Au lendemain d’un scrutin législatif qui s’est déroulé comme une funeste parodie de démocratie, Reporters sans frontières (RSF) publie la contribution à l’Examen périodique universel (EPU) du Cambodge qu’elle a récemment transmise au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Il en ressort une accablante litanie de violations de la liberté de la presse.
Fermeture de médias, intimidation et emprisonnement de journalistes, manipulation de l’information sur les réseaux sociaux… C’est à une vertigineuse intensification de la répression de la liberté d’informer qu’on a assisté depuis la percée de l’opposition lors des élections municipales de juin 2017.
Craignant de perdre sa mainmise absolue sur le pouvoir à l’issue du scrutin législatif de ce dimanche 29 juillet, le clan du Premier ministre Hun Sen s’est méticuleusement attaché à faire taire toute voix critique dans les médias du pays pour imposer son propre récit.
Cadre légal inadapté
A l’issue du dernier EPU du Cambodge, en 2014, les autorités s’étaient engagées à renforcer la fragile démocratie khmère en révisant notamment sa loi sur le régime de la presse. En cause, notamment : les confiscations administratives prévues pour des médias qui publieraient des informations “qui pourraient causer du tort à la stabilité politique”.
Autre grief, la question de la propriété des médias : l’absence de régulation du degré de concentration des médias empêche de garantir leur indépendance éditoriale et le pluralisme de l’information. Loin de s’inspirer des standards internationaux en la matière, les autorités se sont bien gardées de remettre en cause ces dispositions comme elles s’y étaient pourtant engagées devant le Conseil des droits de l’homme.
Mainmise du gouvernement sur les médias de masse
Au contraire, le parti au pouvoir a considérablement renforcé son emprise sur les médias de masse du pays. Les quatre plus grands propriétaires des médias cambodgiens captaient déjà près de 85% du public avant 2017.
Or, ils sont tous membres ou conseillers directs du gouvernement. Parmi eux, Hun Mana, la propre fille aînée du Premier ministre, ou encore Say Chhum, l’actuel président du Sénat et vice-président du parti au pouvoir. Aujourd’hui, la mainmise de ce redoutable cartel approche désormais les 100%.
Répression sans merci
Et pour cause, la presse indépendante du Cambodge, qui avait fait la preuve d’un grand professionnalisme et d’un remarquable dynamisme dans ce contexte pesant, a été littéralement laminée par les attaques répétées du gouvernement. L’offensive la plus violente a sans doute été la fermeture arbitraire d’une trentaine de médias indépendants l’été dernier, dont le bureau de la radio états-unienne Radio Free Asia (RFA) ou encore le Cambodia Daily, quotidien historique de la démocratie khmère.
Autre pilier de la presse libre, le Phnom Penh Post a été racheté en mai 2018 par un groupe malaisien proche du Premier ministre Hun Sen, entraînant le licenciement immédiat de son rédacteur en chef, Kay Kimsong, et poussant à la démission une partie de la rédaction qui refusait de se plier aux diktats du nouveau propriétaire. Le ton du quotidien a changé du jour au lendemain : c’est désormais un docile organe de propagande.
Journalistes directement ciblés
En 2014, lors du précédent EPU, les autorités du Cambodge s’étaient engagées devant leur pairs à “respecter et protéger le droit des journalistes d’accomplir leur travail sans entrave, ni intimidation ou harcèlement”.
Or, actuellement, deux journalistes, Aun Pheap et Zsombor Peter, anciens reporters au Cambodia Daily, sont forcés de vivre en exil pour échapper à des poursuites fallacieuses liées, selon l’accusation, à leur couverture des élections municipales de juin 2017.
De même, le documentaristes australien James Ricketson, 69 ans, croupit en prison depuis plus d’un an, prétendument pour avoir couvert un meeting de l’opposition. Ses enfants se disent alarmés par son état de santé. Deux anciens journalistes de RFA, Uon Chhin etYeang Sothearin, sont également arbitrairement détenus dans une geôle surpeuplée du pénitencier de Prey Sar. Leur dernière demande de libération sous caution a été refusée lundi 23 juillet.
Victimes collatérales
Dimanche, le soir de l’élection, ils auront passé leur 257ème jour en prison, loin de leur famille. Comme tant d’autres acteurs de la liberté de la presse, ils sont les victimes collatérales de l’écrasement de la démocratie khmère par le pouvoir en place.
En chute de dix places par rapport à 2017, le Cambodge se situe à la 142e position sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.