthodes pour se faire une idée de la valeur comparée d’une monnaie par rapport à une autre. Les monnaies asiatiques, apparaissent presque toujours sous évaluées par rapport au dollar et à l’euro. Cette sous évaluation est le résultat d’une politique de croissance délibérément orientée vers les exportations. Plus une monnaie est faible, plus les exportations de son pays sont compétitives, car elles apparaissent comparativement moins chères dans la monnaie du pays importateur.
De 1956 jusqu’en 1973, le baht a été arrimé au dollar US au taux de change de 20,8 baht pour un dollar et à 20 baht pour 1 dollar jusqu’en 1978. En 1997, lorsque le royaume a été touché par la crise financière asiatique, le cours du baht est devenu flottant et a perdu 50% de sa valeur, pour atteindre son plus bas taux de 56 pour un dollar en Janvier 1998.
Un afflux de capitaux de capitaux étrangers
La surprise vient plutôt du comportement des investisseurs : les achats en provenance de l’étranger ont récemment propulsé le SET au dessus des 900 point, et les investisseurs étrangers continuent de s’installer en Thaïlande en dépit d’un climat politique encore assez incertain.Cet afflux de capitaux constitue un facteur supplémentaire qui favorise la hausse du baht thaïlandais.
Le principe fondamental de tout investisseur consiste à maximiser la rentabilité de ses actifs, or la croissance mesure la création de richesse par les entreprises, qui est un des éléments susceptible d’être redistribué sous formes de dividendes, ou d’augmentation du cours des actions cotées en bourse.
Les investisseurs et les capitaux étrangers se dirigent donc d’abord vers les régions créatrices de croissance, et éviteront les pays ayant des croissances faibles (Europe en particulier) en essayant d’anticiper les écarts entre les différentes zones. C’est ce qui explique en grande partie la bonne tenue du baht: la croissance a plus de chance de se maintenir à des niveaux supérieurs en Asie qu’en Europe ou aux États Unis. La perspective de monnaies asiatiques plus forte et donc assez réaliste, compte tenu des écarts de croissance entre les zones concernées.
Bientôt un dollar à 30 baht ?
La monnaie thaïlandaise a atteint son plus haut taux de change depuis deux ans, à 31,11 pour un dollar américain le 1er septembre. Ce taux devrait plafonner à 31 jusqu’à la fin de l’année d’après certains experts, mais un dollar à 30 baht n’est plus une perspective irréaliste.
« Le baht thaïlandais va certainement continuer à se renforcer et on va sûrement voir les exportateurs vendre le dollar »,
explique Kornvica Pimukmanaskit, analyste chez Kasikornbank Pcl.
« La croissance asiatique est plus forte qu’aux Etats-Unis ou qu’en Europe, l’argent se dirige vers ces pays et la Thaïlande en fait partie, ce qui soutient le baht ».
Mais cette montée en flèche du baht est suivie avec attention par le gouvernement qui craint des répercussions défavorables sur les investisseurs étrangers ainsi que sur les exportations.
Le ministre du commerce Porntiva Nakasai a declaré la semaine dernière que
« la haute valeur du baht présentait un risque pour les exportations de la Thaïlande à l’étranger, et que la banque centrale devait prendre soin de la monnaie du pays ».
Cependant, le ministre des finances Korn Chatikavanij estime que cette montée en puissance du baht n’aura qu’un impact minime sur les exportations, car les autres monnaies de la région ont elles aussi augmenté.
En attendant, le taux d’exportations a fortement grimpé en juin dernier, avec un bond de 46% par rapport à la même période de l’année précédente, bond le plus important depuis 18 ans. Le début de l’été a vu un ralentissement des exportations, avec une hausse de 20,6% en juillet en comparaison avec 2009.
La fin de l’année risque d’être dans le même ton, la plupart des pays européens ayant institué une politique de rigueur, les achats venant de l’étranger seront certainement moins importants qu’en ce début d’année.
Melaine Brou